Signal-Post Hill. – Nous avons déjà parlé de cette colline à diverses reprises, notamment lorsque nous avons signalé la manière remarquable dont la couche calcaire blanche, en d'autres points parfaitement horizontale, plonge dans la mer sous la colline (figure 2). Son sommet est large et offre des traces peu nettes de structure cratériforme; il est formé de roches basaltiques9, compactes ou celluleuses, avec des bancs inclinés de scories incohérentes dont quelques-uns sont associés à du calcaire terreux. Comme Red Hill, cette colline a été le foyer d'éruptions postérieures au soulèvement de la plaine basaltique environnante; mais, contrairement à la première colline, elle a subi des dénudations importantes et a été le siège d'actions volcaniques à une période très reculée, quand elle était encore sous-marine. Pour établir ce point, je me base sur l'existence des derniers vestiges de trois petits centres d'éruption que j'ai découverts sur le flanc qui regarde l'intérieur des terres. Ils sont formés de scories luisantes cimentées par du spath calcaire cristallin, exactement comme le grand dépôt calcaire sous-marin, aux endroits où la lave, encore à haute température, s'est étalée; leur aspect ruiniforme ne peut être expliqué, je pense, que par l'action dénudatrice des vagues de la mer. Ce qui m'a mené au premier orifice, c'est que j'ai observé une couche de lave de 200 yards carrés environ, à bords abrupts, étalée sur la plaine basaltique sans qu'il y eût à proximité quelque monticule d'où elle aurait pu être éjaculée; et le seul vestige d'un cratère que je sois parvenu à découvrir consistait en quelques bancs obliques de scories, à l'une de ses extrémités. A 50 yards d'un second amas de lave à sommet plat comme le premier, mais beaucoup plus petit, je découvris un groupe circulaire irrégulier de plusieurs masses d'une brèche formée de scories cimentées, hautes d'environ 6 pieds, et qui sans doute ont constitué autrefois le centre d'éruption. Le troisième orifice n'est plus indiqué aujourd'hui que par un cercle irrégulier de scories cimentées, de 4 yards de diamètre environ, et ne s'élevant, en son point culminant, qu'à 3 pieds à peine au-dessus du niveau de la plaine, dont la surface présente son aspect habituel et n'offre aucune solution de continuité aux environs; nous avons ici une section horizontale de la base d'un orifice volcanique qui a été presque entièrement rasé avec toutes les matières éjaculées.
A en juger par sa direction, la coulée de lave qui comble la gorge étroite10 située à l'est de la ville de Praya, paraît être descendue de Signal-Post Hill, comme nous l'avons fait remarquer plus haut, et s'être répandue sur la plaine après que celle-ci eut été soulevée; la même observation s'applique à une coulée (qui n'est peut-être qu'une portion de la première) recouvrant les rochers du rivage, à peu de distance à l'est de la gorge. Lorsque je m'efforçai de suivre ces coulées sur la surface rocheuse de la plaine presque entièrement privée de terre arable et de végétation, je fus fort surpris de constater que toute trace distincte de ces coulées disparaissait bientôt complètement, quoiqu'elles soient constituées par une matière basaltique dure et qu'elles n'aient pas été exposées à l'action dénudatrice de la mer. Mais j'ai observé depuis, à l'archipel des Galapagos, qu'il est souvent impossible de suivre des coulées de laves même très récentes et de très grande dimension, au travers de coulées plus anciennes, si ce n'est en se guidant sur la dimension des buissons qui les recouvrent, ou en comparant l'état plus ou moins luisant de leur surface, – caractères qu'un laps de temps fort court suffit à effacer entièrement. Je dois faire remarquer que dans une région à surface unie, à climat sec, et où le vent souffle toujours dans la même direction (comme à l'archipel du Cap Vert), les effets de dégradation dus à l'action atmosphérique sont probablement beaucoup plus considérables qu'on ne le supposerait, car dans ce cas le sol meuble s'accumule uniquement dans quelques dépressions protégées contre le vent, et étant toujours poussé dans une même direction, il chemine constamment vers la mer sous forme d'une poussière fine, laissant la surface des rochers découverte et exposée sans défense à l'action continue des agents atmosphériques.
Collines de l'intérieur de l'île constituées par des roches volcaniques plus anciennes. – Ces collines sont reportées approximativement sur la carte et marquées des lettres A, B, C, etc. Leur constitution minéralogique les rapproche des roches inférieures visibles sur la côte, et elles sont probablement en continuité directe avec ces dernières. Vues de loin, ces collines semblent avoir fait partie autrefois d'un plateau irrégulier, ce qui paraît probable en raison de l'uniformité de leur structure et de leur composition. Leur sommet est plat, légèrement incliné et elles ont, en moyenne, environ 600 pieds de hauteur. Leur versant le plus abrupt est dirigé vers l'intérieur de l'île, point d'où elles rayonnent vers l'extérieur, et elles sont séparées l'une de l'autre par des vallées larges et profondes, au travers desquelles sont descendues de grandes coulées de lave qui ont formé les plaines du rivage. Leurs flancs tournés vers l'intérieur de l'île et qui sont les plus abrupts, comme nous venons de le dire, dessinent une courbe irrégulière à peu près parallèle à la ligne du rivage, dont elle est éloignée de 2 ou 3 milles vers l'intérieur. J'ai gravi quelques-unes de ces collines et, grâce à l'amabilité de M. Kent, chirurgien-adjoint du Beagle, j'ai obtenu des spécimens provenant de celles des autres collines que j'ai pu apercevoir à l'aide d'une longue-vue. Quoiqu'il ne m'ait été possible d'étudier, à l'aide de ces divers éléments, qu'une partie de la chaîne, 5 à 6 milles seulement, je n'hésite pas à affirmer, d'après l'uniformité de structure de ces collines, qu'elles appartiennent à une grande formation s'étendant sur la majeure partie de la circonférence de l'île.
