Читать бесплатно книгу «Œuvres complètes de lord Byron, Tome 7» Джорджа Гордона Байрона полностью онлайн — MyBook

ACTE III

SCÈNE PREMIÈRE
(La salle du palais illuminée. – Sardanapale et ses hôtes sont à table. Une tempête au dehors, et de tems en tems le tonnerre.)
SARDANAPALE

Remplis la coupe! Nous sommes ici dans l'ordre: c'est ici mon vrai royaume, entre de beaux yeux et des figures aussi heureuses que belles! Ici, le chagrin ne saurait pénétrer.

ZAMES

Ni partout ailleurs: – où est le roi, brille aussitôt le plaisir.

SARDANAPALE

Cela ne vaut-il pas mieux que les chasses de Nemrod, ou les courses de ma fière grand'-mère à la recherche de royaumes qu'elle n'aurait pu gouverner, si elle en eût fait la conquête?

ALTADA

Quelque grands qu'ils fussent, et comme le fut toute la royale race, nul de ceux qui ont précédemment régné n'a pourtant atteint la gloire de Sardanapale, qui mit toute sa joie dans la paix, la plus solide des gloires.

SARDANAPALE

Et dans le plaisir, cher Altada, vers lequel la gloire n'est qu'un chemin. Que recherchons-nous? le plaisir. Nous devons abréger la route qui y conduit; nous ne la poursuivons pas à travers les cendres de l'humanité, et nous évitons de signaler par autant de tombeaux chacun de nos pas.

ZAMES

Non; tous les cœurs sont heureux; toutes les voix s'accordent pour bénir le roi de paix, qui tient l'univers en joie.

SARDANAPALE

En es-tu bien sûr? J'ai ouï parler différemment; quelques-uns parlent de traîtres.

ZAMES

Sire, les traîtres sont ceux qui parlent ainsi2. Cela est impossible. Dans quel but?

SARDANAPALE

Dans quel but? tu as raison: – Remplis la coupe; nous n'y songerons plus. Il n'y a pas de traîtres: ou s'il en est, ils sont partis.

ALTADA

Amis, faites-moi raison! Vidons tous, à genoux, une coupe à la santé du roi, – du monarque, dis-je, du dieu Sardanapale!

ZAMES et les hôtes s'agenouillent, et s'écrient:

Au roi plus puissant que Baal son père, au dieu Sardanapale! (Le tonnerre interrompt leur toast, quelques-uns se relèvent effrayés.) Pourquoi vous relever, mes amis? Ses ancêtres divins expriment, par cette éclatante voix, leur consentement à nos vœux.

MIRRHA

Dis plutôt leurs menaces. Souffriras-tu, roi, cette ridicule impiété?

SARDANAPALE

Impiété! – Eh bien! si mes aïeux et prédécesseurs sont des dieux, je ne déshonorerai pas leur lignée. Mais levez-vous, mes pieux amis; réservez votre dévotion pour le maître du tonnerre: mes vœux sont d'être aimé, et non pas déifié.

ALTADA

Vous êtes l'un et l'autre; – et vous le serez toujours par vos fidèles sujets.

SARDANAPALE

Le tonnerre semble redoubler: voilà une horrible nuit.

MIRRHA

Oh! oui, pour les dieux qui n'ont pas de palais où puissent être à l'abri leurs adorateurs.

SARDANAPALE

Il est vrai, Mirrha; et si je pouvais transformer mon royaume en un vaste asile pour les malheureux, je le ferais.

MIRRHA

Tu n'es donc pas dieu, puisque tu ne peux exécuter le grand et noble vœu que tu formes.

SARDANAPALE

Et vos dieux donc, que sont-ils? eux qui le peuvent et ne le font pas?

MIRRHA

Ne parle pas de cela, de crainte de les provoquer.

SARDANAPALE

En effet; ils n'aiment pas mieux que les mortels la censure. Une pensée me frappe, mes amis: s'il n'existait pas de temple, croyez-vous qu'il y eût des adorateurs de l'air? – c'est-à-dire, quand il est triste et furieux comme en ce moment.

