Читать бесплатно книгу «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8 - (Q suite - R - S)» Eugene Emmanuel Viollet-le-Duc полностью онлайн — MyBook
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Nous n'avons fait qu'entrevoir d'une manière générale les difficultés qui se présentent à l'architecte chargé d'une restauration, qu'indiquer, comme nous l'avons dit d'abord, un programme d'ensemble posé par des esprits critiques. Ces difficultés cependant ne se bornent pas à des faits purement matériels. Puisque tous les édifices dont on entreprend la restauration ont une destination, sont affectés à un service, on ne peut négliger ce côté d'utilité pour se renfermer entièrement dans le rôle de restaurateur d'anciennes dispositions hors d'usage. Sorti des mains de l'architecte, l'édifice ne doit pas être moins commode qu'il l'était avant la restauration. Bien souvent les archéologues spéculatifs ne tiennent pas compte de ces nécessités, et blâment vertement l'architecte d'avoir cédé aux nécessités présentes, comme si le monument qui lui est confié était sa chose, et comme s'il n'avait pas à remplir les programmes qui lui sont donnés.

Mais c'est dans ces circonstances, qui se présentent habituellement, que la sagacité de l'architecte doit s'exercer. Il a toujours les facilités de concilier son rôle de restaurateur avec celui d'artiste chargé de satisfaire à des nécessités imprévues. D'ailleurs le meilleur moyen pour conserver un édifice, c'est de lui trouver une destination, et de satisfaire si bien à tous les besoins que commande cette destination, qu'il n'y ait pas lieu d'y faire des changements. Il est clair, par exemple, que l'architecte chargé de faire du beau réfectoire de Saint-Martin des Champs une bibliothèque pour l'École des arts et métiers, devait s'efforcer, tout en respectant l'édifice et en le restaurant même, d'organiser les casiers de telle sorte qu'il ne fût pas nécessaire d'y revenir jamais et d'altérer les dispositions de cette salle.

Dans des circonstances pareilles, le mieux est de se mettre à la place de l'architecte primitif et de supposer ce qu'il ferait, si, revenant au monde, on lui posait les programmes qui nous sont posés à nous-mêmes. Mais on comprend qu'alors il faut posséder toutes les ressources que possédaient ces maîtres anciens, qu'il faut procéder comme ils procédaient eux-mêmes. Heureusement, cet art du moyen âge, borné par ceux qui ne le connaissent pas à quelques formules étroites, est au contraire, quand on le pénètre, si souple, si subtil, si étendu et libéral dans ses moyens d'exécution, qu'il n'est pas de programme qu'il ne puisse remplir. Il s'appuie sur des principes, et non sur un formulaire; il peut être de tous les temps et satisfaire à tous les besoins, comme une langue bien faite peut exprimer toutes les idées sans faillir à sa grammaire. C'est donc cette grammaire qu'il faut posséder et bien posséder.