Les couches supérieures de ces collines diffèrent considérablement des couches inférieures par leur composition. Les couches supérieures sont basaltiques, généralement compactes, mais parfois scoriacées et amygdaloïdes, et sont associées à des masses de wacke. Là où le basalte est compact, il est tantôt finement grenu et tantôt très grossièrement cristallin; dans ce dernier cas il passe à une roche augitique renfermant beaucoup d'olivine; celle-ci est incolore ou présente les teintes ordinaires: jaune et rougeâtre terne. Sur certaines collines, les couches basaltiques sont associées à des bancs d'une matière calcaire, terreuse ou cristalline, englobant des fragments de scories vitreuses. Les couches dont nous parlons en ce moment ne diffèrent des coulées de lave basaltique qui constituent la plaine côtière que par une plus grande compacité, par la présence de cristaux d'augite et par les dimensions plus fortes des grains d'olivine; – caractères qui, joints à l'aspect des bancs calcaires associés avec ces couches, me portent à croire qu'elles sont de formation sous-marine.
Quelques masses importantes de wacke sont fort curieuses. Les unes sont associées à ces couches basaltiques, les autres se montrent sur la côte, et spécialement à Quail-island où elles constituent les assises inférieures. Ces roches consistent en une substance argileuse d'un vert-jaunâtre pâle, à structure arénacée lorsqu'elle est sèche, mais onctueuse quand elle est humide; dans son état de plus grande pureté, elle est d'une belle teinte verte, translucide sur les bords, et présente accidentellement des traces vagues d'un clivage originel. Elle se fond très facilement au chalumeau en un globule gris-sombre, parfois même noir, légèrement magnétique. Ces caractères m'ont conduit naturellement à croire que cette matière était un produit de décomposition d'un pyroxène faiblement coloré; cette manière de voir est appuyée par le fait que la roche non altérée se montre pleine de grands cristaux isolés d'augite noire, ainsi que de sphères et de traînées d'une roche augitique gris foncé. Le basalte étant ordinairement formé d'augite et d'olivine souvent altérée et de couleur rouge sombre, je fus amené à examiner les phases de décomposition de ce dernier minéral, et je m'aperçus avec étonnement que je pouvais suivre une gradation presque parfaite entre l'olivine inaltérée et la wacke verte. Dans certains cas, des fragments provenant d'un même grain se comportaient au chalumeau comme de l'olivine, à part un léger changement de couleur, ou donnaient un globule magnétique noir. Je ne puis donc douter que la wacke verdâtre n'était à l'origine autre chose que de l'olivine, et que des modifications chimiques très profondes aient dû se produire au cours de la décomposition pour avoir pu transformer un minéral très dur, transparent, infusible, en une substance argileuse, tendre, onctueuse et facilement fusible11.
Les couches de la base de ces collines, ainsi que quelques monticules isolés, dénudés et de forme arrondie, sont constitués par des roches feldspathiques ferrugineuses compactes, finement grenues, non cristallines (ou dont la nature cristalline est à peine perceptible); ces roches sont généralement à demi décomposées. Leur cassure est extrêmement irrégulière et esquilleuse, et même les petits fragments sont souvent très résistants. Elles renferment une forte proportion de matière ferrugineuse, soit en petits grains à éclat métallique, soit en fibres capillaires brunes; en ce dernier cas, la roche prend une structure pseudo-bréchiforme. Ces roches renferment parfois du mica et des veines d'agate. Leur couleur brun de rouille ou jaunâtre est due partiellement aux oxydes de fer, mais surtout à d'innombrables taches microscopiques noires, qui fondent facilement lorsqu'on chauffe un fragment de roche, et sont évidemment formées de hornblende ou d'augite. Ces roches contiennent donc tous les éléments essentiels du trachyte, quoiqu'elles offrent, à première vue, l'aspect d'argile cuite ou de quelque dépôt sédimentaire modifié. Elles ne diffèrent du trachyte que parce qu'elles ne sont pas rudes au toucher et qu'elles ne renferment pas de cristaux de feldspath vitreux. Ainsi que le cas s'en présente si souvent pour les formations trachytiques, on ne voit ici aucune trace de stratification. On croirait difficilement que ces roches ont pu couler à l'état de laves; il existe pourtant à Sainte-Hélène des coulées bien caractérisées, dont la composition est presque identique à celle de ces roches, ainsi que je le montrerai dans un autre chapitre. J'ai rencontré en trois endroits, parmi les monticules constitués par ces roches, des collines coniques, à pentes douces, formées de phonolite contenant de nombreux cristaux de feldspath vitreux bien formés, et des aiguilles de hornblende. Je crois que ces cônes de phonolite ont le même rapport avec les couches feldspathiques environnantes, que certaines masses d'une roche augitique grossièrement cristallisée ont avec le basalte qui les entoure, dans une autre partie de l'île, c'est-à-dire que dans les deux cas ces roches ont été injectées. Les roches de nature feldspathique étant plus anciennes que les nappes basaltiques qui les recouvrent et que les coulées basaltiques de la plaine côtière, obéissent à l'ordre de succession habituel de ces deux grandes divisions de la série volcanique.