MIRRHA

Le Perse prie sur ses montagnes.

SARDANAPALE

Oui, quand brille le soleil.

MIRRHA

Mais moi, je demanderais, si ce palais était renversé et détruit, combien de flatteurs baiseraient la poussière sur laquelle marchait le roi?

ALTADA

La belle Ionienne parle avec trop de dédain d'une nation qu'elle ne connaît pas assez; les Assyriens ne savent de plaisir que celui de leur roi: ils sont fiers de leurs hommages.

SARDANAPALE

Eh bien! mes hôtes, pardonnez la vivacité d'expression de la belle Grecque.

ALTADA

Lui pardonner, sire! nous lui devons honneur, comme à tout ce qui vous appartient. Mais quel est ce bruit?

ZAMES

Ce bruit! rien que les éclats de portes lointaines frappées du vent.

ALTADA

Il a retenti comme le cri de-Écoutez encore.

ZAMES

C'est la pluie tombant par torrens sur le toit.

SARDANAPALE

N'en parlons plus. Mirrha, mon amour, as-tu préparé ta lyre? Chante-moi une pièce de Sapho; de celle, tu sais, qui, dans ton pays, se précipita-

(Entre Pania, l'épée et les vêtemens ensanglantés et en désordre. Les hôtes se lèvent tous effrayés.)
PANIA, aux gardes

Assurez-vous des portes; courez de toutes vos forces vers les murs. Aux armes! aux armes! le roi est en péril. Monarque, excusez cette hâte: – ma fidélité l'exige.

SARDANAPALE

Explique-toi.

PANIA

Les craintes de Salemènes étaient fondées: les perfides satrapes-

SARDANAPALE

Vous êtes blessé: – qu'on lui présente du vin. Reprenez vos sens, cher Pania.

PANIA

Ce n'est rien: – c'est une légère blessure. Je suis plus accablé de l'empressement que j'ai mis à avertir mon prince, que du sang répandu pour le défendre.

MIRRHA

Eh bien! les rebelles?

PANIA

À peine Arbaces et Belèses eurent-ils atteint leur demeure dans la ville, qu'ils refusèrent de marcher: et quand je voulus user du pouvoir qui m'était délégué, ils invoquèrent leurs troupes, qui se soulevèrent aussitôt en furie.

MIRRHA

Tous?

PANIA

Beaucoup trop.

SARDANAPALE

Ne va pas, en mettant une borne à ta franchise, épargner la vérité à mes oreilles.

PANIA

Ma faible garde était fidèle; – et ce qui en reste le demeure encore.

MIRRHA

Est-ce là tout ce qu'il y a de fidèle dans l'armée?

PANIA

Non: – les Bactriens, conduits par Salemènes, qui, toujours oppressé de violens soupçons sur les gouverneurs de Médie, était alors en marche. Les Bactriens sont nombreux; ils font aux rebelles une résistance opiniâtre, disputent le terrain pas à pas, et forment un cercle autour du palais: c'est là qu'ils songent à réunir toutes leurs forces, et à protéger le roi. (Il hésite.) Je suis chargé de-

MIRRHA

Il n'est pas tems d'hésiter.

PANIA

Le prince Salemènes supplie donc le roi de s'armer lui-même, quoique pour un moment, et de se montrer en soldat: dans cette circonstance, sa seule présence ferait plus que n'en saurait faire une armée.

SARDANAPALE

Alors donc, mes armes!

MIRRHA

Tu le veux bien?

SARDANAPALE

Sans doute. Allons! – mais ne cherchez pas le bouclier; il est trop lourd: – une légère cuirasse et mon épée. Où sont les rebelles?

PANIA

Le plus vif combat se donne maintenant à une stade, à peu près, des murs extérieurs.

SARDANAPALE

Je puis donc monter à cheval. Sféro, faites préparer mon cheval. – Il y a dans nos cours assez d'espace pour faire agir la moitié des cavaliers arabes.

