Читать бесплатно книгу «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8 - (Q suite - R - S)» Eugene Emmanuel Viollet-le-Duc полностью онлайн — MyBook
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La baie circulaire appartient à toutes les époques de l'architecture, depuis le Bas-Empire. Mais de l'oculus roman, non vitré souvent 24, à la rose occidentale de la cathédrale de Paris, il y a un progrès. Comment ce progrès s'est-il accompli? Pourquoi la figure circulaire a-t-elle été adoptée? Telles sont les questions posées tout d'abord et auxquelles il faut répondre. Nous devons distinguer, entre les roses, celles qui s'ouvrent dans les murs pignons de celles qui n'ont qu'une importance secondaire.

On comprend, par exemple, que dans une grande nef comme celle de la cathédrale de Paris (voy. CATHÉDRALE, fig. 2 et 4), si l'on voulait ouvrir des baies au-dessus de la galerie du triforium pour alléger la construction et fournir de la lumière sous les combles de cette galerie, il eût été fort disgracieux de donner à ces ouvertures la forme d'une fenêtre. Une rose, au contraire, allégissait la construction en étrésillonnant les piles, et donnait à ces baies une apparence particulière qui les distinguait entre les claires-voies vitrées.

Pour ces roses secondaires, la pensée d'étrésillonner les maçonneries tout en les allégissant, avait dû, en maintes circonstances, imposer la figure circulaire. C'est ainsi, par exemple, qu'à la base des tours de la cathédrale de Laon, l'architecte a pratiqué des ouvertures circulaires de préférence à des baies avec pieds-droits, pour donner plus de solidité à l'ouvrage.

Mais ces vides circulaires, du moment qu'ils atteignirent un diamètre de 3 à 4 mètres, étaient bien tristes, surtout s'ils n'étaient point vitrés, comme à Notre-Dame de Paris, au-dessus du triforium. Les architectes pensèrent donc à les garnir de découpures de pierre plus ou moins riches. Si ces roses étaient destinées à être vitrées, ces découpures de pierre maintenaient les vitraux, comme le ferait un châssis de bois ou de fer et pouvaient résister à la pression du vent.

Nous ne pourrions dire aujourd'hui si les pignons du transsept de la cathédrale de Paris, bâtis sous Maurice de Sully, étaient ou devaient être percés de roses. Cela est probable toutefois; nous pensons même que l'une de ces roses a existé du côté sud, car dans les maçonneries refaites au XIIIe siècle de ce côté, nous avons trouvé des fragments employés dans les blocages, et qui ne pouvaient avoir appartenu qu'à une rose d'un grand diamètre. En supposant que cette rose eût existé, elle daterait de 1180 environ, et serait une des plus anciennes connues, dans des dimensions jusqu'alors inusitées. En effet, les roses qui datent de cette époque ne dépassent guère 5 ou 6 mètres de diamètre.

À défaut de grandes roses munies de châssis de pierre, antérieures à 1190, nous en trouvons de petites, percées dans le choeur de Notre-Dame de Paris, pour éclairer le triforium, et qui datent de 1165 à 1170, puisqu'en cette année 1170, l'abbé du Mont-Saint-Michel en mer raconte qu'il vit ce choeur voûté. Ces roses avaient été supprimées déjà, vers 1230, lorsqu'on voulut agrandir les fenêtres hautes du choeur et qui s'ouvraient, comme nous venons de le dire, sous les combles de la galerie du premier étage.



Il existe trois modèles différents de châssis de pierre qui garnissent ces roses dans le choeur. Nous donnons l'un d'eux (fig. 1); le vide circulaire a 2m,85 de diamètre, et le châssis de pierre, d'une composition très-singulière, ne se compose que de huit morceaux qui sont posés comme les rayons d'une roue embrevés d'un centimètre ou deux dans l'intrados des claveaux formant le cercle. Si ces roses étaient vitrées, comme le sont celles éclairant le triforium, les panneaux de verre étaient simplement maintenus par des pitons scellés sur la face intérieure des pierres composant le châssis. Mais nous reviendrons tout à l'heure sur cette disposition. La rose que nous traçons ici, étant une de celles qui s'ouvraient sous le comble de la galerie, n'était point munie de vitraux, et sa face ornée se présentait vers l'intérieur. Cette ornementation consiste en des pointes de diamant en creux et en saillie, ces dernières recoupées en petites feuilles, et en des boutons, ainsi que l'indiquent le détail B et la section C. On remarquera que les jambettes A sont diminuées latéralement et terminées, vers l'oeil intérieur, par deux corbelets latéraux, formant chapiteau, pour présenter un étrésillonnement plus solide. En effet, ce qui mérite particulièrement d'être observé dans cette composition d'un châssis de pierre, c'est le système d'étrésillonnement bien entendu pour éviter toute brisure et pour maintenir les clavaux du cercle comme les rais d'une roue maintiennent les jantes.

