Читать бесплатно книгу «Aristophane; Traduction nouvelle, tome second» Аристофана полностью онлайн — MyBook
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Comme je suis chez vous moi-même?

LE CHOEUR

Ea! Ea! Trahison! Sacrilège! Un ami, nourri avec nous des produits de nos campagnes, a violé nos antiques lois, violé les serments des oiseaux. Il m'a attiré dans un piège, il m'a jeté en proie à une race impie qui, depuis qu'elle existe, m'a déclaré la guerre. Nous aurons, plus tard, une explication avec cet oiseau; mais il faut commencer par le châtiment de ces deux vieillards et les mettre en pièces.

PISTHÉTÆROS

C'en est fait de nous!

EVELPIDÈS

C'est pourtant toi seul qui es la cause de tous les maux qui nous arrivent. Pourquoi m'as-tu amené ici?

PISTHÉTÆROS

Afin de t'avoir pour compagnon.

EVELPIDÈS

Pour me faire pleurer de grands malheurs.

PISTHÉTÆROS

En vérité, tu radotes absolument. Comment pleureras-tu donc, quand une fois tu auras les deux yeux arrachés?

LE CHOEUR

Io! Io! En avant, attaque, élance-toi sur l'ennemi, verse le sang, déploie tes ailes de toutes parts, enveloppe-le. Il faut qu'ils gémissent tous les deux et qu'ils servent de pâture à notre bec. Il n'y a ni montagne ombragée, ni nuage aérien, ni mer chenue, qui les dérobe à ma poursuite. Hâtons-nous de les plumer et de les déchirer. Où est le taxiarkhe? Qu'il lance l'aile droite!

EVELPIDÈS

Nous y voilà! Où fuirai-je, infortuné?

PISTHÉTÆROS

Eh! l'ami! Tu ne tiens pas bon?

EVELPIDÈS

Pour être écharpé par ce monde-là?

PISTHÉTÆROS

Et comment te figures-tu leur échapper?

EVELPIDÈS

Je ne sais pas trop comment.

PISTHÉTÆROS

Moi, je te dirai qu'il faut combattre de pied ferme et prendre les marmites.

EVELPIDÈS

A quoi ces marmites nous serviront-elles?

PISTHÉTÆROS

La chouette ne nous attaquera pas.

EVELPIDÈS

Mais ces oiseaux armés de serres crochues?

PISTHÉTÆROS

Empoigne la broche et brandis-la devant toi.

EVELPIDÈS

Et mes yeux?

PISTHÉTÆROS

Couvre-les avec ce vinaigrier ou avec ce plat.

EVELPIDÈS

O homme de génie, quelle bonne invention, quel stratagème! Tu l'emportes sur Nikias, en fait de machines.

LE CHOEUR

Eleleleu! En avant, bec baissé: pas de délai! tire, déchire, frappe, écorche, et casse d'abord la marmite.

LA HUPPE

Mais, dites-moi, vous les plus cruels de tous les animaux, pourquoi voulez-vous mettre à mal ces deux hommes qui ne vous ont rien fait, et déchirer des gens de la parenté et de la tribu de ma femme?

LE CHOEUR

Devons-nous les épargner plus que des loups? De quels autres plus grands ennemis tirerions-nous vengeance?

LA HUPPE

Mais s'ils sont vos ennemis de race, ils sont vos amis de coeur, et c'est pour vous donner un conseil utile qu'ils viennent vers vous.

LE CHOEUR

Quel conseil utile pourraient nous donner, quelle parole nous faire entendre, ceux qui furent les ennemis de nos pères?

LA HUPPE

Mais, certes, c'est de leurs ennemis que les sages apprennent le plus. La prudence sauve tout. D'un ami on n'a rien à apprendre; un ennemi vous y contraint. Et d'abord les cités ont appris de leurs ennemis, et non de leurs amis, à bâtir des murailles élevées, à construire des vaisseaux longs: et cette science sauve nos enfants, notre ménage, notre avoir.