Nous conviendrons que la pente est glissante du moment qu'on ne s'en tient pas à la reproduction littérale, que ces partis ne doivent être adoptés qu'à la dernière extrémité; mais il faut convenir aussi qu'ils sont parfois commandés par des nécessités impérieuses auxquelles on ne serait pas admis à opposer un non possumus. Qu'un architecte se refuse à faire passer des tuyaux de gaz dans une église, afin d'éviter des mutilations et des accidents, on le comprend, parce qu'on peut éclairer l'édifice par d'autres moyens; mais qu'il ne se prête pas à l'établissement d'un calorifère, par exemple, sous le prétexte que le moyen âge n'avait pas adopté ce système de chauffage dans les édifices religieux, qu'il oblige ainsi les fidèles à s'enrhumer de par l'archéologie, cela tombe dans le ridicule. Ces moyens ae chauffage exigeant des tuyaux de cheminée, il doit procéder, comme l'aurait fait un maître du moyen âge s'il eût été dans l'obligation d'en établir, et surtout ne pas chercher à dissimuler ce nouveau membre, puisque les maîtres anciens, loin de dissimuler un besoin, cherchaient au contraire à le revêtir de la forme qui lui convenait, en faisant même de cette nécessité matérielle un motif de décoration. Qu'ayant à refaire à neuf le comble d'un édifice, l'architecte repousse la construction en fer, parce que les maîtres du moyen âge n'ont pas fait de charpentes de fer, c'est un tort, à notre avis, puisqu'il éviterait ainsi les terribles chances d'incendie qui ont tant de fois été fatales à nos monuments anciens. Mais alors ne doit-il pas tenir compte de la disposition des points d'appui? Doit-il changer les conditions de pondération? Si la charpente de bois à remplacer chargeait également les murs, ne doit-il pas chercher un système de structure en fer qui présente les mêmes avantages? Certainement il le doit, et surtout il s'arrangera pour que ce comble de fer ne pèse pas plus que ne pesait le comble de bois. C'est là un point capital. On a eu trop souvent à regretter d'avoir surchargé d'anciennes constructions; d'avoir restauré des parties supérieures d'édifices avec des matériaux plus lourds que ceux qui furent primitivement employés. Ces oublis, ces négligences, ont causé plus d'un sinistre. Nous ne saurions trop le répéter, les monuments du moyen âge sont savamment calculés, leur organisme est délicat. Rien de trop dans leurs oeuvres, rien d'inutile; si vous changez l'une des conditions de cet organisme, vous modifiez toutes les autres. Plusieurs signalent cela comme un défaut; pour nous, c'est une qualité que nous négligeons un peu trop dans nos constructions modernes, dont on pourrait enlever plus d'un membre sans compromettre leur existence. À quoi, en effet, doivent servir la science, le calcul, si ce n'est, en fait de construction, à ne mettre en oeuvre que juste les forces nécessaires? Pourquoi ces colonnes, si nous les pouvons enlever sans compromettre la solidité de l'ouvrage? Pourquoi des murs coûteux de 2 mètres d'épaisseur, si des murs de 50 centimètres, renforcés de distance en distance par des contre-forts d'un mètre carré de section, présentent une stabilité suffisante? Dans la structure du moyen âge, toute portion de l'oeuvre remplit une fonction et possède une action. C'est à connaître exactement la valeur de l'une et de l'autre que l'architecte doit s'attacher, avant de rien entreprendre. Il doit agir comme l'opérateur adroit et expérimenté, qui ne touche à un organe qu'après avoir acquis une entière connaissance de sa fonction, et qu'après avoir prévu les conséquences immédiates ou futures de son opération. S'il agit au hasard, mieux vaut qu'il s'abstienne. Mieux vaut laisser mourir le malade que le tuer.

La photographie, qui chaque jour prend un rôle plus sérieux dans les études scientifiques, semble être venue à point pour aider à ce grand travail de restauration des anciens édifices, dont l'Europe entière se préoccupe aujourd'hui.

En effet, lorsque les architectes n'avaient à leur disposition que les moyens ordinaires du dessin, même les plus exacts, comme la chambre claire, par exemple, il leur était bien difficile de ne pas faire quelques oublis, de ne pas négliger certaines traces à peine apparentes. De plus, le travail de restauration achevé, on pouvait toujours leur contester l'exactitude des procès-verbaux graphiques, de ce qu'on appelle des états actuels. Mais la photographie présente cet avantage, de dresser des procès-verbaux irrécusables et des documents que l'on peut sans cesse consulter, même lorsque les restaurations masquent des traces laissées par la ruine. La photographie a conduit naturellement les architectes à être plus scrupuleux encore dans leur respect pour les moindres débris d'une disposition ancienne, à se rendre mieux compte de la structure, et leur fournit un moyen permanent de justifier de leurs opérations. Dans les restaurations, on ne saurait donc trop user de la photographie, car bien souvent on découvre sur une épreuve ce que l'on n'avait pas aperçu sur le monument lui-même.

Il est, en fait de restauration, un principe dominant dont il ne faut jamais et sous aucun prétexte s'écarter, c'est de tenir compte de toute trace indiquant une disposition. L'architecte ne doit être complétement satisfait et ne mettre les ouvriers à l'oeuvre que lorsqu'il a trouvé la combinaison qui s'arrange le mieux et le plus simplement avec la trace restée apparente; décider d'une disposition à priori sans s'être entouré de tous les renseignements qui doivent la commander, c'est tomber dans l'hypothèse, et rien n'est périlleux comme l'hypothèse dans les travaux de restauration. Si vous avez le malheur d'adopter sur un point une disposition qui s'écarte de la véritable, de celle suivie primitivement, vous êtes entraîné par une suite de déductions logiques dans une voie fausse dont il ne vous sera plus possible de sortir, et mieux vous raisonnez dans ce cas, plus vous vous éloignez de la vérité. Aussi, lorsqu'il s'agit, par exemple, de compléter un édifice en partie ruiné; avant de commencer, faut-il tout fouiller, tout examiner, réunir les moindres fragments en ayant le soin de constater le point où ils ont été découverts, et ne se mettre à l'oeuvre que quand tous ces débris ont trouvé logiquement leur destination et leur place, comme les morceaux d'un jeu de patience. Faute de ces soins, on se prépare les plus fâcheuses déceptions, et tel fragment que vous découvrez après une restauration achevée, démontre clairement que vous vous êtes trompé. Sur ces fragments que l'on ramasse dans des fouilles, il faut examiner les lits de pose, les joints, la taille; car il est telle ciselure qui n'a pu être faite que pour produire un certain effet à une certaine hauteur. Il n'est pas jusqu'à la manière dont ces fragments se sont comportés en tombant, qui ne soit souvent une indication de la place qu'ils occupaient. L'architecte, dans ces cas périlleux de reconstruction de parties d'édifices démolis, doit donc être présent lors des fouilles et les confier à des terrassiers intelligents. En remontant les constructions nouvelles, il doit, autant que faire se peut, replacer ces débris anciens, fussent-ils altérés: c'est une garantie qu'il donne et de la sincérité et de l'exactitude de ses recherches.