Ce n'est qu'à la partie supérieure des couches de la plupart de ces collines qu'on peut distinguer les plans de séparation; les couches s'inclinent faiblement du centre de l'île vers la côte. L'inclinaison n'est pas identique dans toutes les collines; elle est plus faible dans la colline marquée A que dans les collines B, D ou E; les couches de la colline C s'écartent à peine d'un plan horizontal; et celles de la colline F (pour autant que j'ai pu en juger sans la gravir) sont faiblement inclinées en sens inverse, c'est-à-dire vers l'intérieur et vers le centre de l'île. Malgré ces différences d'inclinaison, leur similitude de forme extérieure et de constitution tant au sommet qu'à la base, leur disposition en une ligne courbe en présentant le flanc le plus escarpé vers l'intérieur de l'île, tout semble prouver qu'elles faisaient originairement partie d'un plateau qui s'étendait probablement autour d'une grande partie de la circonférence de l'île, comme je l'ai fait remarquer plus haut. Les couches supérieures ont coulé bien certainement à l'état de lave, et se sont probablement étalées sous la mer, comme c'est aussi le cas pour les masses feldspathiques inférieures. Comment donc ces couches ont-elles été amenées à prendre leur position actuelle, et d'où ont-elles fait éruption?
Au centre de l'île il existe des montagnes élevées12, mais elles sont séparées du flanc escarpé intérieur de ces collines par une large étendue de pays de moindre altitude; d'ailleurs les montagnes de l'intérieur paraissent avoir été le centre d'éjaculation de grandes coulées de lave basaltique qui, se rétrécissant pour passer entre les pieds de ces collines, s'étalent ensuite sur la plaine côtière. Des roches basaltiques forment un cercle grossièrement dessiné autour des côtes de Sainte-Hélène, et à l'île Maurice on voit les restes d'un cercle semblable entourant tout au moins une partie de l'île, sinon l'île entière; la même question revient immédiatement se poser ici: comment ces masses ont-elles été amenées à prendre leur position actuelle et de quel centre éruptif proviennent-elles? Quelle que puisse être la réponse, elle s'applique probablement à ces trois cas. Nous reviendrons sur ce sujet dans un autre chapitre.
Vallées voisines de la côte. – Elles sont larges, très-plates et bordées ordinairement de falaises peu élevées. Certaines parties de la plaine basaltique sont parfois isolées par ces vallées, soit en partie, soit même complètement; l'espace où la ville de Praya est bâtie offre un exemple de ce fait. Le fond de la grande vallée qui s'étend à l'ouest de la ville est rempli, jusqu'à la profondeur de plus de 20 pieds, de galets bien arrondis, qui sont solidement cimentés, en certains endroits, par une matière calcaire blanche. La forme de ces vallées démontre à toute évidence qu'elles ont été creusées par les vagues de la mer, pendant la durée de ce soulèvement uniforme du pays attesté par le dépôt calcaire horizontal avec restes d'organismes marins actuels. En tenant compte de la conservation parfaite des coquilles contenues dans cette couche, il est étrange que je n'aie pu trouver un seul fragment de coquille dans le conglomérat qui occupe le fond des vallées. Dans la vallée qui se trouve à l'ouest de la ville, le lit de galets est coupé par une seconde vallée se greffant à la première sous forme d'affluent; mais cette dernière vallée même paraît beaucoup trop large et présente un fond beaucoup trop plat pour avoir été creusée par la petite quantité d'eau qui peut tomber pendant la saison humide, fort courte en cette contrée, car pendant le reste de l'année ces vallées sont absolument à sec.
Conglomérats récents. – J'ai trouvé sur les rivages de Quail-island des fragments de briques, des morceaux de fer, des galets et de grands fragments de basalte, unis en un conglomérat solide par un ciment peu abondant, formé d'une matière calcaire impure. Je puis dire, comme preuve de l'extrême solidité de ce conglomérat récent, que je me suis efforcé de dégager, à l'aide d'un lourd marteau de géologue, un gros morceau de fer enchâssé dans le banc un peu au-dessus de la laisse de basse mer, mais que j'ai été absolument incapable d'y parvenir.
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