LE CHOEUR

Eh bien! écoutons leurs paroles, c'est notre avis: nous y trouvons avantage; on peut entendre quelque sage conseil de la bouche même de ses ennemis.

PISTHÉTÆROS

Ils ont l'air de se relâcher de leur colère. Retire ta jambe en arrière.

LA HUPPE

C'est justice, et vous m'en devez de la reconnaissance.

LE CHOEUR

Non, jamais jusqu'ici, en aucune affaire, nous ne t'avons été opposés.

PISTHÉTÆROS

Plus pacifique est leur conduite envers nous. La marmite et les deux plats, pose-les à terre. La lance ou plutôt la broche en main, promenons-nous à l'intérieur du camp, l'oeil sur la marmite, et de près, car il ne faut pas fuir.

EVELPIDÈS

A merveille; mais, si nous mourons, en quel endroit de la terre serons-nous enterrés?

PISTHÉTÆROS

Le Kéramique nous recevra. Pour être enterrés aux frais de l'État, nous dirons aux stratèges que c'est en combattant contre les ennemis que nous sommes morts à Ornéæ.

LE CHOEUR

Que chacun reprenne son rang à la même place; déposez votre courage et votre colère, comme un hoplite, et informons-nous quelles sont ces gens, d'où ils viennent, et dans quelle intention. Ohé! la Huppe, je t'appelle.

LA HUPPE

Tu m'appelles, et que veux-tu savoir?

LE CHOEUR

Qui sont ces hommes? D'où viennent-ils?

LA HUPPE

Deux étrangers de la sage Hellas.

LE CHOEUR

Quelle aventure les a conduits chez les Oiseaux?

LA HUPPE

Le goût de notre genre de vie, le désir d'habiter et de rester toujours avec toi.

LE CHOEUR

Que dis-tu? Et quels sont leurs propos?

LA HUPPE

Incroyables, inouïs.

LE CHOEUR

Voient-ils quel avantage peut résulter de leur séjour auprès de moi, et qui les engage à demeurer ici pour avoir de quoi vaincre leur ennemi ou rendre service à leurs amis?

LA HUPPE

Ils parlent d'une grande félicité, indicible, incroyable; que tout est à toi ici, là, partout, et ils s'efforcent de le prouver.

LE CHOEUR

Sont-ils fous?

LA HUPPE

On ne peut dire combien ils sont sensés.

LE CHOEUR

Quoi! Ils ont leur bon sens?

LA HUPPE

Les plus fins renards: subtilité, astuce, rouerie, fleur de ruse de la tête aux pieds.

LE CHOEUR

Qu'ils me parlent, qu'ils me parlent, fais-les venir. Car d'entendre d'eux les choses que tu me dis, j'en ai des ailes au dos.

LA HUPPE

Allons, toi et toi, reprenez cette armure, et suspendez-la, avec espoir de la bonne chance, dans l'âtre, près de la crémaillère. Quant à toi, expose à ceux-ci les projets en vue desquels je les ai réunis, parle.

PISTHÉTÆROS

Non, par Apollôn! je n'en ferai rien, à moins qu'ils ne conviennent avec moi d'une convention pareille à celle que fit avec sa femme ce singe de fabricant d'épées, de ne point me mordre, de ne point m'arracher les testicules, de ne pas me fouiller…

LE CHOEUR

Le… Mais non, pas du tout.

PISTHÉTÆROS

Non, je veux dire les deux yeux.

LE CHOEUR

Je te le promets.

PISTHÉTÆROS

Jure-le-moi à l'instant.

LE CHOEUR

Je le jure, à condition que j'aurai les suffrages de tous les juges et de tous les spectateurs.

PISTHÉTÆROS

Convenu.

LE CHOEUR

Et, si je manque de parole, de ne l'emporter que d'une voix.