Nous en avons assez dit pour faire comprendre les difficultés que rencontre l'architecte chargé d'une restauration, s'il prend ses fonctions au sérieux, et s'il veut non-seulement paraître sincère, mais achever son oeuvre avec la conscience de n'avoir rien abandonné au hasard et de n'avoir jamais cherché à se tromper lui-même.

RETABLE, s. m. Nous expliquons, à l'article AUTEL, comment les retables n'existaient pas sur les autels de la primitive Église. Thiers 18, auquel il est toujours utile de recourir lorsqu'il s'agit de l'ancienne liturgie, s'exprime ainsi à propos des retables: «Les anciens autels qui avoient pour caractère particulier la simplicité, étoient disposés de telle sorte que les évêques ou les prestres qui y célébroient les mystères divins, et les personnes qui étoient derrière, se pouvoient voir les uns les autres. En voici deux raisons qui me paroissent dignes de considération.

«La première est prise des siéges ou throsnes épiscopaux... Ces siéges étoient placés derrière les autels et afin que les prélats s'y pussent asseoir, et afin qu'y étant assis, ils eussent en vue leur clergé et leur peuple... et qu'ils fussent eux-mêmes en vue à leur clergé et à leur peuple. Ainsi, où il y avoit des siéges épiscopaux, il n'y avoit point de retables; il y avoit des siéges épiscopaux au moins dans toutes les églises cathédrales...

«La seconde raison est tirée de l'ancienne cérémonie pour laquelle, aux messes solennelles, le sous-diacre, après l'oblation, se retiroit derrière l'autel avec la patène, qu'il y tenoit cachée en regardant néanmoins le célébrant...»

Or, le retable étant un dossier posé sur une table d'autel et formant ainsi, devant le célébrant, une sorte d'écran, les retables ne furent donc placés sur les autels principaux qu'à dater de l'époque où les choeurs et les siéges épiscopaux s'établirent en avant, et non plus autour de l'abside. Et même alors, dans les cathédrales du moins, le retable ne fut guère admis pour les maîtres autels (voy. AUTEL). Dans son Dictionnaire, Quatremère de Quincy définit ainsi le retable: «Ouvrage d'architecture fait de marbre, de pierre ou de bois, qui forme la décoration d'un autel adossé.» Il y a là une erreur manifeste. D'abord les autels n'étaient pas et ne devaient pas être adossés, puisque certaines cérémonies exigeaient que l'on tournât autour; puis les retables n'étaient pas et ne pouvaient pas être ce qu'on appelle un ouvrage d'architecture, mais bien un simple dossier décoré de bas-reliefs et de peintures.

Les autels primitifs n'étaient qu'une table posée horizontalement sur des piliers isolés, table sur laquelle, dans l'Église grecque comme dans l'Église d'Occident, jusqu'au XIVe siècle, on ne posait que l'Évangile et le ciboire au moment de l'office. Dans les choeurs, le célébrant pouvait ainsi être vu de tous les points de l'abside. Mais vers la fin du XIe siècle, en Occident, sans adosser jamais les autels aux parois d'un mur, puisque certaines cérémonies exigeaient qu'on en fît le tour, on plaça parfois des retables sur les tables de l'autel, pour former derrière celui-ci un réduit propre à renfermer des reliques. Ces retables étaient même le plus souvent mobiles 19, en orfévrerie ou en bois, quelquefois recouverts d'étoffes 20. Nous n'avons à nous occuper ici que des retables fixes, et nous n'en connaissons pas en France qui soient antérieurs au commencement du XIIe siècle. Celui que nous donnons ici (fig. 1) est un des plus intéressants. Il appartient à la petite église de Carrière-Saint-Denis près Paris, et date de cette époque. Il est taillé dans trois morceaux de pierre de liais, et représente, au centre, la Vierge tenant l'enfant Jésus sur ses genoux; à gauche l'annonciation, et à droite le baptême du Sauveur. Un riche rinceau encadre les bas-reliefs latéralement et par le bas.



