Читать бесплатно книгу «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P)» Eugene Emmanuel Viollet-le-Duc полностью онлайн — MyBook
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Dans les peintures françaises du XIIIe siècle qui nous restent, l'art archaïque, encore conservé pendant la période du XIIe siècle, est abandonné; les artistes cherchent non-seulement la vérité dans le geste, mais une souplesse dans les poses; déjà éloignée de la rigidité du dessin byzantin. Le faire devient plus libre, l'observation de la nature plus délicate.



L'exemple que nous donnons ici (fig. 5), copié sur un fragment d'une peinture de la fin du XIIIe siècle 72, explique en quoi consiste ce changement ou plutôt ce progrès dans l'art. Ici le trois-quarts de la tête de la Vierge est finement tracé. La pose ne manque pas de souplesse, les draperies sont dessinées avec une liberté et une largeur remarquables au moyen d'un trait brun rouge 73. On voit que le peintre a dû opérer sur un décalque ne donnant qu'une masse générale, une silhouette et quelques linéaments principaux, et que les détails ont été rendus au bout de pinceau. Certains repentirs même ont été laissés apparents, dans le bas du manteau du côté gauche. Souvent ces peintures murales sont de véritables improvisations; ces artistes ne faisaient des cartons que pour des sujets étudiés avec un soin exceptionnel. Or, pour tracer comme un croquis une figure de grandeur naturelle, il faut posséder des méthodes sûres, très-arrêtées.

Les peintres byzantins ne faisaient pas, et encore aujourd'hui, ne font pas de cartons; ils peignent immédiatement sur le mur. Pendant le moyen âge, en Occident, on procédait de la même manière: c'est ce qui explique l'utilité absolue de ces recettes données dans le Guide de la peinture cité plus haut, dans l'essai du moine Théophile et dans le traité de Cennino Cennini. D'ailleurs, comment ces artistes qui couvraient en peu de temps des surfaces très-étendues auraient-ils eu le temps de faire des cartons; tout au plus pouvaient-ils préparer des maquettes à une échelle réduite. Pendant les XIIe et XIIIe siècles, les traits gravés dans l'enduit frais ne se voient qu'exceptionnellement, et ces traits indiquent toujours le décalque d'un carton; on aperçoit souvent au contraire des traits légers faits au pinceau, couverts de la couche colorante sur laquelle le trait définitif qui est une façon de modelé, vient s'apposer. Ce trait définitif, corrige, rectifie l'esquisse primitive, la modifie même parfois complétement, et nous ne connaissons guère de peintures des XIIe, XIIIe et XIVe siècles sans repentirs.

Les peintres du XIIe siècle employaient plusieurs sortes de peintures: la peinture à fresque, la peinture à la colle, à l'oeuf, et la peinture à l'huile. Cette dernière, faute d'un siccatif, n'était toutefois employée que pour de petits ouvrages, des tableaux sur panneaux que l'on pouvait facilement exposer au soleil. Pour l'emploi de la peinture à fresque, c'est-à-dire sur enduit de mortier frais, l'artiste commençait, ainsi que nous venons de le dire, par tracer avec de l'ocre rouge délayée dans de l'eau pure les masses de ses personnages, puis il posait le ton local qui faisait la demi-teinte, par couches successives, mêlant de la chaux au ton; il modelait les parties saillantes, ajoutant une plus grande partie de chaux à mesure qu'il arrivait aux dernières couches; puis avec du brun rouge mêlé de noir, il redessinait les contours, les plis, les creux, les linéaments intérieurs des nus ou des draperies.

Cette opération devait être faite rapidement, afin de ne pas laisser sécher complétement l'enduit et les premières couches. Cette façon de peindre dans la pâte donne une douceur et un éclat particuliers à ce genre de travail, et un modelé qui, d'un bleu intense, arrivant par exemple sur les parties saillantes ou claires, au blanc presque pur, n'est ni sec ni criard, chaque ton superposé s'embuvant dans le ton inférieur et y participant. L'habileté du praticien consiste à connaître exactement le degré de siccité qu'il faut laisser prendre à chaque couche avant d'en apposer une nouvelle. Si cette couche est trop humide, le ton apposé la détrempe de nouveau et fait avec elle une boue tachée, lourde, sale; si elle est trop sèche, le ton apposé ne tient pas, ne s'emboit pas, et forme un cerné sombre sur son contour. Le trait noir brun, si nécessaire et qui accuse les silhouettes et les formes intérieures, les ombres, les plis, etc., était souvent placé lorsque le modelé par couches successives était sec, afin d'obtenir plus de vivacité et de netteté. Alors on le collait avec de l'oeuf ou de la colle de peau. Aussi voit-on souvent, dans ces anciennes fresques, ce trait brun se détacher par écailles et ne pas faire corps avec l'enduit.

