Читать бесплатно книгу «Antoine et Cléopâtre» Уильяма Шекспира полностью онлайн — MyBook
cover

William Shakespeare
Antoine et Cléopâtre

NOTICE SUR ANTOINE ET CLÉOPÂTRE

On critiquera sans doute, dans cette pièce, le peu de liaison des scènes entre elles, défaut qui tient à la difficulté de rassembler une succession rapide et variée d'évènements dans un même tableau; mais cette variété et ce désordre apparent tiennent la curiosité toujours éveillée, et un intérêt toujours plus vif émeut les passions du lecteur jusqu'au dernier acte. Il ne faut cependant commencer la lecture d'Antoine et Cléopâtre qu'après s'être pénétré de la Vie d'Antoine par Plutarque: c'est encore à cette source que le poëte a puisé son plan, ses caractères et ses détails.

Peut-être les caractères secondaires de cette pièce sont-ils plus légèrement esquissés que dans les autres grands drames de Shakspeare; mais tous sont vrais, et tous sont à leur place. L'attention en est moins distraite des personnages principaux qui ressortent fortement, et frappent l'imagination.

On voit dans Antoine un mélange de grandeur et de faiblesse; l'inconstance et la légèreté sont ses attributs; généreux, sensible, passionné, mais volage, il prouve qu'à l'amour extrême du plaisir, un homme de son tempérament peut joindre, quand les circonstances l'exigent, une âme élevée, capable d'embrasser les plus nobles résolutions, mais qui cède toujours aux séductions d'une femme.

Par opposition au caractère aimable d'Antoine, Shakspeare nous peint Octave César faux, sans courage, d'une âme étroite, hautaine et vindicative. Malgré les flatteries des poëtes et des historiens, Shakspeare nous semble avoir deviné le vrai caractère de ce prince, qui avoua lui-même, en mourant, qu'il avait porté un masque depuis son avènement à l'empire.

Lépide, le troisième triumvir, est l'ombre au tableau à côté d'Antoine et de César; son caractère faible, indécis et sans couleur, est tracé d'une manière très-comique dans la scène où Énobarbus et Agrippa s'amusent à singer son ton et ses discours. Son plus bel exploit est dans la dernière scène de l'acte précédent, où il tient bravement tête à ses collègues, le verre à la main, encore est-on oblige d'emporter ivre-mort ce TROISIÈME PILIER DE L'UNIVERS.

On regrette que le jeune Pompée ne paraisse qu'un instant sur la scène; peut-être oublie-t-il trop facilement sa mission sacrée, de venger un père, après la noble réponse qu'il adresse aux triumvirs; et l'on est presque tenté d'approuver le hardi projet de ce Ménécrate qui dit avec amertume: Ton père, ô Pompée, n'eût jamais fait un traité semblable. Mais Shakspeare a suivi ici l'histoire scrupuleusement. D'ailleurs l'art exige que l'intérêt ne soit pas trop dispersé dans une composition dramatique; voilà pourquoi l'aimable Octavie ne nous est aussi montrée qu'en passant; cette femme si douce, si pure, si vertueuse, dont les grâces modestes sont éclipsées par l'éclat trompeur et l'ostentation de son indigne rivale.

Cléopâtre est dans Shakspeare cette courtisane voluptueuse et rusée que nous peint l'histoire; comme Antoine, elle est remplie de contrastes: tour à tour vaniteuse comme une coquette et grande comme une reine, volage dans sa soif des voluptés, et sincère dans son attachement pour Antoine; elle semble créée pour lui et lui pour elle. Si sa passion manque de dignité tragique, comme le malheur l'ennoblit, comme elle s'élève à la hauteur de son rang par l'héroïsme qu'elle déploie à ses derniers instants! Elle se montre digne, en un mot, de partager la tombe d'Antoine.

Une scène qui nous a semblé d'un pathétique profond, c'est celle où Énobarbus, bourrelé de remords de sa trahison, adresse à la Nuit une protestation si touchante, et meurt de douleur en invoquant le nom d'Antoine, dont la générosité l'a rappelé au sentiment de ses devoirs.

