Читать бесплатно книгу «Œuvres complètes de lord Byron, Tome 3» Джорджа Гордона Байрона полностью онлайн — MyBook

36. Loin ces digressions étrangères! Je ne dois pas rendre ce chant trop long; car nous avons encore à franchir plus d'une montagne, à côtoyer plus d'un rivage, conduits par la mélancolie pensive et non par la fiction. – Contrées aussi belles que jamais l'imagination mortelle pourrait en créer dans les faibles limites de la pensée; aussi séduisantes que celles que l'on célèbre dans de nouvelles utopies pour enseigner à l'homme ce qu'il pourrait, ou ce qu'il devrait être, si cette créature corrompue pouvait jamais profiter de pareils enseignemens!

37. La bonne nature est encore la meilleure des mères, quoique toujours changeante dans ses aspects variés. Laissez-moi prendre dans son sein fécond les sujets de mes chants; moi, qu'elle n'a jamais sevré de ses faveurs, quoique je n'aie pas été son enfant favori. Oh! c'est dans ses formes sauvages qu'elle est le plus belle, là où rien d'humain n'ose souiller ses asiles: le jour, comme la nuit, elle ne cesse de me sourire, quoique je l'aie connue seulement aux jours du malheur, et que je l'aie recherchée et aimée d'autant plus que ma misanthropie était plus grande.

38. Terre d'Albanie! où naquit lskander, dont les exploits sont le thème du jeune homme et l'instruction du sage; patrie de cet autre conquérant du même nom, dont les ennemis, souvent battus, ont admiré les exploits chevaleresques, permets-moi de te contempler, terre d'Albanie43, sauvage nourricière d'hommes sauvages! La croix disparaît, les minarets s'élèvent, et le pâle croissant étincelle dans la vallée à travers les cyprès qui apparaissent en même tems que chaque cité.

39. Childe Harold voguait toujours. Il passa près du rocher aride44 où la triste Pénélope venait contempler les flots de la mer; et plus loin il vit le promontoire célèbre qui devint le dernier refuge des amans et le tombeau de la Lesbienne. Infortunée Sapho, tes vers immortels ne pouvaient ils pas sauver ce cœur, animé d'une flamme immortelle? comment ne put-elle vivre, celle qui donnait la vie, si la lyre peut faire espérer une vie éternelle, seul ciel auquel les enfans de la terre puissent aspirer?

40. C'était par une belle soirée d'un automne grec que Childe Harold salua le cap éloigné de Leucade: il avait vivement désiré voir ce lieu célèbre, qu'il quittait à regret. Souvent il avait contemplé des lieux qui furent le théâtre de la guerre; Actium, Lépante, le fatal Trafalgar45; il les avait contemplés sans être ému; car (né sous quelque étoile obscure et inglorieuse) il ne se plaisait point dans les sujets de guerres sanglantes ou d'exploits chevaleresques; il haïssait le métier de brave, et l'importance martiale n'obtenait de lui qu'un sourire de raillerie.

41. Mais lorsqu'il vit l'étoile du soir briller au-dessus du triste rocher de Leucade, qui se projette au loin sur les flots; lorsqu'il salua ce dernier refuge de l'amour sans espoir46, Harold sentit ou crut sentir une émotion peu ordinaire; et pendant que le vaisseau glissait majestueusement sous l'ombre de cet antique rocher, il observait le mouvement mélancolique des vagues; et quoique absorbé dans les rêveries habituelles de sa pensée, son œil parut plus calme et son front pâle moins soucieux.

42. L'aurore paraît, et avec elle les monts sauvages de l'Albanie, les sombres rochers de Souli, et la sommité centrale du Pinde, à demi voilée par les brouillards, arrosée par des ruisseaux de neige, que colorent des rayons de pourpre et d'azur, se dévoilent aux regards; et, à mesure que les nuages qui les environnent se dissipent, ils laissent voir la demeure du montagnard. Là, le loup hurle, l'aigle aiguise son bec; des oiseaux, des bêtes de proie et des hommes plus sauvages encore s'y disputent leur asile; là s'amoncellent ces orages qui éclatent avec une énergie convulsive dans les derniers mois de l'année.

