Читать бесплатно книгу «Les mystères du peuple, Tome IV» Эжена Сю полностью онлайн — MyBook

L'AUTEUR
AUX ABONNÉS DES MYSTÈRES DU PEUPLE

Chers Lecteurs,

Il faut vous l'avouer, notre oeuvre n'est point du goût des gouvernements despotiques: en Autriche, en Prusse, en Russie, en Italie, dans une partie de l'Allemagne, les Mystères du Peuple sont défendus; à Vienne même, une ordonnance royale contre-signée Vindisgraëtz (un des bourreaux de la Hongrie), prohibe la lecture de notre livre. Les préfets et généraux de nos départements en état de siége font les Vindisgraëtz au petit pied; ils mettent notre oeuvre à l'index dans leurs circonscriptions militaires; ils vont plus loin: le général qui commande à Lyon a fait saisir des ballots de livraisons des Mystères du Peuple que le roulage, muni d'une lettre de voiture régulière, transportait à Marseille. Dans les villes qui ne jouissent pas des douceurs du régime militaire, les libraires et les correspondants de notre éditeur ont été exposés aux poursuites, aux tracasseries, aux dénis de justice les plus incroyables. Pourquoi cela? Notre ouvrage a-t-il été incriminé par le procureur de la République? Jamais. Contient-il quelque attaque directe ou indirecte à la Religion, à la Famille, à la Propriété? Vous en êtes juges, chers lecteurs. En ce qui touche la religion, j'ai exalté de toute la force de ma conviction la céleste morale de Jésus de Nazareth, le divin sage; en ce qui touche la famille, j'ai pris pour thème de nos récits l'histoire d'une famille, idéalisant de mon mieux cet admirable et religieux esprit familial, l'un des plus sublimes caractères de la race gauloise; en ce qui touche la propriété, j'essaye de vous faire partager mon horreur pour la conquête franque, sacrée, légitimée par les évêques; conquête sanglante, monstrueuse, établie par le pillage, la rapine et le massacre; en un mot, l'une des plus abominables atteintes qui aient jamais été portées au droit de propriété, de sorte que l'on peut, que l'on doit dire de l'origine des possessions de la race conquérante, rois, seigneurs ou évêques: La royauté, c'est le vol! la propriété féodale, c'est le vol! la propriété ecclésiastique, c'est le vol!.. puisque royauté, biens féodaux, biens de l'Église, n'ont eu d'autre origine que la conquête franque. Notre livre est-il immoral, malsain, corrupteur? Jugez-en, chers lecteur, jugez-en. Nous avons voulu populariser les grandes et héroïques figures de notre vieille nationalité gauloise et inspirer pour leur mémoire un filial et pieux respect; nous ne prétendons pas créer une oeuvre éminente, mais nous croyons fermement écrire un livre honnête, patriotique, sincère, dont la lecture ne peut laisser au coeur que des sentiments généreux et élevés. D'où vient donc cette persécution acharnée contre les Mystères du Peuple? C'est que notre livre est un livre d'enseignement; c'est que ceux qui auront bien voulu le lire et se souvenir, garderont conscience et connaissance des grands faits historiques, nationaux, patriotiques et révolutionnaires qui ont toujours épouvanté les gouvernements; car jusqu'ici tout gouvernement, tout pouvoir a tendu plus ou moins, lui et ses fonctionnaires, à jouer le rôle de conquérant et à traiter le peuple en race conquise. Qu'était-ce donc, sous le dernier régime, que ces deux cent mille privilégiés gouvernant la France par leurs députés, sinon une manière de conquérants dominant trente-cinq millions d'hommes de par leur droit électoral? Qu'est-ce que cette armée, ces canons, en pleine paix, au milieu de la cité, au milieu de citoyens désarmés, sinon l'un des vestiges de l'oppression brutale de la conquête?.. Aussi, le jour de l'avénement définitif de la République démocratique effacera-t-il les dernières traces de ces traditions conquérantes, et la France, sincèrement, réellement gouvernée par elle-même, sera seulement alors un pays libre. – Cela dit, passons.

Nous voici donc arrivés à l'une des plus douloureuses époques de notre histoire. Les Franks, appelés, sollicités par les évêques gaulois, ont envahi et conquis la Gaule. Cette conquête, accomplie, nous l'avons dit, par le pillage, l'incendie, le massacre; cette conquête, inique et féroce comme le vol et le meurtre, le clergé l'a désirée, choyée, caressée, légitimée, bénie, presque sanctifiée dans la personne de Clovis, roi de ces conquérants barbares, en le baptisant, dans la basilique de Reims, fils soumis de la sainte Église catholique, apostolique et romaine, par les mains de saint Rémi. Pourquoi les prêtres d'un Dieu d'amour et de charité ont-ils ainsi légitimé des horreurs qui soulèvent le coeur et révoltent la conscience humaine? Pourquoi ont-ils ainsi trahi et livré la Gaule, hébétée, avilie, châtrée par eux à dessein et de longue main? Pourquoi l'ont-ils ainsi trahie et livrée, notre sainte patrie, elle, ses enfants, ses biens, son sol, son drapeau, sa nationalité, son sang, au servage affreux de l'étranger? Pourquoi? Trois des grands historiens qui résument la science moderne, quoique à des points de vue différents, vont nous l'apprendre.

