15 ont décrit des masses de roche corallienne soulevées sur la plus grande partie de la circonférence de l'île. Entre Tamarin Bay et Great Black River j'ai observé avec le capitaine Lloyd deux monticules de roche corallienne, dont la partie inférieure est formée de grès calcareux dur, et la partie supérieure, de grands blocs à peine agrégés, constitués par des Astrées, des Madrépores et des fragments de basalte; ils étaient disposés en bancs plongeant vers la mer sous un angle qui dans un cas était de 8 et dans un autre de 18°; ils semblaient avoir été exposés à l'action des vagues, et ils s'élevaient brusquement à la hauteur d'environ 20 pieds, d'une surface unie jonchée de débris organiques roulés. L'Officier du Roi a décrit dans son intéressant voyage autour de l'île, en 1768, des masses de roches coralliennes soulevées, conservant encore cette structure en forme de fossé (V. mon ouvrage sur les récifs coralliens, p. 54) caractéristique pour les récifs vivants. J'ai observé sur la côte, au nord de Port-Louis, que la lave était cachée, sur une distance considérable dans la direction du centre de l'île, par un conglomérat de coraux et de coquilles, semblables à ceux de la plage, mais cimentés par une matière ferrugineuse rouge. M. Bory de Saint-Vincent a décrit des lits calcareux semblables s'étendant sur la plaine de Pamplemousses presque tout entière. En retournant de grandes pierres qui gisaient dans le lit d'une rivière, à l'extrémité d'une crique abritée, près de Port-Louis et à quelques yards au-dessus du niveau des fortes marées, j'ai trouvé plusieurs coquilles de serpules encore adhérentes à la face inférieure de ces pierres.
Les montagnes dentelées voisines de Port-Louis s'élèvent à la hauteur de 2 à 3.000 pieds; elles sont constituées par des couches de basalte, séparées les unes des autres, d'une manière peu nette, par des bancs de matières fragmentaires fortement agrégés, et elles sont coupées par quelques dikes verticaux. Ce basalte, généralement compact, abonde dans certaines parties en grands cristaux d'augite et d'olivine. L'intérieur de l'île est une plaine, élevée probablement d'environ 1.000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et formée par des nappes de lave qui se sont répandues autour des montagnes basaltiques ravinées et ont comblé les vallées qui les séparent. Ces laves plus récentes sont également basaltiques, mais moins compactes, et un certain nombre d'entre elles abondent en feldspath au point qu'elles fondent en un verre de couleur pâle. Sur les bords de Great River on peut voir une coupe d'environ 500 pieds de hauteur, qui met à découvert de nombreuses nappes minces de lave basaltique séparées les unes des autres par des lits de scories. Ces laves paraissent d'origine subaérienne et semblent s'être écoulées de divers points d'éruption situés sur le plateau central, dont le plus important est, dit-on, le Piton du Milieu. Il y a aussi plusieurs cônes volcaniques qui sont probablement de cette même période moderne, répartis sur le pourtour de l'île, spécialement à l'extrémité septentrionale, où ils forment des îlots séparés.