43. C'est là qu'Harold se sentit enfin seul, et dit un long adieu aux langues des nations chrétiennes. Il s'aventure dans une contrée inconnue que tous les voyageurs citent avec admiration, mais que la plupart n'osent visiter. Son cœur était armé contre le destin; ses besoins étaient peu nombreux; il ne cherchait point le péril, mais il ne reculait point devant lui. La scène était sauvage, mais elle était nouvelle; le désir d'en jouir lui rendit légères les fatigues continuelles du voyage, adoucit pour lui les froids rigoureux de l'hiver et les chaleurs excessives de l'été.

44. Ici la croix rouge (car la croix y est encore debout, quoique outragée ignominieusement par les circoncis,) oublie cet orgueil si cher à ses pontifes. Ici le prêtre et le sectateur de son culte sont également méprisés. Superstition insensée! quelque déguisement que tu prennes, idole, saint, vierge, prophète, croissant, croix, quelque soit le symbole que tu veuilles offrir à l'adoration des hommes, tu n'es qu'un gain sacerdotal et une ruine pour le genre humain! Qui pourra séparer de l'or du vrai culte tes viles et misérables souillures?

45. Contemplez le golfe d'Ambracie, où un monde fut perdu jadis pour une femme, chose aimable et innocente! C'est dans cette baie tranquille que les généraux romains et les rois de l'Asie47 réunirent leurs armées navales conduites à un triomphe douteux, mais à un carnage certain. Regardez! voilà l'endroit où s'élevaient les trophées du second César48! Ils se flétrissent maintenant comme les mains qui les érigèrent. Anarchistes qui portez des couronnes! vous multipliez les misères humaines! Dieu! as-tu créé ce monde pour être tour à tour perdu et gagné par de semblables tyrans?

46. Depuis les sombres barrières de cette contrée hérissée de rochers, jusqu'au centre des vallées de l'Illyrie, Childe Harold traversa plusieurs montagnes majestueuses, dans des contrées à peine connues des géographes. Cependant on rencontre rarement dans l'Attique, si renommée, d'aussi rians vallons; et la belle Tempé ne pourrait pas s'enorgueillir d'un charme qui leur serait inconnu; le Parnasse lui-même, quoiqu'il soit un mont classique et consacré par la poésie, échouerait à effacer la majesté pompeuse de quelques-uns de ces monts qui se cachent derrière cette chaîne sombre de rochers.

47. Il traversa le Pinde, le lac d'Achérusie49; et laissant de côté la capitale de la contrée, il continua sa route pour visiter le chef puissant de l'Albanie50, dont la volonté redoutable est la loi des lois; car d'une main sanglante il gouverne une nation turbulente et hardie; cependant il est encore çà et là quelque bande audacieuse de montagnards qui dédaignent son pouvoir, et de leur forteresse de rochers lançant au loin leurs défis, ne cèdent jamais qu'à l'or51.

48. Monastique Zitza52! asile favorisé du ciel! quand de ta cime ombreuse nous portons nos regards autour de nous, sur nos têtes et à nos pieds, que de couleurs variées, que de charmes magiques nous découvrons alors! Rochers, rivières, forêts, montagnes, tout abonde en ces lieux; et le ciel le plus azuré est en parfaite harmonie avec ce tableau ravissant. En bas, le bruit sourd d'un torrent nous indique la chute d'une cataracte qui tombe entre des rochers suspendus, et dont le froissement perpétuel cause à l'ame une émotion pleine de charmes.

49. Parmi les bosquets qui couronnent cette colline touffue environnée de montagnes qui s'élèvent en amphithéâtre, et au milieu desquelles elle ne paraît pas sans dignité, les blanches murailles du couvent brillent agréablement sur la hauteur. C'est là qu'habite l'affable Caloyer53, qui exerce avec empressement l'hospitalité; le passant y est toujours bienvenu, et il ne s'éloignera jamais de ces lieux sans émotion, s'il trouve ses délices à contempler les charmes de la nature.

50. Qu'il y passe les jours de la saison brûlante; frais est le gazon que protège le feuillage de ces arbres séculaires; les brises viendront agiter autour de lui leurs ailes caressantes; il respirera l'air embaumé du ciel. La plaine se développe au loin. – Oh! qu'il jouisse des plaisirs innocens quand ils s'offrent à lui comme en ces lieux; les rayons dévorans du soleil, imprégnés d'un poison subtil, ne peuvent y pénétrer. Que le pélerin vienne s'y reposer de ses fatigues, et y admirer à loisir les splendeurs du matin, du soleil à son midi, et la beauté des soirs.