L'emploi de la chaux comme assiette et même comme appoint lumineux dans chaque ton, ne permettait au peintre que l'usage de certaines couleurs, telles que les terres, le cobalt bleu ou vert. Cette obligation de n'employer que les terres et un très-petit nombre de couleurs minérales, contribuait à donner à ces peintures une harmonie très-douce et pour ainsi dire veloutée. Au XIIIe siècle, cette harmonie paraissant trop pâle en regard des vitraux colorés qui donnent des tons d'une intensité prodigieuse, on dut renoncer à la peinture à fresque, afin de pouvoir employer les oxydes de plomb, les verts de cuivre et même des laques. D'ailleurs, l'architecture adoptée ne permettant pas les enduits, il fallait bien trouver un procédé de peinture qui facilitât l'apposition directement sur la pierre. En effet, divers procédés furent employés. Les plus communs sont: la peinture à l'oeuf, sorte de détrempe légère et solide; la peinture à la colle de peau ou à la colle d'os, également très-durable lorsqu'elle n'est pas soumise à l'humidité. La plus solide est la peinture à la résine dissoute dans un alcool, mais ce procédé assez dispendieux, n'était employé que pour des travaux délicats. Quelquefois aussi on se contentait d'un lait de chaux appliqué comme assiette, et sur lequel on peignait à l'eau avant que cette couche de chaux, mise à la brosse, fût sèche. La peinture à l'huile très-clairement décrite par le moine Théophile, et adoptée avant lui, puisqu'il ne s'en donne pas comme l'inventeur, ne s'employait, ainsi que nous le disions plus haut, que sur des panneaux, à cause du temps qu'il fallait laisser à chaque couche pour qu'elle pût sécher au soleil, les siccatifs n'étant pas encore en usage 74.

La peinture à la gomme, employée au XIIe siècle, paraît avoir été fréquemment pratiquée par les peintres du XIIIe pour de menus objets, tels que retables, boiseries, etc. «Si vous voulez accélérer votre travail, dit Théophile 75, prenez de la gomme qui découle du cerisier ou du prunier, et la coupant en petites parcelles, placez-la dans un vase de terre; versez de l'eau abondamment, puis exposez au soleil, ou bien, en hiver, sur un feu doux, jusqu'à ce que la gomme se liquéfie. Mêlez soigneusement au moyen d'une baguette, passez à travers un linge; broyez les couleurs (avec) et appliquez-les. Toutes les couleurs et leurs mélanges peuvent être broyés et posés à l'aide de cette gomme, excepté le minium, la céruse et le carmin, qui doivent se broyer et s'appliquer avec du blanc d'oeuf...» Ces peintures à la gomme, ou même à l'huile, étaient habituellement recouvertes d'un vernis composé de gomme arabique dissoute à chaud dans l'huile de lin 76; elles avaient ainsi un éclat extraordinaire.

Les artistes du XIIIe siècle, en peignant des sujets dans des salles garnies de vitraux colorés, tenaient à leur donner un brillant et une solidité de ton supérieurs à la peinture d'ornement et qui pussent lutter avec l'or très-fréquemment employé alors. Pour obtenir cet éclat, ils devaient faire usage des glacis, et en effet la coloration des figures, lorsqu'elles sont peintes avec quelque soin, est obtenue principalement par des appositions de couleurs transparentes sur une préparation en camaïeux très modelés. Ces artistes, soit par tradition, soit d'instinct, avaient le sentiment de l'harmonie (leurs vitraux en sont une preuve évidente pour tout le monde). Du jour que l'or entrait dans la décoration pour une forte part, il fallait nécessairement modifier l'harmonie douce et claire admise par les peintres du XIIe siècle. L'or est un métal et non une couleur, et sa présence en larges surfaces dans la peinture force le peintre à changer toute la gamme de ses tons. L'or a des reflets clairs très-vifs, très-éclatants, des demi-teintes et des ombres d'une intensité et d'une chaleur auprès desquelles toute couleur devient grise, si elle est claire, obscure et lourde, si elle est sombre 77. Pour pouvoir lutter avec ces clairs si brillants et ces demi-teintes si chaudes de l'or, il fallait des tons très-colorés, mais qui, pour ne pas paraître noirs, devaient conserver la transparence d'une aquarelle. C'est ainsi que les petits sujets décorant l'arcature de la sainte Chapelle haute du Palais à Paris étaient traités. Ces sujets, qui se détachent alternativement sur un fond de verre damasquiné de dorures ou d'or gaufré, avaient été peints très-clairs, puis rehaussés par une coloration transparente très-vive et des traits bruns. Cependant, avec l'or, tous les tons n'étaient pas traités de la même manière; les bleus, les verts clairs (verts turquoise) sont empâtés, et ainsi posés, prennent une valeur très-colorante; tandis que les rouges, les verts sombres, les pourpres, les jaunes, ont besoin, pour conserver un éclat pouvant lutter avec les demi-teintes de l'or, d'être apposés en glacis. Ces glacis semblent avoir été collés au moyen d'un gluten résineux, peut-être seulement à l'aide de ce vernis composé d'huile de lin et de gomme arabique. Quant à la peinture des dessous ou empâtée, elle est fine, et est posée sur une assiette de chaux très-mince; ce n'est cependant pas de la fresque, car cette peinture s'écaille et forme couverte.