L'ossature principale de l'île est formée par les montagnes de basalte plus compact et plus riche en cristaux. M. Bailly16 affirme que toutes ces montagnes «se développent autour d'elle comme une ceinture d'immenses remparts, toutes affectant une pente plus ou moins inclinée vers le rivage de la mer, tandis que, au contraire, vers le centre de l'île elles présentent une coupe abrupte et souvent taillée à pic. Toutes ces montagnes sont formées de couches parallèles inclinées du centre de l'île vers la mer». Ces observations ont été discutées d'une manière générale par M. Quoy, dans le Voyage de Freycinet. J'ai constaté leur parfaite exactitude pour autant que les moyens d'observation insuffisants dont je disposais m'aient permis de le faire17. Les montagnes que j'ai visitées dans le nord-ouest de l'île, notamment La Pouce, Peter Botts, Corps de Garde, Les Mamelles, et probablement une autre encore située plus au sud, offrent précisément la forme externe et la disposition des couches décrites par M. Bailly. Elles constituent le quart environ de sa ceinture de remparts. Quoique ces montagnes soient aujourd'hui isolées, et séparées les unes des autres par des brèches, dont la largeur atteint même plusieurs milles, au travers desquelles se sont répandus des déluges de lave partis de l'intérieur de l'île, pourtant en voyant les grandes analogies qu'elles présentent, on reste convaincu qu'elles ont fait partie, à l'origine, d'une seule masse continue. A en juger d'après la belle carte de l'île Maurice publiée par l'Amirauté d'après un manuscrit français, il existe à l'autre extrémité de l'île une chaîne de montagnes (M. Bambou) correspondant comme hauteur, position relative et forme extérieure, à celle que je viens de décrire. Il est douteux que la ceinture ait jamais été complète, mais on peut conclure avec certitude de ce qu'avance M. Bailly et de mes propres observations, qu'à une certaine époque des montagnes, formées de couches inclinées vers l'extérieur et présentant vers l'intérieur des flancs à pic, s'étendaient sur une grande partie de la circonférence de l'île. La ceinture semble avoir été ovale et de très grandes dimensions, car son petit axe, mesuré entre la partie interne des montagnes voisines de Port-Louis et celles des environs de Grand-Port, n'a pas moins de 13 milles géographiques de longueur. M. Bailly ne craint pas d'admettre que ce vaste golfe, comblé ultérieurement en grande partie par des coulées de lave modernes, a été formé par l'affaissement de toute la partie supérieure d'un grand volcan.
Il est singulier de voir sous combien de rapports concorde l'histoire géologique de ces parties des îles San Thiago et Maurice que j'ai visitées. Dans les deux îles la ligne des côtes est suivie par une chaîne courbe de montagnes présentant la même forme extérieure, la même stratification et la même composition (tout au moins en ce qui concerne les couches supérieures). Dans les deux cas ces montagnes semblent avoir fait partie, à l'origine, d'une masse continue. Si on compare la structure compacte et cristalline des couches de basalte qui les constituent avec celle des coulées basaltiques voisines, de formation subaérienne, on est conduit à admettre que les premières se sont étalées en nappes sur le fond de la mer et qu'elles ont été émergées ensuite. Nous pouvons supposer que les larges brèches entre les montagnes ont été, dans les deux cas, ouvertes par l'action des vagues, pendant leur soulèvement graduel, phénomène qui a continué à se produire encore à une période relativement récente, dans chacune de ces îles, ainsi que le montrent des preuves évidentes qu'on peut constater sur leurs rivages. Dans ces deux îles, de grandes coulées de laves basaltiques plus récentes, émises du centre de l'île, se sont étalées autour des anciennes collines basaltiques et ont comblé les vallées qui les séparaient; en outre, des cônes d'éruptions récentes ont surgi sporadiquement sur le pourtour des deux îles; enfin, pas plus à San Thiago qu'à Maurice on ne constate d'éruption durant la période historique. Comme on l'a fait remarquer dans le dernier chapitre, il est probable que ces anciennes montagnes basaltiques, qui ressemblent, à bien des égards, à la partie inférieure ruinée de deux énormes volcans, doivent leur forme actuelle, leur structure et leur position à l'action de causes semblables.
Rochers de Saint-Paul. – Cette petite île est située dans l'océan Atlantique, à 1° environ, au nord de l'Équateur, et à 540 milles de l'Amérique du Sud, par 29°15' de longitude ouest. Son point culminant ne s'élève qu'à 50 pieds à peine au-dessus du niveau de la mer; ses contours sont irréguliers, et sa circonférence entière ne mesure que trois quarts de mille. Cette petite pointe rocheuse s'élève à pic dans l'Océan; et, sauf sur sa côte ouest, les sondages qu'on a opérés n'ont pas atteint le fond, même à la faible distance d'un quart de mille du rivage. Elle n'est pas d'origine volcanique, et à cause de ce fait, qui est le plus saillant de son histoire comme nous le verrons plus loin, il n'y aurait pas lieu d'en traiter dans cet ouvrage. Cette île est formée de roches qui diffèrent de toutes celles que j'ai rencontrées, et je ne saurais les caractériser par aucun nom; je dois donc les décrire.