51. Sombres, immenses et grandissant à la vue, amphithéâtre volcanique de la nature54, les Alpes de la Chimère se développent dans le vaste horizon. À leur pied se déploie une vallée pleine de mouvement et de vie; les troupeaux bondissent, les arbres s'agitent avec grâce; des ruisseaux l'arrosent en tous sens, et le sapin des montagnes se balance sur les hauteurs. Contemplez le noir Achéron55! consacré anciennement comme séjour des morts. Pluton! si c'est l'enfer que je vois, ferme les portes honteuses de ton Elysée, mon ombre ne cherchera point à le connaître.

52. Les tours d'aucune ville ne viennent souiller cette délicieuse perspective; quoique peu éloignée, Yanina ne se laisse pas encore apercevoir; elle est voilée par un rideau de collines! Ici les hommes sont peu nombreux, les hameaux sont dispersés, et les cabanes solitaires sont très-rares. Mais la chèvre broute suspendue sur le bord de chaque précipice; et regardant d'un air pensif son troupeau dispersé, le petit berger, revêtu de sa blanche capote56, penche sa forme enfantine sur la pente du rocher, où, à l'approche de l'orage, il va dans sa grotte attendre que le court météore soit passé.

53. O Dodone! où est ton antique forêt, ta source prophétique et ton oracle divin? Quelle est la vallée dont l'écho redisait les réponses de Jupiter? Quel vestige reste-t-il de l'autel du maître du tonnerre? Tout, tout est oublié! – et l'homme se plaindra de ce que les frêles liens qui l'attachent à la vie éphémère sont rompus? Cesse donc, insensé! tes lâches murmures. La destinée des dieux peut bien être la tienne; voudrais-tu survivre au marbre et au chêne robuste lorsque les nations et les mondes eux-mêmes doivent disparaître engloutis par les âges!

54. Les frontières de l'Épire s'éloignent, et les montagnes s'évanouissent dans le lointain; fatigué de tenir en admiration ses regards sur les montagnes, il les repose agréablement sur une douce vallée, embellie de tous les charmes du printems. La plaine aussi possède des beautés peu communes, si quelque fleuve majestueux y promène ses ondes rapides, ombragées par des arbres qui se balancent sur ses bords, et dont le feuillage mobile semble se jouer dans ses flots, ou, avec les rayons de la lune, sommeiller sur sa surface, à l'heure solennelle de minuit.

55. Le soleil était descendu derrière les hauteurs du vaste Tomerit57, et le Laos mugissant roulait sombre et rapide58; les ombres accoutumées de la nuit s'étendaient insensiblement; lorsque, en suivant les détours escarpés du vallon, Childe Harold aperçut, comme des météores dans les cieux, les brillans minarets de Tépalin, dont les remparts dominent le fleuve. Il entendit, en approchant, la voix des hommes de guerre, dont le bruit sourd se mêlait à la brise qui soupirait dans la profondeur du vallon.

56. Il passa près de la tour silencieuse du harem sacré, et il aperçut, à travers les arches exhaussées de la porte, la demeure de ce chef redoutable dont tout ce qui l'environnait proclamait la haute puissance. C'est au milieu d'une pompe non commune que se montre ce despote, dont la cour est agitée de nombreux préparatifs de guerre; les esclaves, les eunuques, les soldats, les passagers et les santons attendent les ordres du maître. Sa demeure est un palais en dedans, en dehors une citadelle. Là paraissent se donner rendez-vous les hommes de toutes les nations.

57. Richement caparaçonnée, une troupe de chevaux armés pour la guerre et une troupe égale de guerriers formaient un cercle dans le fond de la vaste cour; dans le haut, des groupes étrangers garnissaient les corridors, et de tems en tems quelque Tartare au large turban, piquant de l'éperon son cheval de l'Ukraine, faisait retentir l'écho des salles. Le Turc, le Grec, l'Albanien et le Maure s'y mêlaient sous les costumes les plus variés, tandis que le bruit sourd du tambour de guerre annonçait la fin du jour.

