© Oleg Vasiljevitch Filatov, 2019
ISBN 978-5-4496-1589-3
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En 1988, dan`s un centre de district voisin d’Astrakhan mouret notre père, Vasily xenofontovich Filatov, professeur de Géographie du village. Peu avant sa mort, il avait commencé à nous raconter l’histoire fantastique de sa vie. De ses histoires, nous avons appris que notre père n'était pas son vrai nom, qu’il n'était en fait autre chose qu’Alexei Romanov, le fils de Nikolai Romanov, le dernier tsar de Russie, et qu’il avait été sauvé par des soldats lorsque le reste de sa famille a été exécuté en 1918.
Au moment où le père racontait son histoire, les reliques de la famille impériale n’avaient pas encore été découvertes sur l’ancienne route de Koptiaki, à la périphérie d’Ekaterinbourg. Cette tragédie n’est pas encore devenue un sujet brûlant pour les historiens et n’a pas attiré l’attention internationale. Quand tout a été révélé, la famille stupéfaite de Filatov a réalisé que la plupart des histoires racontées par Vasily Xenofontovich, jusqu’aux détails les plus banaux, coïncidaient avec les faits qui venaient d'être dévoilés. Dans ce livre, la famille a présenté l’histoire de la vie du Tsesarevich sauvé.
Contraint de dissimuler ses origines véritables, il dut remodeler sa culture et son éducation en s’efforçant de passer inaperçu.
En 1988, alors qu’il se mourait, monpère nous déclara: « Je vous ai dit la vérité etvous devez être conscients de la situation dans laquelle les bolcheviks ont conduit la Russie. “Nous, ses enfants, sommes convaincus qu’il ne nous a pas trompés. Malheureusement, il nenous a pas révélé grand-chose et nous nous aperce vons que nous avons encore une foule de questions à lui poser. Quoi qu’il en soit, son esprit semble être avec nous. Nous l’interrogeons et nous avons l’impression de voyager àtravers le temps et de communiquer avec lui. Tant que nos parents sont vivants, on l’acceptecomme un dû, sans jamais penser qu’ils ne sontpas immortels. C’est la raison pour laquelle nous devons réunir les bribes de ses récits encomblant les lacunes grâce à nos pensées et aux faits récemment mis au jour. Aussi l’histoire demon père, telle que je la relaterai, sera-t-elle entremêlée de mes propres réflexions. Lesenquêtes ne sont pas achevées.
Nos amis, nos parents, nos compagnons d’armes et les expertsqui se sont intéressés à cette affaire nous ont aidés à porter cette lourde croix placée sur nosépaules. J’espère qu’en conséquence, nous finirons tous par découvrir la vérité.
Lorsque j’ai commencé à envisager sérieusement de raconter l’histoire de mon père, j’ai parlé à des amis, des collègues et des connaissances et j’en suis venu à la conclusion qu’ilfallait la rapporter comme lui-même l’avait fait, non pas comme quelque figure historiqued’une époque lointaine mais comme notre contemporain, un homme né au début du siècle, ayant connu toutes les épreuves, les procès, la famine et les répressions avec son peuple. Il estdifficile d’imaginer comment il a vécu tout cela en sachant qui il était et en gardant le silence pendant tant d’années. Il a vu et enduré tant de choses pour sauver sa vie et celle de safamille, de ses enfants. Nous ne saurons peut-être jamais toute la vérité, mais c’est à l’évidence ce vers quoi nous devons tendre. Non progredi estra gredi – Qui n’avance pas recule. Mon père a vécu longtemps. Il a compensé ses déficiences physiques par un effort constant visant à atteindre à un développement et un savoir harmonieux. Cette volonté lui adonné la motivation nécessaire pour continuer coûte que coûte. Il était déjà loin d’être jeune lorsque nous, ses enfants, sommes nés et notre venue le stimula en donnant un nouveau sensà sa vie. Quand ses petits-enfants naquirent à leur tour, il s’ouvrit finalement et relata à leurmère, ma femme, Angelika Petrovna, son sort tragique. C’était en 1983, cinq ans avant samort. Auparavant, il nous avait révélé les faits selon un mode allégorique quelques bribe schacun. À présent, nous rassemblons tous ces récits et nos souvenirs de lui afin de mieux comprendre ce qui s’est passé. Les souvenirs de plusieurs membres de notre famille – ses enfants, sa femme, Lidia Kouzminitchna Filatova (grâce à laquelle il a survécu si longtemps) – ont déjà fait l’objet de publications dans des journaux et ont été à l’origine d’une active recherche menée par des experts, qui se poursuit aujourd’hui encore. Malheureusement, ces réminiscences comportent de nombreux hiatus. Il ne s’étendait jamais et parce que nousétions enfants, nous ne posions pas de questions inutiles, nous bornant à le croire. Commentne pas croire un père lorsque vous le voyez souffrir et comprenez que sa vie aurait pu tour-ner tout à fait différemment?