«… Presque immédiatement après la conquête des Franks, les évêques et les chefs des grandes corporations ecclésiastiques, abbés, prieurs, etc., prirent place parmi les leudes 1 du roi Clovis… Aucune magistrature, aucun pouvoir n'a été en aucun temps le sujet de plus de brigues et d'efforts que l'épiscopat. La vacance d'un siége devenait même souvent un sujet de guerre: Hilaire, archevêque d'Arles, écarta plusieurs évêques contre toute règle, et en ordonna d'autres de la manière la plus indécente, malgré le voeu formel des habitants des cités. Et comme ceux qui avaient été nommés de la sorte ne pouvaient se faire recevoir de bonne grâce par les citoyens qui ne les avaient pas élus, ils rassemblaient des bandes de gens armés et allaient assiéger la ville où ils avaient été nommés évêques… On peut voir dans l'édit d'Athalarik, roi des Visigoths, quelles mesures le législateur civil dut prendre contre les candidats à l'épiscopat. Nul code électoral ne s'est donné plus de peine pour empêcher la violence, la fraude et la corruption.

»… Loin de porter atteinte à la puissance du clergé, l'établissement des Franks dans les Gaules ne servit qu'à l'accroître; par les bénéfices, les legs, les donations de tous genres, ils acquéraient des biens immenses et prenaient place parmi L'ARISTOCRATIE DES CONQUÉRANTS.

»… Là fut le secret de la puissance du clergé. Il en pouvait faire, il en faisait chaque jour des usages coupables et qui devaient être funestes à l'avenir:… Souvent conduit, comme les Barbares, par des intérêts et des passions purement terrestres, le clergé partagea avec eux la richesse, le pouvoir, TOUTES LES DÉPOUILLES DE LA SOCIÉTÉ, etc., etc.» (Guizot, Essais sur l'histoire de France.)

M. Guizot, en signalant aussi énergiquement et en déplorant la part monstrueuse que le clergé se fit lors de la conquête et de l'asservissement de la Gaule, ajoute que c'était presque un mal nécessaire en un temps désastreux où il fallait chercher à opposer une puissance morale à la domination sauvage et sanglante des conquérants. Nous nous permettrons de ne pas partager l'opinion de l'illustre historien, et nous dirons tout à l'heure en quelques mots les raisons de notre dissidence.

«A la tête des Franks se trouvait un jeune homme nommé Hlode-Wig (Clovis), ambitieux, avare et cruel; les évêques gaulois le visitèrent et lui adressèrent leurs messages; plusieurs se firent les complaisants domestiques de sa maison, que dans leur langage romain ils appelaient sa royale cour…

»… Des courriers portèrent rapidement au pape de Rome la nouvelle du baptême du roi des Franks; des lettres de félicitation et d'amitié furent adressées de la ville éternelle à ce roi QUI COURBAIT LA TÊTE SOUS LE JOUG DES ÉVÊQUES… Du moment où le Frank Clovis se fut déclaré le fils de l'Église et le vassal de saint Pierre, sa conquête s'agrandit en Gaule, etc… Bientôt les limites du royaume des Franks furent reculées vers le sud-est, et, à l'instigation des évêques qui l'avaient converti, le néophyte (Clovis) entra à main armée chez les Burgondes (accusés par le clergé d'être hérétiques). Dans cette guerre les Franks signalèrent leur passage par la meurtre et par l'incendie, et retournèrent au nord de la Loire avec un immense butin; le clergé orthodoxe qualifiait cette expédition sanglante de pieuse, d'illustre, de sainte entreprise pour la vraie foi.