Il arrivait même souvent aux artistes peignant des sujets ou des ornements sur fond d'or, de dorer les dessous des ornements ou draperies destinés à être colorés en rouge, en pourpre ou en jaune mordoré. Alors la coloration n'était qu'un glacis très-transparent posé sur le métal, et, avec des tons très-intenses, on évitait les lourdeurs. Ces tons participaient du fond et conservaient quelque chose de son éclat métallique.

La cherté des peintures dans lesquelles l'or jouait un rôle important, les difficultés, conséquences de l'emploi de ce métal, qui entravaient le peintre à chaque pas pour conserver partout une harmonie brillante, très-soutenue, sans tomber dans la lourdeur, firent que vers la fin du XIIIe siècle, ainsi que nous l'avons dit, on adopta souvent le parti des grisailles. On avait poussé si loin, vers le milieu du XIIIe siècle, la coloration des vitraux; cette coloration écrasante avait entraîné les peintres à donner aux tons de leurs peintures un tel éclat et une telle intensité, qu'il fallait revenir en arrière. On fit alors beaucoup de vitraux en grisailles, ou l'on éclaircit la coloration translucide; l'or ne joua plus dans la peinture qu'un rôle très-secondaire et les sujets furent colorés par des tons doux, très-clairs, et, pour éviter l'effet plat et fade de ces camaïeux à peine enluminés, on les soutint par des fonds très-violents, noirs, brun-rouge, bleu intense, chargés souvent de dessins tons sur tons ou de damasquinages de couleurs variées, mais présentant une masse très vigoureuse. On ne songeait guère alors aux fonds de perspective, mais on commençait à donner aux accessoires, comme les siéges, les meubles, une apparence réelle. Peu à peu le champ de l'imitation s'étendit; après avoir peint seulement les objets touchant immédiatement aux figures suivant leur forme et leur dimension vraie, on plaça un édifice, une porte, un arbre, sur un plan secondaire; puis enfin les fonds de convention et purement décoratifs disparurent, pour faire place à une interprétation réelle du lieu où la scène se passait. Toutefois il faut constater que si les peintres, avant le XVIe siècle, cherchaient à donner une représentation réelle du lieu, ils ne songeaient, comme nous l'avons dit déjà, ni à la perspective aérienne, ni à l'effet, c'est-à-dire à la répartition de la lumière sur un point principal, ni à produire l'illusion, et que leurs peintures conservaient toujours l'aspect d'une surface plane décorée, ce qui est, croyons-nous, une des conditions essentielles de la peinture monumentale.

Nous ne pourrions nous étendre davantage, sans sortir du cadre de cet article, sur la peinture des sujets dans les édifices. D'ailleurs nous avons l'occasion de revenir sur quelques points touchant la peinture, dans les articles STYLE et VITRAIL. Nous passerons maintenant à la peinture d'ornement, à la décoration peinte proprement dite. Il y a lieu de croire que sur cette partie importante de l'art, les artistes du moyen âge n'avaient que des traditions, une expérience journalière, mais peu ou point de théories. Les traités de peinture ne s'occupent que des moyens matériels et n'entrent pas dans des considérations sur l'art, sur les méthodes à employer dans tel ou tel cas. Pour nous, qui avons absolument perdu ces traditions, et qui ne possédons qu'une expérience très-bornée de l'effet décoratif de la peinture, nous devons nécessairement nous appuyer sur l'observation des exemples passés pour reconstituer certaines théories résultant de cette expérience et de ces traditions. Il serait assez inutile à nos lecteurs de savoir que tel ornement est jaune ou bleu, si nous n'expliquons pas pourquoi il est jaune ici et bleu là, et comment il produit un certain effet dans l'un ou l'autre cas. La peinture décorative est avant tout une question d'harmonie, et il n'y a pas de système harmonique qui ne puisse être expliqué.