(Sféro sort.)
MIRRHA

Combien je t'aime!

SARDANAPALE

Je n'en ai jamais douté.

MIRRHA

Mais, à présent, je te connais.

SARDANAPALE, à l'un des suivans

Apportez-moi aussi ma lance. – Où est Salemènes?

PANIA

Où doit être un soldat: dans le fort de la mêlée.

SARDANAPALE

Cours vers lui. – La route est-elle libre encore entre le palais et l'armée?

PANIA

Elle l'était quand j'accourus ici, et je n'ai nulle crainte: nos troupes étaient déterminées, et la phalange formée.

SARDANAPALE

Dis-lui, pour le présent, qu'il épargne sa personne, et que, pour moi, je n'épargnerai pas la mienne: – ajoute que j'arrive.

PANIA

Ce mot est à lui seul la victoire.

(Pania sort.)
SARDANAPALE

Altada, – Zames, avancez et armez-vous: tout dépend de la célérité, à la guerre. Voyez à ce que les femmes soient mises en sûreté dans les appartemens secrets: qu'on leur laisse une garde, avec l'ordre exprès de ne quitter leur poste qu'avec leur vie. – Zames, vous la commanderez. Altada, armez-vous, et revenez ici: votre poste est près de notre personne.

(Zames, Altada et tous les autres sortent, excepté Mirrha. – Entrent Sféro et autres, avec les armes du roi, etc.)
SFÉRO

Roi, voici votre armure.

SARDANAPALE, s'en revêtant

Donnez-moi la cuirasse; – bien: mon baudrier; puis mon épée: et le casque, j'oubliais, où est-il? c'est bien. – Non, il est trop lourd: vous vous êtes trompé, aussi, – ce n'est pas lui que je voulais, mais celui que surmonte un diadème.

SFÉRO

Sire, les pierres précieuses qui l'entourent le mettraient trop en vue pour être placé sur votre tête sacrée; – Veuillez me croire, celui-ci, bien que moins riche, est d'une meilleure trempe.

SARDANAPALE

Vous croyez! Êtes-vous aussi devenu rebelle? Apprenez que votre devoir est d'obéir: retournez; – mais, non, – il est trop tard: je sortirai sans lui.

SFÉRO

Au moins, prenez celui-ci.

SARDANAPALE

Prendre le Caucase! mais ce serait une montagne sur mes tempes.

SFÉRO

Sire, le dernier soldat ne s'avance pas aussi exposé au combat. Tout le monde vous reconnaîtra, – car l'orage a cessé, et la lune a reparu dans tout son éclat.

SARDANAPALE

Je sors pour qu'on me reconnaisse, et, par ce moyen, j'y réussirai plus tôt. Allons, – ma lance! me voici armé. (Il s'avance; puis s'arrêtant tout court, à Sféro.) Sféro, j'oubliais; – apportez le miroir3.

SFÉRO

Un miroir, sire?

SARDANAPALE

Oui, le miroir d'acier poli trouvé parmi les dépouilles de l'Inde; – mais hâte-toi. (Sféro sort.) Mirrha, retire-toi dans un lieu de sûreté. Pourquoi n'as-tu pas déjà suivi les autres femmes?

MIRRHA

Parce que c'est ici ma place.

SARDANAPALE

Mais quand je la quitterai? -

MIRRHA

Je vous suivrai.

SARDANAPALE

Au combat, vous!

MIRRHA

Dans ce cas-là, je ne serais pas la première fille grecque qui s'y fût montrée. Mais j'attendrai ici votre retour.

SARDANAPALE

La place est spacieuse: c'est la première qu'on occupera, si nous sommes vaincus; et s'il en arrive ainsi, je ne retournerai pas-

MIRRHA

Nous ne nous en rejoindrons pas moins.

SARDANAPALE

Comment?