»La trahison des prêtres livra aux Franks les villes d'Auvergne qui ne furent pas prises d'assaut; une multitude avide et sauvage se répandit jusqu'au pied des Pyrénées, dévastant la terre et traînant les hommes esclaves deux à deux comme des chiens à la suite des chariots; partout où campait le chef frank victorieux, les évêques orthodoxes assiégeaient sa tente. Germerius, évêque de Toulouse, qui resta vingt jours auprès de lui, mangeant à la table du Frank, reçut en présent des croix d'or, des calices, des patènes d'argent, des couronnes dorées et des voiles de pourpre, etc.» (Augustin Thierry, Histoire de la Conquête de l'Angleterre par les Normands.)« M. Augustin Thierry ne voit pas, comme M. Guizot, une sorte de nécessité de salut public dans l'abominable trahison, dans la hideuse complicité du clergé gaulois, lançant les Barbares sur des populations inoffensives et chrétiennes (les Visigoths étaient chrétiens, mais n'admettaient pas la Trinité), et partageant avec les pillards et les meurtriers les richesses des vaincus. M. Augustin Thierry signale surtout ce fait capital: les félicitations du pape de Rome à Clovis, après que le premier de nos rois de droit divin, souillé de tous les crimes, se fût déclaré le vassal du pape, en courbant le front devant saint Rémi, qui lui dit: Baisse le front, fier Sicambre! de ce moment, le pacte sanglant des rois et des papes, de l'aristocratie et du clergé, était conclu… Quatorze siècles de désastres, de guerres civiles ou religieuses pour le pays, d'ignorance, de honte, de misère, d'esclavage et de vasselage pour le peuple devaient être les conséquences de cette alliance du pouvoir clérical et du pouvoir royal.

«La monarchie franque s'était surtout affermie par l'accord parfait du clergé avec le souverain, il s'en est peu fallu que Clovis n'ait été reconnu POUR SAINT, et qu'il n'ait été honoré à ce titre par l'Église, aussi bien que l'est encore aujourd'hui son épouse sainte Clotilde. À cette époque, les bienfaits accordés à l'Église étaient un meilleur titre pour gagner le ciel que les bonnes actions. La plupart des évêques des Gaules contemporains de Clovis furent liés d'amitié avec ce prince, et sont réputés saints; on assure même que saint Rémi fut son conseiller le plus habituel… Des conciles réglèrent l'usage des donations immenses faites par Clovis aux églises. Ils déclarèrent les biens-fonds du clergé exempts de toutes les taxes publiques, inaliénables, et le droit que l'Église avait acquis sur eux imprescriptible.» (Sismondi, Histoire des Français, tome I.)

Les plus éminents historiens sont d'accord sur ce fait: Le clergé gaulois a appelé, sollicité, consacré la conquête franque et a partagé avec les conquérants les dépouilles de la Gaule. Certes, dit M. Guizot, ainsi que les écrivains de son école, la conduite du clergé était déplorable, funeste au présent et à l'avenir; mais il fallait avant tout opposer une puissance morale à la domination brutale des Barbares. La divine mission du christianisme était de civiliser, d'adoucir ces sauvages conquérants. Soit. Admettons que de la trahison envers le peuple, que d'une cupidité effrénée, que d'une ambition impitoyable, il puisse naître une puissance morale quelconque, le devoir du clergé était donc de montrer à ces farouches conquérants que la force brutale n'est rien; que la puissance morale est tout; que le fidèle selon le Christ est saint et grand par l'humilité, par la charité, par la pauvreté, par la chasteté, par l'égalité. Il fallait surtout prêcher à ces barbares que rien n'était plus horrible, plus sacrilége que de tenir son prochain en esclavage, Jésus de Nazareth ayant dit: Les fers des esclaves doivent être brisés. Il fallait enfin, et par l'influence divine dont il se disait dépositaire, et surtout par ses propres exemples, que le clergé s'occupât sans relâche de rendre les Franks humbles, humains, charitables, sobres, chastes, désintéressés. Or, que fait le clergé gaulois pour établir cette puissance morale civilisatrice? Des richesses ensanglantées, fruit du pillage et du meurtre de ses concitoyens, il en demande sa part aux conquérants. Ces esclaves, ses frères, il les reçoit en don ou les achète, les exploite et les garde en esclavage!.. lui!.. qui prétend agir et parler au nom du Christ!.. Oui… Jusqu'au huitième siècle le clergé a eu des esclaves, comme il a eu des serfs et des vassaux jusqu'au dix-huitième: il n'y a pas de cela soixante ans. Les crimes horribles des conquérants, le clergé les absout moyennant finance, et les tolère quand il ne les sanctifie. Lisez plutôt saint Grégoire, évêque de Tours, le seul historien complet de la conquête.