Johnson prétend que cette pièce n'avait point été divisée en actes par l'auteur, ou par ses premiers éditeurs. On pourrait donc altérer arbitrairement la division que nous avons adoptée d'après le texte anglais; peut-être, d'après cette observation de Johnson, Letourneur s'était-il cru autorisé à renvoyer deux ou trois scènes à la fin, comme oiseuses ou trop longues; nous les avons scrupuleusement rétablies.

Selon le docteur Malone, la pièce d'Antoine et Cléopâtre a été composée en 1608, et après celle de Jules César dont elle est en quelque sorte une suite, puisqu'il existe entre ces deux tragédies la même connexion qu'entre les tragédies historiques de l'histoire anglaise.

ANTOINE ET CLÉOPÂTRE
TRAGÉDIE

PERSONNAGES

SEXTUS POMPEIUS.

TAURUS,

CASSIDIUS,

SILIUS,

EUPHRODIUS,

ALEXAS, MARDIAN, SELEUCUS et

DIOMEDE, serviteurs de Cléopâtre

UN DEVIN.

UN PAYSAN.

CLÉOPÂTRE, reine d'Égypte.

OCTAVIE, soeur de César, femme d'Antoine.

OFFICIERS.

SOLDATS.

MESSAGERS ET SERVITEURS.

La scène se passe dans diverses parties de l'empire romain

ACTE PREMIER

SCÈNE I

Alexandrie. – Un appartement du palais de Cléopâtre
Entrent DÉMÉTRIUS ET PHILON

PHILON. – En vérité, ce fol amour de notre général passe la mesure. Ses beaux yeux, qu'on voyait, au milieu de ses légions rangées en bataille, étinceler, comme ceux de Mars armé, maintenant tournent leurs regards, fixent leur attention sur un front basané. Son coeur de guerrier, qui, plus d'une fois, dans la mêlée des grandes batailles, brisa sur son sein les boucles de sa cuirasse, dément sa trempe. Il est devenu le soufflet et l'éventail qui apaisent les impudiques désirs d'une Égyptienne1. Regarde, les voilà qui viennent. (Fanfares. Entrent Antoine et Cléopâtre avec leur suite. Des eunuques agitent des éventails devant Cléopâtre). – Observe-le bien, et tu verras en lui la troisième colonne de l'univers2 devenue le jouet d'une prostituée. Regarde et vois.

CLÉOPÂTRE. – Si c'est de l'amour, dites-moi, quel degré d'amour?

ANTOINE. – C'est un amour bien pauvre, celui que l'on peut calculer.

CLÉOPÂTRE. – Je veux établir, par une limite, jusqu'à quel point je puis être aimée.

ANTOINE. – Alors il te faudra découvrir un nouveau ciel et une nouvelle terre.

(Entre un serviteur.)

LE SERVITEUR. – Des nouvelles, mon bon seigneur, des nouvelles de Rome!

ANTOINE. – Ta présence m'importune: sois bref.

CLÉOPÂTRE. – Non; écoute ces nouvelles, Antoine, Fulvie peut-être est courroucée. Ou qui sait, si l'imberbe César ne vous envoie pas ses ordres suprêmes: Fais ceci ou fais cela; empare-toi de ce royaume et affranchis cet autre: obéis, ou nous te réprimanderons.

ANTOINE. – Comment, mon amour?

CLÉOPÂTRE. – Peut-être, et même cela est très-probable, peut-être que vous ne devez pas vous arrêter plus longtemps ici; César vous donne votre congé. Il faut donc l'entendre, Antoine. – Où sont les ordres de Fulvie? de César, veux-je dire? ou de tous deux? – Faites entrer les messagers. – Aussi vrai que je suis reine d'Égypte, tu rougis, Antoine: ce sang qui te monte au visage rend hommage à César; ou c'est la honte qui colore ton front, quand l'aigre voix de Fulvie te gronde. – Les messagers!

ANTOINE. – Que Rome se fonde dans le Tibre, que le vaste portique de l'empire s'écroule! C'est ici qu'est mon univers. Les royaumes ne sont qu'argile. Notre globe fangeux nourrit également la brute et l'homme. Le noble emploi de la vie, c'est ceci (il l'embrasse), quand un tendre couple, quand des amants comme nous peuvent le faire. Et j'invite le monde sous peine de châtiment à reconnaître que nous sommes incomparables!