La variété la plus simple, et qui est aussi l'une des plus abondantes, est une roche très compacte, lourde, d'un noir verdâtre, à cassure anguleuse et irrégulière; certaines arêtes sont assez dures pour rayer le verre, et la roche est infusible. Cette variété passe à d'autres d'un vert plus pâle, moins dures, mais dont la cassure est plus cristalline, translucides sur les bords et qui sont fusibles en un émail vert. Plusieurs variétés sont caractérisées principalement par le fait qu'elles contiennent d'innombrables filaments de serpentine vert sombre, et que leurs interstices sont remplis par une matière calcaire. Ces roches ont une structure concrétionnée peu visible, et sont remplies de pseudo-fragments anguleux de coloration variée. Ces pseudo-fragments anguleux sont formés par la roche vert sombre décrite en premier lieu, par une variété brune, plus tendre, de serpentine et par une roche jaunâtre, rude au toucher, et qui doit probablement être rapportée à une roche serpentineuse. Il y a encore dans l'île d'autres roches, tendres, vésiculaires et de nature calcaréo-ferrugineuse. On n'observe pas de stratification bien distincte, mais une partie des roches est imparfaitement laminaire, et tout l'ensemble est veiné par des filons de diverses dimensions et des masses ressemblant à des veines, dont quelques-unes, qui sont calcaires et renferment de petits fragments de coquilles, sont incontestablement d'origine postérieure aux autres.
Incrustation luisante. – Une grande partie de ces roches sont revêtues d'une substance polie et luisante, à éclat perlé, blanc-grisâtre; cet enduit suit toutes les irrégularités de la surface à laquelle il adhère fortement. En examinant cette substance à la loupe, on reconnaît qu'elle est formée d'un grand nombre de couches excessivement minces, dont l'épaisseur totale atteint environ un dixième de pouce. Cette matière est beaucoup plus dure que le spath calcaire, mais elle peut être rayée au couteau. Au chalumeau elle s'exfolie, décrépite, noircit légèrement, émet une odeur fétide et devient fortement alcaline; elle ne fait pas effervescence aux acides18. Je suppose que cette substance a été déposée par l'eau qui filtre au travers des excréments d'oiseaux dont les rochers sont couverts. J'ai observé à l'île de l'Ascension des masses stalactitiques irrégulières paraissant être de la même nature, près d'une cavité de la roche qui était remplie d'une masse lamelleuse formée de fiente d'oiseaux amenée là par l'infiltration. Lorsqu'on les casse, ces masses offrent une texture terreuse, mais, à la partie externe et surtout à leur extrémité, elles sont formées d'une substance perlée, ordinairement disposée en petits globules, ressemblant à l'émail des dents, mais plus fortement translucide, et assez dure pour rayer le verre. Cette substance noircit légèrement au chalumeau, dégage une odeur désagréable, devient ensuite absolument blanche en se boursouflant un peu, et fond en un émail blanc terne; elle ne devient pas alcaline et ne fait pas effervescence aux acides. Toute la masse offre un aspect ridé, comme si elle s'était fortement contractée lors de la formation de la croûte dure et luisante. Aux îles Abrolhos sur la côte du Brésil, où le guano abonde, j'ai trouvé, en grande quantité, une substance brune, arborescente, adhérant à une roche trappéenne. Cette substance ressemble beaucoup, sous sa forme arborescente, à quelques-unes des variétés ramifiées de Nullipores. Elle présente, au chalumeau, les mêmes caractères que les spécimens provenant de l'Ascension; mais elle est moins dure et moins brillante, et sa surface n'a pas l'aspect ridé.
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