58. Là, le fier et sauvage Albanais aux jambes nues, la tête ceinte d'un schall, portant une riche carabine et des vêtemens brodés d'or; les Macédoniens aux écharpes de pourpre; le Delhi, couvert de son bonnet qui inspire la terreur, au glaive recourbé; le Grec vif et joyeux; le fils mutilé de la noire Nubie; et le Turc à la longue barbe, qui daigne rarement prononcer une parole, le maître de tout ce qui l'entoure, et trop puissant pour être doux envers ceux qu'il commande,

59. Sont mêlés sans être confondus. Les uns sont couchés en groupes, observant la scène bigarrée qu'ils ont sous les yeux. On y voit le grave Musulman dans la posture de la dévotion; quelques-uns fument, d'autres jouent. Ici l'Albanais se promène avec fierté; là on entend chuchoter le Grec causeur. Écoutez! des sons solennels partent de la mosquée; la voix du Muezzin ébranle le minaret: «Il n'y a point d'autre dieu que Dieu! – Voici l'heure de la prière. – Dieu est grand!»

60. C'était pendant cette saison de la fête du Ramazan. Le jour entier était consacré à la pénitence; mais lorsque l'heure du tardif crépuscule fut passée, le règne des plaisirs et de la bonne chère commença. Tout était en mouvement dans le palais d'Ali; la troupe des domestiques préparait et servait les mets nombreux du festin. La galerie devenue déserte parut alors un luxe inutile. Des bruits confus partaient des appartemens intérieurs, d'où sortaient et rentraient sans cesse les pages et les esclaves.

61. Ici la voix de la femme n'est jamais entendue. Retirée à part, voilée, surveillée, il lui est à peine permis de faire un pas. Elle ne donne qu'à un seul homme sa personne et son cœur. Apprivoisée dans sa cage, cet oiseau inconstant ne désire point en sortir. Elle n'est point malheureuse de l'amour de son maître, et elle se complait dans les soins délicieux d'une mère. Soins pleins de félicité! bien au-dessus de tous les autres sentimens! Elle élève elle-même avec tendresse l'enfant qu'elle a conçu, et ne l'éloigne pas d'un sein qui n'est le partage d'aucune basse passion.

62. Dans un pavillon pavé de marbre, au centre duquel on voyait s'élever une source d'eau vive, dont les jets bouillonnans répandaient une naturelle fraîcheur, Ali reposait sur des coussins voluptueux qui invitaient au repos. C'est un homme de guerre et de crimes. Cependant vous ne pouvez distinguer dans ses traits vénérables, où la douceur se mêle à l'expression de la bienveillance, tout ce qu'ils cachent de cruel et de sanguinaire.

63. Ce n'est pas que sa blanche et longue barbe s'allie mal avec les passions qui appartiennent à la jeunesse; l'amour est aussi le partage de la vieillesse. – Hafiz l'a démontré. Le vieillard de Téos chanta souvent l'amour. – Mais les crimes qui dédaignent la tendre voix de la pitié; les crimes qui rendent tous les hommes odieux, surtout l'homme avancé en âge, ont marqué Ali de la férocité du tigre. Le sang appelle le sang, et ceux qui ont commencé par le sang leur carrière mortelle la finiront par des actes plus sanguinaires encore.

64. Là, au milieu des objets les plus nouveaux pour l'œil et pour l'oreille, notre pélerin se reposa de ses fatigues en contemplant toute la pompe du luxe musulman. Il se dégoûta bientôt de ce spacieux séjour de richesse et de volupté, retraite choisie de la grandeur rassasiée qui fuit le bruit de la ville. Avec moins de pompe et d'éclat, cette retraite aurait eu des charmes; mais la tranquillité abhorre les joies factices; et le plaisir, mêlé à la pompe, détruit le charme de tous les deux.

65. Ils sont farouches les enfans de l'Albanie; cependant ils ne manquent pas de vertus, tant sauvages soient-elles. Où est l'ennemi qui leur a jamais vu tourner le dos? Qui pourrait aussi bien endurer les fatigues de la guerre? Leur bravoure naturelle n'est jamais plus calme que dans les tems de péril et de détresse. Leur amitié est aussi sûre, que leurs ressentimens sont terribles. Quand la reconnaissance ou la valeur les appellent à répandre leur sang; intrépides, ils se précipitent partout où il plaît à leur chef de les conduire.