Ce principe a évidemment commandé la composition des châssis de pierre des premières grandes roses dans l'architecture de l'Île-de-France, et il faut reconnaître qu'il est excellent. Une des plus anciennes parmi les grandes roses, est certainement celle qui s'ouvre sur la façade occidentale de l'église Notre-Dame de Mantes, église qui fut bâtie en même temps que la cathédrale de Paris, peut-être par le même architecte, et qui reproduit ses dispositions générales, son mode de structure et quelques-uns de ses détails.

Mais nous devons d'abord dire quel était le motif qui avait fait adopter ces grandes baies circulaires. Lorsque l'école laïque inaugura son système d'architecture pendant la seconde moitié du XIIe siècle, elle s'était principalement préoccupée de la structure des voûtes. Elle avait admis que la voûte en arcs d'ogives reportant toutes ses charges sur les sommiers, et par conséquent sur les piles, les murs devenaient inutiles. Si, à la cathédrale de Paris, les fenêtres hautes primitives ne remplissent pas exactement tout l'espace laissé sous les formerets des voûtes, s'il y a quelque peu d'hésitation dans la structure de ces baies, et si l'on voit encore des restes de tympans, ces restes sont tellement réduits, que l'on comprend comment ils devaient bientôt disparaître et comment les formerets eux-mêmes allaient devenir les archivoltes des fenêtres. Si l'on vidait ainsi, par suite d'un raisonnement très-juste, tous les tympans sous les formerets, si l'on supprimait les murs latéralement, il était logique de les supprimer sous les grands formerets des façades donnant la projection des arcs-doubleaux. Mais ces arcs-doubleaux étaient en tiers-points, étaient des arcs brisés. Les architectes prirent alors le parti de ne point faire du formeret de face la projection des arcs-doubleaux. Pour ces formerets ils adoptèrent le plein cintre: ainsi ils obtenaient un demi-cercle au lieu d'un arc brisé, ce qui d'ailleurs ne pouvait les gêner pour la structure des voûtes; et, complétant ce demi-cercle, ils ouvrirent un grand jour circulaire prenant toute la largeur de la voûte, donnant à l'extérieur sa projection. Il ne s'agissait plus alors que de remplir ce grand vide circulaire par un châssis de pierre permettant de poser des vitraux. C'est ce jour circulaire que Villard de Honnecourt appelle une reonde verrière.

Bien que les arcs-doubleaux des grandes voûtes des cathédrales de Paris et de Laon, de l'église de Mantes, de celle abbatiale de Braisne, soient en tiers-point, les formerets de ces voûtes joignant les murs pignons sont plein cintre, afin de pouvoir inscrire une rose circulaire sous ces formerets, qui deviennent de grands arcs de décharge.

Voici l'histoire des transformations des grandes roses tracée en quelques lignes (fig. 2).



D'abord, ainsi que nous venons de le dire (exemple A), la projection de la voûte intérieure se traduit par un plein cintre, quoique les arcs-doubleaux de cette voûte soient des tiers-points. Vers le milieu du XIIIe siècle cependant, il semble que dans la Champagne, province où l'on poussait les conséquences de l'architecture laïque à outrance, on voulut éviter ce mélange du plein cintre et de l'arc brisé, ou plutôt ce qu'il y avait d'illogique à donner extérieurement un plein cintre comme projection d'une voûte en tiers-point. L'architecte de la cathédrale de Reims inscrit les grandes roses sous un arc en tiers-point, ainsi que le montre l'exemple B; et comme pour mieux faire sentir la projection des arcs-doubleaux de la voûte, l'espace a est ajouré. La reonde verrière n'est plus alors qu'une immense fenêtre ouverte sous le grand formeret. Ce n'est plus la rose de l'Île-de-France. Dans cette dernière province, berceau de l'école laïque du XIIIe siècle, la rose, jusqu'à la fin du XIIIe siècle, reste la reonde verrière, c'est-à-dire qu'elle demeure circonscrite par un formeret plein cintre. Telles sont les roses des pignons du transsept de la cathédrale de Paris, qui datent de 1257. Mais, à cette époque, ce cercle de la rose s'inscrit dans un carré, comme le montre l'exemple C. Les écoinçons b sont aveugles et les écoinçons inférieurs c ajourés au-dessus d'une claire-voie dont nous parlerons tout à l'heure. À la même époque on va plus loin: on isole le formeret de la voûte, qui devient un dernier arc-doubleau. On laisse entre ce dernier arc et la rose un espace, et l'on met à jour non-seulement la reonde verrière, mais les écoinçons b supérieurs. Telle est construite la rose de la sainte Chapelle du château de Saint-Germain en Laye que nous décrirons en détail.