MIRRHA

Aux lieux où tous finiront par se rejoindre: – dans les enfers! Nous y réunirons nos ombres, s'il est, comme je le crois; des rives au-delà du Styx; et nos cendres, s'il n'en est pas.

SARDANAPALE

Aurais-tu bien le courage de l'oser?

MIRRHA

J'oserai tout, si ce n'est de survivre à ce que j'aimais, pour devenir la proie d'un rebelle: séparons-nous, et montre toute ta valeur.

(Rentre Sféro, avec le miroir.)
SARDANAPALE, se regardant

Cette cuirasse me va bien, le baudrier mieux encore; mais le casque, pas du tout. (Il jette le casque, après l'avoir essayé de nouveau.) À mon avis, je ne suis pas trop mal dans ce costume; à présent, il s'agit d'en faire l'épreuve. Altada! où est Altada?

SFÉRO

Sire, il attend au dehors: il doit vous présenter votre bouclier.

SARDANAPALE

En effet, j'oubliais qu'il est mon porte-bouclier, par droit de naissance dérivé d'âge en âge. Embrasse-moi, Mirrha; encore une fois, – encore, – et quoi qu'il arrive, aime-moi: ma première gloire serait de me rendre plus digne de ta tendresse.

MIRRHA

Partez, et soyez vainqueur!

(Sardanapale et Sféro sortent.)
MIRRHA

Me voilà seule: tous sont partis, et peut-être un bien petit nombre reviendront. Qu'il triomphe seulement, et que je meure! S'il est vaincu, je n'en mourrai pas moins, car je ne veux pas lui survivre. Il a touché mon cœur, je ne sais comment et pourquoi. Ce n'est pas parce qu'il est roi; son royaume chancelle en ce moment autour de son trône; la terre s'entr'ouvre pour ne lui laisser d'autre place qu'un tombeau: et je l'aime encore davantage. Pardonne, ô puissant Jupiter! à cet amour monstrueux pour un barbare qui méconnaît l'Olympe! Oui, je l'adore maintenant, bien plus encore que-Écoutons: – quels cris de guerre! ils semblent approcher. S'il en était ainsi (elle tire une petite fiole), ce subtil poison de Colchos, que mon père apprit à composer sur les rivages d'Euxin, et qu'il m'enseigna à conserver, pourrait m'affranchir! Et déjà, depuis long-tems, il m'eût affranchie; mais j'aimais, j'aimais au point d'oublier que je fusse esclave, dans les lieux même où tous, à l'exception d'un seul, sont esclaves et fiers de leur servitude, quand, à leur tour, ils voient sous leurs ordres un seul être plus bas et plus méprisable qu'eux. C'est ainsi que nous oublions que des fers portés comme ornement n'en sont pas moins des chaînes. – Encore ce bruit!.. – Et puis, le cliquetis des armes: – et puis-

(Entre Altada.)
ALTADA

Sféro! – Sféro!

MIRRHA

Il n'est pas ici; que lui voulez-vous? où en est le combat?

ALTADA

Douteux et cruel.

MIRRHA

Et le roi?

ALTADA

Il agit en roi. Je cherche Sféro, afin de demander pour lui une nouvelle lance et son casque. Jusqu'à présent, il a combattu la tête nue, et beaucoup trop exposé. Les soldats connaissent ses traits, et malheureusement aussi les ennemis: à la claire lueur de la lune, sa tiare de soie et ses cheveux épars lui donnent une apparence trop royale. Tous les arcs sont dirigés sur ses beaux cheveux, sur sa belle tête, et sur le léger bandeau qui les couronne tous deux.

MIRRHA

Dieux qui tonnez sur la terre de mes pères, protégez-le! Est-ce le roi qui vous a envoyé?

ALTADA

C'est Salemènes qui, sans en avoir instruit le prince, trop peu soucieux du danger, m'a donné confidentiellement cet ordre. Mais le roi, le roi est au combat comme au plaisir! Où peut donc être Sféro? Je vais chercher dans l'arsenal, il doit s'y tenir.

(Altada sort.)
MIRRHA
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