Ce retable n'a qu'une faible épaisseur: c'est une dalle sculptée qui masquait une capsa, un coffre, un reliquaire 21. On ne pouvait placer au-dessus ni un crucifix, ni des flambeaux. En effet, ce ne fut que beaucoup plus tard qu'on plaça le crucifix sur le retable; jusqu'au XVIe siècle, on le posait sur l'autel. Les flambeaux étaient placés sur les marches à côté de l'autel, sur une table voisine, ou parfois sur la table même de l'autel. Quant aux autels majeurs des cathédrales, ils n'avaient, comme nous l'avons dit, jamais de retables fixes; beaucoup même n'en possédaient point de mobiles: ils consistaient en une simple table sur des colonnes. Les retables paraissent avoir été plus particulièrement adoptés d'abord dans les églises conventuelles qui possédaient des reliques nombreuses et qui les suspendaient au-dessus et derrière l'autel. Nous avons indiqué, à l'article AUTEL (fig. 13, 13bis, 14, 15 et 16), comment étaient disposés ces reliquaires, et comment les fidèles pouvaient se placer, en certaines circonstances, au-dessous d'eux 22. Cet arrangement nécessitait un retable qui servait ainsi de support à la tablette sur laquelle était posé le reliquaire, et qui formait une sorte de grotte (voy. AUTEL, fig. 14, 15 et 16).



Voici (fig. 2) une des positions fréquemment adoptées pour les autels secondaires des églises. Le retable masquait et supportait le reliquaire, sous lequel on pouvait se placer, suivant un ancien usage, pour obtenir la guérison de certaines infirmités. Cet exemple, tiré d'une représentation de l'autel des reliques de l'église d'Erstein, indique l'utilité du retable. Plus tard, on plaça les reliquaires sur le retable lui-même, et cet usage est encore conservé dans quelques églises.

On comprend comment les retables devinrent pour les sculpteurs, à dater du XIIIe siècle, en France, un motif précieux de décoration. Et en effet, ces artistes en composèrent un nombre considérable. Habituellement, c'était sur un retable qu'on représentait la légende du saint sous le vocable duquel était placé l'autel. Ces bas-reliefs, dont les figures sont d'une petite dimension, sont exécutés avec une grande délicatesse et empreints parfois d'un beau style. Il est peu d'ouvrage de statuaires d'un meilleur caractère que le retable de la chapelle de Saint-Germer, déposé aujourd'hui au Musée de Cluny. L'église de Saint-Denis possède de charmants retables en liais, avec fonds de verre damasquiné, ou enrichis de peintures et de gaufrures dorées. Ces bas-reliefs sont encadrés d'une moulure et de forme quadrilatère; jamais une porte de tabernacle ne s'ouvre dans leur milieu. L'usage des tabernacles ainsi disposés ne date que de deux siècles 23. Le clergé du moyen âge, en France, ne pensait pas que ces amas d'ornements, de flambeaux, de vases, de boîtes à ciboires, dont on surcharge aujourd'hui les autels de nos églises, valussent une disposition simple, calme, facile à saisir d'un coup d'oeil et d'un aspect monumental.

ROSACE, s. f. En sculpture d'ornement, s'entend comme groupe de feuillages formant une composition symétrique inscrite dans un cercle, un trèfle, un quatrefeuille. Les architectes du moyen âge ont fait emploi des rosaces pour décorer des soffites de corniches, pendant la période romane; des gâbles, des nus de fausses arcatures ou fausses baies, pendant la période gothique; des tympans. Ces sortes d'ornements sont souvent d'un beau caractère et d'une excellente exécution, particulièrement pendant la première période gothique. Un exemple suffira ici pour faire saisir l'ornement que l'on nomme rosace.



Celle-ci (fig. 1), inscrite dans un trilobe, provient de l'arcature de la chapelle de la Vierge, bâtie au chevet de la cathédrale de Sées, et date de 1230 environ. L'architecture normande est, entre toutes les écoles de France, la plus prodigue de rosaces. On en voit de fort belles sur les tympans du triforium du choeur de la cathédrale du Mans. Nous aurons l'occasion de présenter des exemples de ce genre d'ornementation sculptée à l'article SCULPTURE D'ORNEMENT.

ROSE, s. f. C'est le nom que l'on donne aux baies circulaires qui s'ouvrent sur les parois des églises du moyen âge. L'oculus



































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