Je serais peut-être contraint de me répéter dans ce récit, mais j’espère qu’on me pardonnera. L’important est d’être honnête. Le principe de base est simple: dire la vérité, quellequ’elle soit. Bien sûr, les archives peuvent suggérer des tas de choses, tant les archives connues que les inconnues (auxquelles nous n’avons pas accès pour divers motifs, notamment le manque d’argent, la bureaucratie ou la peur qui hante encore certains). En attendant, si nous ne lisons pas cette page de l’histoire qui nous oblige tous à empêcher la répétition d’événements similaires, nous ne saurons jamais le chemin que notre nation aurait pu prendre s’il n’y avait pas eu la révolution. Si nous parlons de repentir, nous devons encore déterminer qui a assassiné le dernier empereur russe, Nicolas II, pourquoi, jusqu’à ce jour, aucun des leaders du pays, ni expert médico-légal ni avocat, n’a proposé une version officiellede ces événements de juillet 1918 et comment s’est en définitive déroulée la vie de ceux quiont pris part à la tragédie d’Iekaterinbourg.
Mon père ne nous a pour ainsi dire rien révélé à propos de ses parents. Quand nous luidemandions où étaient les photos de nos grands-parents, il nous répondait: « Il n’y en a pas. Tout a été perdu.” Rien de surprenant à cela. Il y avait eu une guerre civile et tout avait brûléet disparu. Mais lorsque nous l’interrogions plus avant, il sombrait dans le silence. De sonpère, il disait simplement qu’il avait été soldat toute sa vie, qu’il avait fait une ultime marchede 60 kilomètres, qu’il avait bu l’eau glacée d’un puits, qu’il avait attrapé froid et qu’il étaitmort en 1921. Selon lui, sa mère était institutrice, elle enseignait le russe et la musique et elleavait été tuée en tant que socialiste-révolutionnaire de l’aile gauche lorsqu’il était tout jeune. Il affirmait aussi qu’il avait d’autres parents mais qu’il ne les avait pas connus parce que ceux-ci l’avaient abandonné à Soukhoumi au moment où ils étaient partis à l’étranger durant laguerre civile. Lorsque ma mère s’exclamait à l’occasion, dans un accès de colère: « Tu disqu’ici, on fait tout de travers, mais où sont les gens de ta famille?”, il s’éloignait et se réfugiait à nouveau dans le silence. D’ailleurs, il lui arrivait de ne pas proférer un mot durant delongues périodes – plusieurs jours, voire un mois! À d’autres moments, il se comportait comme un enfant, surtout quand il ne se sentait pas bien. Muet, le regard lointain, mais sanstristesse, il ruminait quelque chose.
Mon père possédait des talents exceptionnels et il avait une foule de relations. A posteriori, j’en arrive à la conclusion que, de toute évidence, cet homme n’était pas ce qu’il prétendait être. Officiellement, il venait d’une famille de soldats; en raison d’une infirmité, il serait devenu cordonnier. Il disait qu’enfant, il allait au catéchisme. Il fut orphelin de bonne heure. Enfin, plus tard, il enseigna. Aujourd’hui, je reconstruis mes souvenirs de lui à partirde ma propre enfance et je ne peux pas m’empêcher de penser que son histoire n’est pas véridique et que bon nombre de ses actions étaient conditionnées par son éducation, ses souffrances et sa maladie.