Après une nomenclature des crimes innombrables du roi Clovis, l'évêque poursuit ainsi:

«Après la mort de ces trois rois (qu'il fit tuer), Clovis recueillit leurs royaumes et leurs trésors. Ayant fait périr encore plusieurs autres rois et même ses plus proches parents, dans la crainte qu'ils ne lui enlevassent son royaume, il étendit son pouvoir sur toutes les Gaules; cependant ayant un jour rassemblé les siens, on rapporte qu'il leur parla ainsi des parents qu'il avait lui-même fait périr:

«Malheur à moi, qui suis resté comme un voyageur parmi des étrangers, et qui n'ai plus de parents qui puissent, en cas d'adversité, me prêter leur appui! – Ce n'était pas qu'il s'affligeât de leur mort (ajoute Grégoire de Tours), mais il parlait ainsi par ruse et pour découvrir s'il lui restait encore quelqu'un à tuer (Si forte potuisset adhuc aliquem reperire ut interficeret). Après ces événements, Clovis mourut à Paris, et fut enterré dans la basilique des saints apôtres.» (L. II, p. 261.)

Cette scène atroce, où la ruse du sauvage le dispute à sa férocité, inspire-t-elle au prêtre chrétien une légitime horreur? Va-t-il crier anathème?.. ou du moins gardera-t-il un silence presque criminel?.. Écoutons encore l'évêque de Tours:

«Le roi Clovis, qui confessa l'Indivisible Trinité, dompte les Hérétiques, par l'appui qu'elle lui prête, et étend son royaume par toutes les Gaules. (L. III, p. 255.)

»Chaque jour, Dieu faisait ainsi tomber les ennemis de Clovis sous sa main, et étendait son royaume, parce qu'il marchait avec un coeur pur devant lui, et faisait ce qui était agréable aux yeux du Seigneur.» (L. II, p. 255.)

De bonne foi, quelle puissance morale et civilisatrice attendre d'un clergé dont l'un des plus éminents représentants s'exprime ainsi? d'un clergé qui comptait parmi ses membres ce saint Rémi, le conseiller habituel de ce monstre couronné, dont les forfaits révoltent la nature?

«Que voulez-vous? c'étaient les moeurs du temps-disent certains historiens… – Et puis, que pouvaient faire les évêques contre cette invasion barbare? Ne devaient-ils pas tâcher de dominer les Franks par l'ascendant de notre sainte religion, afin de leur reprendre, par la persuasion, une partie des biens et des richesses qu'ils avaient conquis à l'aide de la violence… Il fallait enfin civiliser ces barbares par l'influence chrétienne.»

Or, l'histoire apprend quelle fut l'influence civilisatrice de la religion sur ces fils de l'Église et sur leur descendance, dont les crimes surpassèrent encore ceux du fondateur de cette dynastie de meurtriers, de fratricides et d'incestueux.

Les moeurs du temps! les moeurs du temps! répètent les historiens. Que fait le temps à la morale des choses? Est-ce que le meurtre, l'inceste, le fratricide, n'ont pas été réprouvés avec horreur, même par l'antiquité païenne? Et vous, prêtres catholiques, cédant à votre ambition et à votre cupidité traditionnelles, loin de tonner du haut de votre chaire évangélique contre les crimes inouïs des conquérants de votre pays, vous les sanctifiez, parce que ces féroces barbares confessent votre Trinité, votre Dieu et surtout enrichissent vos églises en se laissant subalterniser par votre habituelle astuce!

Je me trompe, les évêques qui enregistraient si benoîtement les crimes des rois, dont ils étaient grassement payés, avaient parfois de véhémentes paroles de blâme contre les puissants du monde. Grégoire de Tours traite de Néron Chilpéric, un des fils de Clovis. Ce pauvre Chilpéric n'était pourtant ni plus ni moins Néron que ceux de sa race. «Mais, – dit l'évêque de Tours, – ce Chilpéric invectivait continuellement contre les prêtres du Seigneur, ne trouvant pas de texte plus fécond pour ses dérisions et ses persécutions que les évêques des églises: l'un, selon lui, était léger; l'autre superbe; l'autre débauché; l'autre trop riche; il ne haïssait rien tant que les églises. Il disait ordinairement: – Voici que notre fisc est appauvri; nos richesses ont passé aux églises. – Et en se plaignant ainsi, il annulait souvent des donations faites au clergé.»

On le voit, la tradition ultramontaine n'a pas varié: ambition effrénée, cupidité implacable…

Que pouvaient faire les évêques contre l'invasion des Franks, dites-vous? Ils devaient imiter le patriotique héroïsme des Druides, qu'ils ont fait périr jusqu'au dernier dans les supplices!.. Oui, la croix d'une main, l'étendard gaulois de l'autre, les évêques, au lieu de prêcher une guerre de religion et de pillage contre les ariens, devaient prêcher la guerre nationale contre les Franks, la guerre de l'indépendance, cette guerre sainte, trois fois sainte, du Peuple qui défend son foyer, sa famille, son pays et son Dieu!.. Que pouvaient faire les évêques?.. Appeler aux armes la vieille Gaule au nom de la Patrie et de la Foi chrétienne menacées par les barbares!..

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