Reprenons l'ordre chronologique, et examinons les premières grandes roses qui nous sont restées.

Nous l'avons dit tout à l'heure, une des plus anciennes est celle qui s'ouvre sur la face occidentale de l'église de Mantes. La structure de cette rose remonte aux dernières années du XIIe siècle, c'est dire qu'elle est contemporaine, ou peu s'en faut, de la petite rose du triforium de Notre-Dame de Paris que nous avons donnée figure 1.

Encore une observation avant de nous occuper de la rose occidentale de Mantes. La division principale des châssis de pierre qui garnissent ces roses procède, sauf de rares exceptions, du dodécagone, c'est-à-dire que les compartiments principaux de l'armature de pierre forment douze coins et douze rayons, ainsi que l'indiquent les exemples A et C (fig. 2). Dans les roses primitives, les vides se trouvent sur les axes, comme dans l'exemple A, tandis que dans les roses composées depuis le milieu du XIIIe siècle, ce sont les rayons qui, le plus habituellement, sont posés sur les axes, comme dans l'exemple C.



Voici donc (fig. 3) le tracé de la rose occidentale de Notre-Dame de Mantes. C'est encore le système de rayons étrésillonnants qui domine ici. Les colonnettes de l'ordre extérieur sont tournées la base vers la circonférence. Ces colonnettes reçoivent des arcs qui à leur sommet portent l'ordre intérieur des colonnettes, dont les chapiteaux sont de même tournés vers l'oeil central. Cet oeil, qui subit une grande pression, est plus épais que les rayons, ce qui est bien raisonné. L'armature de fer du vitrail n'est point engagée en feuillure à mi-épaisseur de pierre, mais est scellée intérieurement, comme l'indique la section A, et des pitons scellés aussi dans la pierre maintiennent les panneaux contre celle-ci. C'est encore suivant ce système que la rose de la façade occidentale de Notre-Dame de Paris est combinée. Cette rose est postérieure à celle de Notre-Dame de Mantes: elle date de 1220 environ; sa composition est déjà plus savante en présentant des compartiments mieux entendus et d'un aspect plus gracieux. Le problème consistait à disposer les compartiments de pierre de manière à laisser, pour les panneaux des vitraux, des espaces à peu près égaux. On voit que dans la rose de Mantes les vides joignant la circonférence sont, relativement aux vides intérieurs, démesurément larges. On avait suppléé à l'étendue des vides extérieurs par l'armature de fer; mais les panneaux maintenus par les grands cercles de fer B avaient une surface trop considérable, relativement aux panneaux C, et nécessitaient l'adjonction de nombreuses tringlettes ou barres secondaires, qui ne présentaient pas une résistance suffisante à l'effort des vents. De plus, le poids des châssis de pierre se reportait tout entier sur les deux colonnettes inférieures, ce qui présentait un danger, car la solidité de la rose était fort compromise. La composition de la rose de Mantes, très-hardie déjà pour un vide de 8 mètres de diamètre, devenait d'une exécution impossible si ce diamètre était augmenté. Or, le diamètre du vide de la rose occidentale de Notre-Dame de Paris est de 9m,60. L'architecte prétendit donner à son réseau de pierre à la fois plus de solidité et plus de légèreté.



En conséquence (fig. 4), il divisa le cercle en vingt-quatre parties pour la zone extérieure, en douze parties pour la zone intérieure. Il retourna les colonnettes, c'est-à-dire qu'il plaça leurs bases vers le centre et leurs chapiteaux vers la circonférence. Il posa sur les chapiteaux des colonnettes de la zone extérieure une arcature robuste, plus épaisse que les colonnettes, et qui à elle seule formait déjà un clavage complet, pouvant se maintenir comme les claveaux d'un arc par leur coupe. Dès lors il diminuait le diamètre du réseau de plus d'un mètre. Entre les deux zones de colonnettes, il posa une seconde arcature robuste qui formait un second cercle clavé; puis l'oeil renforcé également clavé. Les colonnettes n'étaient plus que des étrésillons rendant ces trois cercles solidaires. Elles n'avaient à subir qu'une assez faible pression, aussi les fit-il très-légères. Il est difficile, le problème d'un grand châssis circulaire de pierre étant posé, de le résoudre d'une manière plus heureuse et plus savante.

