Читать книгу «Le Souvenir Zéro» онлайн полностью📖 — Джека Марса — MyBook.
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“Euh, ouais, pas longtemps, je suis en route pour le boulot.” Sara regarda autour d’elle. Elle ne vivait pas dans un sale quartier, mais ça devenait un peu moins cool aux abords de la friperie. Elle n’avait jamais eu de soucis personnellement, mais elle restait sur ses gardes et avançait la tête haute. Une fille distraite par son téléphone était une cible potentielle. “Qu’est-ce qui se passe ?”

“J’ai, euh…” Maya hésitait. Être maussade et réticente à parler était inhabituel chez elle. “J’ai vu Papa hier soir.”

Sara s’arrêta net, mais ne répondit rien. Son estomac se noua instinctivement, comme si elle se préparait à prendre un coup de poing dans le ventre.

“Ça… ne s’est pas très bien passé.” Maya soupira. “J’ai fini par crier des horreurs et me casser…”

“Pourquoi est-ce que tu me racontes ça ?” demanda Sara.

“Quoi ?”

“Tu sais que je ne veux pas le voir. Je ne veux pas entendre parler de lui. Je ne veux même pas penser à lui. Donc pourquoi est-ce que tu me racontes ça ?”

“J’ai juste pensé que tu voudrais le savoir.”

“Non,” répondit fermement Sara. “Tu as eu une mauvaise expérience, et tu voulais en parler à quelqu’un qui puisse te comprendre. Mais je ne veux rien savoir, j’en ai fini avec lui. Ok ?”

“Ouais.” Maya soupira à nouveau. “Je crois que moi aussi.”

Sara hésita un moment. Elle n’avait jamais entendu sa sœur si abattue. Mais elle campa sur sa position. “Bien, alors avance dans ta vie. Comment ça se passe à l’école ?”

“Nickel,” dit Maya. “Je suis la meilleure de ma classe.”

“Ça ne m’étonne pas. Tu es brillante.” Sara esquissa un sourire en se remettant à marcher. Au même moment, elle vit quelque chose sur le trottoir, près de ses pieds. L’ombre qui s’étirait dans le soleil de ce milieu de matinée bougeait en rythme avec elle. Quelqu’un marchait tout près derrière elle.

Tu deviens parano. Ce n’était pas la première fois qu’elle prenait un piéton pour un poursuivant. Ça faisait partie des malheureuses conséquences de ses expériences vécues. Elle ralentit quand même en approchant de l’intersection suivante pour traverser la rue.

“Mais, pour de vrai,” dit Maya au téléphone. “Tu vas bien ?”

“Oh, ouais.” Sara s’arrêta, et attendit que le feu piéton passe au vert. L’ombre fit de même. “Je vais très bien.” Elle aurait pu se retourner pour regarder la personne, lui faire savoir qu’elle savait, mais elle garda les yeux rivés devant elle et attendit le signal pour traverser la rue et savoir si l’ombre allait suivre.

“Bien, je suis contente. J’essaierai de t’envoyer un petit quelque chose d’ici deux semaines.”

“Tu n’as pas à le faire,” lui dit Sara. Le feu changea de couleur et elle s’engagea rapidement sur le passage piéton.

“Je sais que je n’ai pas à le faire. Je veux le faire. Quoi qu’il en soit, je te laisse aller au boulot.”

“Je ne travaille pas demain.” Sara atteignit l’angle opposé et continua son chemin. L’ombre suivait toujours. “On se rappelle à ce moment-là ?”

“Ça marche. Je t’aime.”

“Je t’aime aussi.” Sara raccrocha et remit le téléphone dans son sac. Puis, sans crier gare, elle tourna brusquement à gauche et se mit à courir, juste le temps de disparaître hors de vue. Elle se retourna, croisa les bras sur sa poitrine, et afficha une expression volontairement consternée, alors que son poursuivait déboulait du coin de la rue pour la rattraper.

Il dérapa presque en s’arrêtant quand il vit qu’elle l’attendait là.

“Pour un agent censé être sous couverture, tu es un peu nul,” lui dit-elle. “J’ai senti ton eau de Cologne.”

L’Agent Todd Strickland esquissa un sourire. “Ravi de te voir aussi, Sara.”

Elle ne lui rendit pas son sourire. “Toujours un œil sur moi, à ce que je vois.”