66. Childe Harold les vit dans la citadelle de leur capitaine, accourant en foule pour aller aux combats chercher des succès et de la gloire. Il les revit ensuite, lorsque, tombé en leur pouvoir, il devint lui-même la victime d'un malheur passager. Dans ces momens d'infortune où les hommes pervers sont plus cruels, ces Albanais lui offrirent un asile sous leur toit protecteur. Des hommes moins barbares auraient eu moins de générosité, et des compatriotes se seraient tenus à l'écart59. Dans les événemens qui éprouvent le cœur des hommes, combien peu restent fidèles à l'infortune!

67. Il arriva qu'un jour des vents contraires poussèrent son esquif sur la côte dangereuse des rochers de Souli, au milieu des ténèbres et de la solitude désolée de la nuit. Il était périlleux d'aborder; il l'était plus encore de rester sur les flots. Les matelots cependant hésitèrent quelques tems, craignant de se confier à une terre, peut-être inhospitalière, où la trahison pouvait les attendre. Ils s'aventurèrent enfin de mettre à la côte, quoique doutant si ces hommes, qui haïssent également le chrétien et le turc, ne renouvelleraient pas pour eux leurs anciens actes de barbarie60.

68. Crainte vaine! les Souliotes leur tendirent une main amie, les conduisirent à travers les récifs, et les firent éviter de dangereux marécages. Quoique moins grâcieux, ils furent plus humains que des esclaves policés; ils se livrèrent aux inspirations du cœur, séchèrent les vêtemens mouillés de leurs nouveaux hôtes, rallumèrent la lampe joyeuse, remplirent la coupe et leur offrirent leurs alimens. Ces alimens étaient grossiers; mais c'était tout ce qu'ils possédaient. Une telle conduite porte la rare empreinte de la philanthropie. – Faire reposer le voyageur fatigué, adoucir la tristesse de l'affligé est une leçon pour les hommes heureux, et doit faire rougir les méchans.

69. Il arriva que lorsque Harold voulut enfin quitter ces montagnes, une troupe de brigands infestait les chemins, et répandait partout les ravages du fer et de la flamme. Il prit en conséquence une escorte fidèle pour traverser la vaste et sauvage forêt de l'Acarnanie. Cette escorte était bien disposée contre des attaques imprévues, et endurcie aux fatigues. Il ne s'en sépara que lorsqu'il fut arrivé sur les bords du large et limpide Achéloüs, et que de là il eut aperçu les collines de l'Étolie.

70. Là, où l'Utraikey solitaire forme son bassin arrondi, dans lequel les flots fatigués se retirent pour réfléchir en repos l'éclat des astres nocturnes, le feuillage des arbres de la verte colline se rembrunit en se balançant à l'heure de minuit sur le sein de la baie silencieuse, pendant que les brises arrivent de l'ouest en poussant de légers murmures, et en caressant la surface azurée de l'onde qu'ils rident à peine. C'est dans ces lieux qu'Harold reçut un bienveillant accueil; il ne vit pas sans émotion cette scène charmante, car il trouvait dans la douce présence de la nuit une foule d'innocens plaisirs.

71. Les feux nocturnes étincelaient sur le rivage. Les divertissemens du jour étaient terminés; la coupe remplie d'un vin rouge circulait au loin61, et Harold qui se trouva inopinément au milieu des convives, s'arrêta frappé d'un muet étonnement. Avant que l'heure silencieuse de minuit fût passée, les amusemens natifs de la foule commencèrent. Chaque palikare62 déposa son sabre, et la main dans la main, homme avec homme, bondissant de joie, le clan à demi nu, se livra à la danse en faisant entendre des chants sauvages.

72. Childe Harold se tint à quelque distance, et cette espèce de débauche sauvage qu'il voyait ne lui déplut pas, car il ne haïssait point des gaîtés innocentes, quoiqu'un peu grossières. Au résumé, ce n'était point un spectacle commun de voir les jeux barbares, mais décens, de ces palikares; la flamme des feux nocturnes, passant sur leurs visages, faisait ressortir l'éclat rapide de leurs yeux noirs, l'agilité de leur mouvemens, leurs longues boucles de cheveux qui flottaient naturellement jusqu'à leur ceinture, tandis qu'ils fesaient entendre de concert ce chant moitié chanté, moitié crié63.

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