Dans cette composition, l'armature de fer nécessaire pour maintenir les panneaux des vitraux n'avait plus qu'une importance nulle au point de vue de la solidité du système. Cette armature était scellée avec grand soin au plomb, ainsi que les pitons; car dans cette rose, comme dans celle de Mantes, le vitrail était accolé à la face intérieure et non en feuillure; de telle sorte que le réseau portait toute son épaisseur à l'extérieur 25.

La meilleure preuve que la composition de la rose occidentale de Notre-Dame de Paris est parfaitement entendue, c'est que ce réseau n'avait subi que des dégradations très-peu importantes. Trois colonnettes avaient été fêlées par le gonflement des scellements de l'armature, et deux morceaux d'arcatures étaient altérés par des brides de fer posées pour maintenir le buffet d'orgues. Cependant, le grand châssis était resté dans son plan vertical, malgré le poids des vitraux, l'effort du vent et ces attaches de fer que l'on avait scellées pendant le dernier siècle, contre des parties d'arcatures, lorsqu'on monta les grandes orgues. En A, est tracé la coupe de cette rose. Des détails sont nécessaires pour faire apprécier la valeur de cette structure.



Nous donnons en A (fig. 5) la coupe sur l'oeil, renforcé par le profil a, comme on renforce le moyeu d'une roue de carrosse. En B, la section d'une des colonnettes intérieures, dont le diamètre a 0m,14 avec le profil b de la base. En C, un des chapiteaux des colonnettes extérieures, avec la base c et son renfort. En D, la section de l'arcature extérieure et la section du segment de cercle externe qui les réunit. L'épaisseur de cette arcature externe et interne n'a pas plus de 0m,23, et celle des colonnettes, y compris le renfort, dans lequel sont scellés les pitons, 0m,18. Il n'est pas de rose du moyen âge dont le réseau présente de plus faibles sections relativement au diamètre du vide, et il n'en est pas qui ait mieux résisté à l'action du temps. Si nous revenons à la figure 4, nous observerons qu'en effet, l'appareil est à la fois très-simple et très-habile; les pressions s'exercent sur les morceaux de pierre, de façon à éviter toute chance de brisure. Les colonnettes-étrésillons, renforcées à leurs extrémités par la saillie des bases et des chapiteaux, donnent beaucoup de roide à tout le système et s'appuient bien sur les sommiers et les têtes d'arcatures. L'oeil, plus épais que tout le reste du réseau, offre un point central résistant. Ce réseau est entièrement taillé dans du cliquart d'une qualité supérieure; les profils, les moindres détails ont conservé toute leur pureté. La sculpture des fleurons, ainsi que celle des chapiteaux, est admirablement traitée. Autrefois ce réseau était peint et doré. On voit encore, sur les fûts des colonnettes, la trace d'étoiles d'or qui les couvraient sur un fond d'azur. Quand on examine en détail cette charmante composition, qu'on se rend compte du savoir et de la finesse d'observation qui ont présidé à son exécution, deux choses surprennent: c'est le développement si rapide de cet art qui, à peine sorti du roman, était si sûr de ses moyens et de l'effet qu'il voulait produire; c'est encore de prétendre nous donner à croire que ce sont là les expressions pénibles d'un art maladif, étrange, soumis aux capricieux dévergondages d'une imagination encore un peu barbare, sans liens avec les hardiesses de l'esprit moderne. En vérité, dans une époque comme la nôtre, où des architectes ne parviennent pas toujours à maintenir des murs en pleine pierre dans leur plan vertical, on pourrait se montrer plus modestes et plus soucieux de s'enquérir des méthodes de ces maîtres, qui savaient combiner un énorme châssis de pierre de façon à le soustraire aux chances de destruction pendant six ou sept cents ans. Mais comment prouver la clarté du soleil à ceux qui, non contents d'avoir un bandeau sur les yeux, ne souffrent pas volontiers que chacun puisse chercher la lumière?

La rose occidentale de la cathédrale de Paris, comme nous le disions tout à l'heure, ne le cède à aucune autre, même d'une époque plus récente, comme volume de matière mise en oeuvre, comparativement à la surface vitrée, d'autant que les évidements sont peu considérables.

Il est d'un certain intérêt de connaître le cube de pierre employé dans ce réseau, en comptant chaque morceau inscrit dans le plus petit parallèlipipède, suivant la méthode de tout temps.



La surface de la rose étant de 71m,56, le cube de pierre par mètre de surface n'est que de 0m,146.

Nous verrons que cette légèreté réelle ne fut pas atteinte, même à l'époque où l'architecture cherchait à paraître singulièrement délicate.























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