Mon père avait une vision extrêmement large et une connaissance profonde de la vie, de l’histoire, de la géographie, de la politique et de l’économie. Les traditions de son proprepays, mais aussi d’autres nations, n’avaient pas de secret pour lui. Il parlait plusieurs langues: l’allemand, le grec, le slavon, le latin, l’anglais et le français, même s’il en avait rarement l’usage. Il expliquait cet ample savoir linguistique, et son excellente mémoire visuelle et motrice, par ses efforts constants pour se développer harmonieusement. Selonlui, « on est autant d’hommes que l’on parle de langues étrangères”. Il voulait dire par làque si l’on connaît la langue, la culture, les traditions et les coutumes d’un peuple qui vitdans un autre monde, on élargit ses possibilités. Il lisait énormément et à une vitesse surprenante, se souvenant sans peine de ce qu’il avait lu. On avait l’impression qu’il puisait desinformations à la manière d’un automate. Il était capable de réciter de mémoires lespoèmes de Fet, Pouchkine, Lermontov, Tioutchev, Essenine, Tchékhov, Kouprine, ainsiqu’Heinrich Heine et Goethe en allemand. Il adorait Faust. Selon lui, cet engouement venait du fait que, jadis dans sa famille, on se rassemblait le soir pour se faire la lecture: pièces, poèmes, nouvelles, et romans en russe et dans d’autres langues. De cette façon, onconsolidait les hens, on se détendait et puis on conversait. Mon père avait une passion pour l’histoire, surtout l’histoire militaire qu’il connaissaità fond, jusqu’aux alignements de forces et positions de troupes dans telle ou telle bataille. Endéployant son savoir dans ce domaine, il semblait s’inclure dans la caste militaire. Toute savie, il a répété: « Nous, les Filatov, nous avons toujours monté la garde auprès de l’État.” Lorsqu’on voyait des films sur la Grande Guerre patriotique (la Deuxième Guerre mondiale), j’avais souvent des questions à lui poser – par exemple, pourquoi nos troupes avaient-elles battu en retraite au début de la guerre? Il me répondait toujours en détail, tant au sujetdu commencement de la guerre de 1939 qu’à propos de la mise à l’épreuve initiale de la force soviétique durant l’invasion de la Pologne. Il m’expliquait pourquoi notre armement avait entraîné des difficultés dans les premiers temps du conflit. Bien que réformé à cause de soninfirmité, il citait des exemples étonnamment précis.
Il racontait ainsi que, durant la Deuxième Guerre mondiale, nous dûmes prendre Rostov deux fois parce que les Allemands y avaient laissé un baril d’alcool – pas vraiment unbaril, une citerne plutôt. Les soldats russes s’enivrèrent et les Allemands reprirent la ville. Il fallut tout recommencer. Pourtant lorsque les Allemands avaient attaqué à l’origine, les Russes s’étaient servis de barrières électriques pour la première fois. Ils les avaient placées lelong des rives du Don, enfouies dans le sable. Il faisait affreusement chaud et les Allemand savaient soif. Quand ils rampèrent vers le fleuve, le circuit fut branché et beaucoup restèrentsur place. J’ignore comment mon père obtenait ce genre d’informations.
Il nous parlait beaucoup des tsars russes qui édifièrent la nation et, en guised’exemple, citait souvent Ivan III, grand rassembleur et organisateur de la terre russe, qui donna à notre peuple la chance de se libérer de la horde mongole et de redresser l’échine. Il nous recommandait de lire Les Fondements de l’Etat russe, d’Ivanov, afin de mieux connaîtrel’histoire de notre pays.
Lorsqu’il évoquait la guerre civile, il mentionnait aussi le transfert de la famille impériale de Tobolsk à Tioumen. Il disait qu’une brigade était arrivée sous le commandement ducapitaine cosaque Gamine ou Gatine (malheureusement, je ne m’en souviens pas précisément) pour la sauver et que les services secrets des blancs fonctionnaient vraiment bien, surtout dans les chemins de fer. Le tsar et les siens avaient déjà été prévenus, les hommes étaient prêts et il ne s’agissait plus que de tirer parti de la situation au moment propice, mais à Tiouàmen, on avait remplacé la garde et le plan d’évasion était tombé à l’eau. Les événements suivirent un cours bien différent, mais tout avait été mis en œuvre pour les libérer.