“Quoi ? Non. J’étais dans le coin, je suis sur une opération.” Il haussa les épaules. “Je t’ai vu dans la rue, je me suis dit que j’allais venir te dire bonjour.”

“C’est ça,” dit-elle avec incrédulité. “Dans ce cas, bonjour. Maintenant, je dois aller au boulot. Bye.” Elle tourna les talons et partit à pas rapides.

“Je vais t’accompagner.” Il la rejoignit en trottinant.

Elle haussa les épaules à son tour. Strickland était jeune pour un agent de la CIA, même pas trente ans et, se dit-elle, terriblement mignon… Mais il lui rappelait trop son père. Ils étaient devenus amis, tous les deux, près de deux ans plus tôt, quand Sara et sa sœur avaient été kidnappées par les trafiquants slovaques. Strickland avait participé à leur sauvetage et, à l’époque, il avait promis que peu importe ce qui se passerait, il ferait toujours tout son possible pour garder les deux filles en sécurité.

Apparemment, ça impliquait d’utiliser les ressources de la CIA pour garder un œil sur les agissements de Sara.

“Donc tout va bien ?” lui demanda-t-il.

“Ouais, nickel. Fiche le camp maintenant.”

Mais il continua à marcher à côté d’elle. “Ce type, dans ton immeuble, il te cherche encore des noises ?”

“Oh mon dieu,” grommela-t-elle. “Quoi ? Tu as placé les lieux sous surveillance ?”

“Je veux juste m’assurer que tu vas bien…”

Elle se retourna vers lui. “Tu n’es pas mon père. Nous ne sommes même pas amis. Il fut un temps, peut-être que tu étais… disons, une sorte de nounou en mieux. Mais maintenant, tu reviens sans cesse comme un putain d’harceleur.” Elle savait qu’il la surveillait parfois. Ce n’était pas la première fois qu’il apparaissait soudainement en Floride. “Je ne veux pas de toi ici. Je ne veux pas qu’on me rappelle cette vie-là. Alors que dirais-tu de m’expliquer ce que tu attends de moi, histoire que nos chemins puissent se séparer ?”

Strickland réagit à peine à cette envolée. “Je veux que tu sois en sécurité,” dit-il avec franchise. “Et, pour être tout à fait honnête, j’aimerais que tu arrêtes la drogue.”

Sara plissa les yeux et entrouvrit la bouche. “Tu te prends pour qui, au juste ?”

“Pour quelqu’un qui s’en soucie. Ton père aurait le cœur brisé s’il savait ça.”

S’il savait ça ? “Oh, tu veux dire que tu ne lui fais pas de rapport hebdomadaire ?”

Strickland secoua la tête. “Je ne l’ai pas vu depuis des mois.”

“Donc tu me suis juste à cause de ton sens exacerbé du devoir ?”

Le jeune agent esquissa un sourire triste et secoua à nouveau la tête. “Que ça te plaise ou non, il y a encore plein de gens qui se souviennent de l’Agent Zéro. J’espère que tu n’auras jamais à me remercier d’avoir gardé un œil sur toi. Mais, en attendant, je vais continuer à le faire.”

“Ouais, je me doute bien.” Elle regarda en l’air et cligna des yeux à cause du soleil. “C’est quoi ça, un satellite ? C’est comme ça que tu m’observe ?” Sara leva un bras devant son visage et fit un doigt d’honneur vers les nuages. “Voilà une photo pour toi. Envoie-la à mon père comme carte pour Noël.” Puis, elle tourna les talons et s’en alla.

“Sara,” lui cria-t-il. “Et pour la drogue ?”

Bon sang, pourquoi est-ce qu’il ne me lâche pas les basques ? Elle se tourna vers lui. “Je fume un peu d’herbe, et alors ? Qui s’en soucie ? C’est pratiquement légal ici.”

“Ouais, ouais. Et le Xanax ?”

Le Xanax. Elle se demanda d’abord comment il était au courant pour ça. Puis, elle se demanda pourquoi il n’avait pas encore fait effet. Mais elle connaissait déjà la réponse à cette dernière. Son corps s’accoutumait trop pour un seul cachet à présent. Ça ne suffisait plus.

“Et la coke ?”