CLÉOPÂTRE. – O rare imposture! Pourquoi a-t-il épousé Fulvie s'il ne l'aimait pas? Je semblerai dupe, mais je ne le suis pas. – Antoine sera toujours lui-même.

ANTOINE. – S'il est inspiré par Cléopâtre. Mais au nom de l'amour et de ses douces heures, ne perdons pas le temps en fâcheux entretiens. Nous ne devrions pas laisser écouler maintenant sans quelque plaisir une seule minute de notre vie… Quel sera l'amusement de ce soir?

CLÉOPÂTRE. – Entendez les ambassadeurs.

ANTOINE. – Fi donc! reine querelleuse, à qui tout sied: gronder, rire, pleurer: chaque passion brigue à l'envie l'honneur de paraître belle et de se faire admirer sur votre visage. Point de députés! Je suis à toi, et à toi seule, et ce soir, nous nous promènerons dans les rues d'Alexandrie, et nous observerons les moeurs du peuple… Venez, ma reine: hier au soir vous en aviez envie. (Au messager.) Ne nous parle pas.

(Ils sortent avec leur suite.)

DÉMÉTRIUS. – Antoine fait-il donc si peu de cas de César?

PHILON. – Oui, quelquefois, quand il n'est plus Antoine, il s'écarte trop de ce caractère qui devrait toujours accompagner Antoine.

DÉMÉTRIUS. – Je suis vraiment affligé de voir confirmer tout ce que répète de lui à Rome la renommée, si souvent menteuse: mais j'espère de plus nobles actions pour demain… Reposez doucement!

SCÈNE II

Un autre appartement du palais
Entrent CHARMIANE, ALEXAS, IRAS ET UN DEVIN

CHARMIANE. – Seigneur Alexas, cher Alexas, incomparable, presque tout-puissant Alexas, où est le devin que vous avez tant vanté à la reine? Oh! que je voudrais connaître cet époux, qui, dites-vous, doit couronner ses cornes de guirlandes3!

ALEXAS. – Devin!

LE DEVIN. – Que désirez-vous?

CHARMIANE. – Est-ce cet homme?.. Est-ce vous, monsieur, qui connaissez les choses?

LE DEVIN. – Je sais lire un peu dans le livre immense des secrets de la nature.

ALEXAS. – Montrez-lui votre main.

(Entre Énobarbus.)

ÉNOBARBUS. – Qu'on serve promptement le repas: et du vin en abondance, pour boire à la santé de Cléopâtre.

CHARMIANE. – Mon bon monsieur, donnez-moi une bonne fortune.

LE DEVIN. – Je ne la fais pas, mais je la devine.

CHARMIANE. – Eh bien! je vous prie, devinez-m'en une bonne.

LE DEVIN. – Vous serez encore plus belle que vous n'êtes.

CHARMIANE. – Il veut dire en embonpoint.

IRAS. – Non; il veut dire que vous vous farderez quand vous serez vieille.

CHARMIANE. – Que les rides m'en préservent!

ALEXAS. – Ne troublez point sa prescience, et soyez attentive.

CHARMIANE. – Chut!

LE DEVIN. – Vous aimerez plus que vous ne serez aimée.

CHARMIANE. – J'aimerais mieux m'échauffer le foie avec le vin.

ALEXAS. – Allons, écoutez.

CHARMIANE. – Voyons, maintenant, quelque bonne aventure; que j'épouse trois rois dans une matinée, que je devienne veuve de tous trois, que j'aie à cinquante ans un fils auquel Hérode4 de Judée rende hommage. Trouve-moi un moyen de me marier avec Octave César, et de marcher l'égale de ma maîtresse.

LE DEVIN. – Vous survivrez à la reine que vous servez.

Бесплатно

0 
(0 оценок)

Читать книгу: «Antoine et Cléopâtre»

Установите приложение, чтобы читать эту книгу бесплатно

На этой странице вы можете прочитать онлайн книгу «Antoine et Cléopâtre», автора Уильяма Шекспира. Данная книга имеет возрастное ограничение 12+, относится к жанрам: «Европейская старинная литература», «Зарубежная драматургия».. Книга «Antoine et Cléopâtre» была издана в 2017 году. Приятного чтения!