Mon père avait aussi de remarquables dons artistiques. Même après notre naissance, maman et lui se produisaient dans des spectacles amateurs, et on l’invita même à se joindreà une troupe de théâtre professionnelle. Ce qui m’étonne le plus, c’est qu’un orphelin ait pu apprendre à jouer des instruments à clavier. Quand je l’interrogeai à ce sujet, il me répondait qu’il avait appris à l’orphelinat de Kalouga […] Non content de jouer du clavecin, du piano et de l’orgue, il était capable de les accorder. Il adorait la balalaïka, et, bien qu’il ne jouât pasde la guitare, il m’expliqua que le piano et la guitare avaient le même ton. Il jouait aussi du concertina, du bayan et de l’accordéon et nousinitia à ces instruments. Ses artistes favoris étaient Chtchepkine, Okhlopkov, Chaliapine, Sobinov et Caruso. Il disait que sa mère jouait du piano, surtout du Chopin et du Beethoven. Il avait une prédilection pour Tchaikovski, Moussorgski, Rimski-Korsakov. Il nous apprità chanter sans forcer la voix et à obtenir unson doux sans tension. Il chantait avec calme, sérénité et beaucoup d’expression, des ballades, des arias et de longues chansons folkloriques russes. Il connaissait quantité de tchastushki (chansonnettes humoristiques).
Sa grande passion était les échecs qu’ilappelait le « jeu des tsars”. pès l’âge de troisans, nous connaissions déjà diverses manœuvres. Il évoquait les grands joueurs, Capablanca, Alekhine et Eive, avec un enthousiasme tout particulier pour Alekhine qui remporta 265 parties les yeux bandés. Père nous faisait la démonstration de sa méthode, mais il soulignait qu’elle était nuisible car elle sapait beaucoup trop d’énergie. Il jouait lui-même aux échecs quand la douleur s’apaisait. Il disait que cela valait mieux que de prendre des médicaments. Le jeu distrait et fait oublier les souffrances. Il possédait de nombreux livres sur les échecs etil était abonné à des magazines spécialisés qu’il passait au crible en prenant des notes. Il endécoupait les pages comme celles des journaux; il collectionnait les mots croisés et les commentaires intéressants. Il faisait aussi collection de crochets et d’hameçons, de toutes sortesde vis et d’écrous. Il s’était confectionné plusieurs boîtes dans lesquelles il rangeait soigneusement ses trésors. Nous riions de cette manie, mais chaque fois que nous avions besoin de quelque chose, nous allions le trouver et il dénichait immédiatement ce qu’il nous fallait.
Père adorait la photographie qu’il entreprit de nous enseigner dès l’enfance. Il nous acheta des appareils Smena-8 et des livres pour les amateurs. Quand on avait le temps, on fai-sait des photos du matin jusqu’au soir. Les leçons qu’il nous donnait étaient toujours passionnantes. Nos parents nous fournissaient le nécessaire pour toutes ces activités. De tempsen temps, Père évoquait sa propre enfance. Il disait qu’il aimait bien jouer aux gendarmes etaux voleurs, en vogue à l’époque. Il disait aussi que petit, il était très espiègle et ne laissait jamais les adultes en paix. Ainsi, un jour, lorsd’un cours de catéchisme, il avait fait une blague au prêtre en lui clouant ses bottes ausol. On l’avait puni.
Deux d’entre nous, ses enfants, sonttrès blonds; les autres ont les cheveux foncés. Père était assez brun, mais il disait que, petit, il avait des boucles blondes. « Tout le mondem’adorait. On m’appelait « Mouton” et onme coupait les cheveux très simplement, aubol. Plus tard, la vie m’a changé.” Ses cheveuxétaient noirs de jais et ne commencèrent à gri-sonner que peu avant sa mort.
Il répétait souvent qu’il fallait apprendreà parler avec conviction. Il est intéressant denoter que, comme parangons d’éloquence, ilcitait non seulement Horace et Socrate, maisaussi Trotski. Il affirmait que, pendant laguerre civile, quand les unités de l’armée rouge avaient battu en retraite, Trotski pouvait déclamer des heures durant. Exhortés parses discours, les soldats se jetaient sur l’ennemi et se battaient à mort. Père insistait pour quenous apprenions à nous exprimer avec force puisque Dieu nous avait donné le don de la parole. Il importait de bien construire ses phrases et de formuler correctement ses idées.Chaque mot devait porter, sans ostentation.
На этой странице вы можете прочитать онлайн книгу «CONVERSATIONS AVEC TSAREVITCH ALEXIS. Souvenirs de la famille de Filatov de Tsesarevitch Alexis», автора Oleg Filatov. Данная книга имеет возрастное ограничение 16+, относится к жанру «Историческая литература».. Книга «CONVERSATIONS AVEC TSAREVITCH ALEXIS. Souvenirs de la famille de Filatov de Tsesarevitch Alexis» была издана в 2019 году. Приятного чтения!
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