La peinture décorative est d'ailleurs une des parties de l'art de l'architecture difficiles à appliquer, précisément parce que les lois sont essentiellement variables en raison du lieu et de l'objet. La peinture décorative grandit ou rapetisse un édifice, le rend clair ou sombre, en altère les proportions ou les fait valoir; éloigne ou rapproche, occupe d'une manière agréable ou fatigue, divise ou rassemble, dissimule les défauts ou les exagère. C'est une fée qui prodigue le bien ou le mal, mais qui ne demeure jamais indifférente. À son gré, elle grossit ou amincit des colonnes, elle allonge ou raccourcit des piliers, élève des voûtes ou les rapproche de l'oeil, étend des surfaces ou les amoindrit; charme ou offense, concentre la pensée en une impression ou distrait et préoccupe sans cause. D'un coup de pinceau elle détruit une oeuvre savamment conçue, mais aussi d'un humble édifice elle fait une oeuvre pleine d'attraits, d'une salle froide et nue un lieu plaisant où l'on aime à rêver et dont on garde un souvenir ineffaçable.

Lui fallait-il, au moyen âge, pour opérer ces prodiges, des maîtres excellents, de ces artistes comme chaque siècle en fournit un ou deux? Non certes; elle ne demandait que quelques ouvriers peintres agissant d'après des principes dérivés d'une longue observation des effets que peuvent produire l'assemblage des couleurs et l'échelle des ornements. Alors la plus pauvre église de village badigeonnée à la chaux avec quelques touches de peinture était une oeuvre d'art, tout comme la sainte Chapelle, et l'on ne voyait pas, au milieu de la même civilisation, des ouvrages d'art d'une grande valeur ou au moins d'une richesse surprenante, et à quelque pas de là de ces désolantes peintures décoratives qui déshonorent les murailles qu'elles couvrent et font rougir les gens de goût qui les regardent.

Il n'y a, comme chacun sait, que trois couleurs, le jaune, le rouge et le bleu, le blanc et le noir étant deux négations: le blanc la lumière non colorée, et le noir l'absence de lumière. De ces trois couleurs dérivent tous les tons, c'est-à-dire des mélanges infinis. Le jaune et le bleu produisent les verts, le rouge et le bleu les pourpres, et le rouge et le jaune les orangés. Au milieu de ces couleurs et de leurs divers mélanges la présence du blanc et du noir ajoute à la lumière ou l'atténue. Précisément parce que le blanc et le noir sont deux négations et sont étrangers aux couleurs, ils sont destinés, dans la décoration, à en faire ressortir la valeur. Le blanc rayonne, le noir fait ressortir le rayonnement et le limite. Les peintres décorateurs du moyen âge, soit par instinct, soit bien plutôt par tradition, n'ont jamais coloré sans un appoint blanc ou noir, souvent avec tous les deux. Partant du simple au composé, nous allons expliquer leurs méthodes. Nous ne parlons que de la peinture des intérieurs, de celle éclairée par une lumière diffuse; nous nous occuperons en dernier lieu de la peinture extérieure, c'est-à-dire éclairée par la lumière directe. Pendant la période du moyen âge, où la peinture monumentale joue un rôle important, nous observons que l'artiste adopte d'abord une tonalité dont il ne s'écarte pas dans un même lieu. Or, ces tonalités sont peu nombreuses, elles se réduisent à trois: la tonalité obtenue par le jaune et le rouge avec l'appoint lumineux et obscur, c'est-à-dire le blanc et le noir; la tonalité obtenue avec le jaune, le rouge et le bleu, qui entraîne forcément les tons intermédiaires, c'est-à-dire le vert, le pourpre et l'orangé, toujours avec appoint blanc et noir, ou noir seul; la tonalité obtenue à l'aide de tous les tons donnés par les trois couleurs, mais avec appoint d'or et l'élément obscur, le noir, les reflets lumineux de l'or remplaçant dans ce cas le blanc.









































 






 









 


 





 





 






 







 

















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