Elle partit d’un rire amer et caustique. “Ne fais pas ça. N’essaie pas de me faire passer pour une sorte de criminelle perverse parce que j’ai essayé un truc une fois ou deux dans une fête.”

“Une fois ou deux, hein ? Tu fais ce genre de fêtes tous les soirs ?”

Sara sentit son visage rougir. Ce n’était pas seulement parce qu’il l’avait offensée, mais aussi parce qu’il avait raison. Ça avait commencé dans une ou deux fêtes, mais c’était rapidement devenu un coup de fouet après le travail. Un petit quelque chose pour se remettre d’aplomb. Mais elle ne comptait pas l’admettre maintenant.

“Ce doit être si facile pour toi,” dit-elle, “debout là avec ton air de Boy Scout, de Ranger de l’armée, d’agent de la CIA. Ce doit être tellement facile de juger quelqu’un comme moi. Tu dis que tu sais ce que j’ai traversé, mais tu ne comprends pas. Tu ne peux pas comprendre.”

Strickland acquiesça lentement. Il la regarda droit dans les yeux… Des yeux qu’elle aurait pu trouver charmants s’ils avaient appartenu à quelqu’un d’autre que lui. “Ouais. J’imagine que tu as raison, et tu penses que je ne sais pas ce que ça fait d’être émancipé à dix-sept ans…”

“J’avais quinze ans,” rectifia Sara.

“Et j’avais dix-sept ans. Mais tu ne savais pas que j’avais vécu ça, pas vrai ?”

Non, elle ne le savait pas. Mais elle ne lui donna pas la satisfaction de réagir.

“Je me suis immédiatement engagé dans l’armée. Beaucoup d’états l’autorisent. J’ai eu mon premier tué confirmé deux jours avant mon dix-huitième anniversaire. C’est marrant ce truc chez les militaires. Ils n’appellent pas ça un ‘meurtre’ quand on tue quelqu’un.”

Sara se mordit la lèvre. Elle savait ce que ça faisait de tuer quelqu’un. C’était un mercenaire de la Division. Il les aurait tuées, sa sœur et elle, donc Sara lui avait tiré dans le cou. Et malgré tous les cauchemars qui l’assaillaient encore, elle n’avait pas une seule fois considéré qu’il s’agissait d’un meurtre.

“À un moment, j’avais trois prescriptions différentes,” lui dit Strickland. “Syndrome post-traumatique, anxiété, dépression. J’en ai usé et abusé. C’était tellement plus facile d’être dans un état second et de faire semblant que tout ce que j’avais fait était arrivé à quelqu’un d’autre.”

Il sourit tristement. “Et, putain, j’étais vraiment accro. Personne ne le savait. Ou peut-être que tout le monde s’en fichait tant que j’étais un bon soldat. Finalement, un de mes potes Ranger l’a découvert. Il a commencé à me suivre et à me surveiller de près. C’était tellement énervant. Il m’a même emmené voir un thérapeute. C’était vraiment dur. C’est tellement plus dur d’arrêter et de gérer ce qui suit que de juste prendre des trucs. Je vois toujours un thérapeute deux fois par semaine, quand je le peux.”

Sara se mit à regarder un petit caillou sur le trottoir pour éviter de croiser son regard. Après tout ce que lui avait fait gober son père, Strickland pouvait très bien mentir. C’était peut-être un gros bobard, mais il disait ça avec tant de conviction… Comme quelqu’un qui serait bien entraîné.

“Je sais que tu as vécu des choses horribles,” renchérit-il. “Je sais à quel point c’est dur d’avoir de l’empathie pour les gens normaux et les écouter se plaindre à propos de l’argent, du boulot ou de leurs relations quand on a vu les pires horreurs au monde. Mais ne reste pas là, campée sur tes positions à me dire que je ne comprends rien. Parce que c’est à toi-même que tu es en train de mentir. Tu prends un chemin qui mène tout droit vers l’addiction. La déchéance. La mort. C’est ça que tu veux ?”

“Ce que je veux…” Sa voix se brisa.

Tu ne vas pas pleurer. Tu ne fais plus ce genre de trucs.

Elle se râcla la gorge et prononça aussi clairement que possible, “Je veux que tu me fiche la paix. Je veux faire mes propres choix et en assumer les conséquences. Je veux être libérée de toutes les choses qui me rappelle le moindre des trucs qui se sont passés, toi inclus.”

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