LE HÉRAUT

Écoutez, peuples! Que les hoplites reprennent leurs armes sur-le-champ, qu'ils retournent chez eux et qu'ils voient ce que nous aurons inscrit sur les tableaux.

LE CHOEUR

Rusé toujours et partout, tel est le caractère essentiel de l'homme. Parle-moi, cependant. Peut-être as-tu par devers toi quelque avis utile que tu négliges de me dire, ou quelque moyen d'étendre ma puissance, qui a échappé à mon manque de pénétration. Toi, dis-moi ce que tu veux faire dans notre intérêt mutuel; car si tu réussis à me procurer quelque avantage, le profit en sera commun. Et, d'abord, pour quel motif es-tu venu? quelle a été ton intention? Dis-le hardiment; nous ne romprons point la trêve avant de t'avoir entendu.

PISTHÉTÆROS

De par Zeus! j'en brûle d'envie: j'ai un discours en pâte, que rien ne m'empêche de pétrir. Esclave, apporte une couronne. De l'eau à verser sur les mains! Qu'on me l'apporte vite.

EVELPIDÈS

Est-ce que nous allons nous mettre à table, ou quelque chose comme cela?

PISTHÉTÆROS

Non, de par Zeus! mais j'essaie de dire quelque chose de grand, de succulent, qui remue l'âme de ceux qui sont là: tant je souffre pour vous qui, jadis, ayant été rois…

LA HUPPE

Nous, rois? Et de qui?

PISTHÉTÆROS

Vous! De tout ce qui existe; de moi, d'abord, de celui-ci et de Zeus lui-même; car vous êtes plus anciens et plus vieux que Kronos, que les Titans et que la Terre.

LA HUPPE

Que la Terre?

PISTHÉTÆROS

Oui, par Apollôn!

LA HUPPE

De par Zeus! je ne m'en doutais pas.

PISTHÉTÆROS

C'est que tu es un ignorant, un insouciant, et que tu n'as jamais feuilleté Æsopos, qui dit que l'alouette naquit avant tous les autres oiseaux, avant la Terre même; ensuite que son père mourut de maladie; que la Terre n'existait pas encore; qu'il resta cinq jours sans sépulture; et qu'elle, dans cet embarras, ensevelit son père dans sa tête.

EVELPIDÈS

Ainsi, le père de l'alouette est maintenant enseveli à Képhalè?

PISTHÉTÆROS

Eh bien! si les oiseaux ont précédé la Terre, précédé les dieux, leur ancienneté ne légitime-t-elle pas leur royauté?

EVELPIDÈS

Oui, par Apollôn! Il faut donc absolument que tu aiguises ton bec en vue de l'avenir.

LA HUPPE

Zeus ne se pressera pas de céder le sceptre au pivert.

PISTHÉTÆROS

Que ce ne soient pas les dieux, mais les oiseaux qui, jadis, aient régné sur les hommes, on en a beaucoup de preuves. Et tout d'abord je vous citerai le coq qui, le premier, a été chef et souverain de tous les Perses, avant Daréios et Mégabyzos: aussi l'appelle-t-on l'oiseau persan, à cause de cette antique souveraineté.

EVELPIDÈS

C'est donc pour cela qu'aujourd'hui même, il marche comme le Grand Roi, la tête couronnée, seul entre les oiseaux, de la tiare droite.

PISTHÉTÆROS

Il avait alors tant de vigueur, de grandeur et de puissance, qu'aujourd'hui encore, par un effet de son ancienne force, dès qu'il fait entendre son chant matinal, tous courent à l'ouvrage, forgerons, potiers, corroyeurs, cordonniers, baigneurs, boulangers, armuriers, tourneurs de lyres et de boucliers: ils se chaussent et vont au travail quand la nuit dure encore.

EVELPIDÈS

Tu peux m'interroger là-dessus. Il est cause que j'ai eu le malheur de perdre une læna en laine de Phrygia. Invité à un banquet qui se donnait à la ville pour le dixième jour après la naissance d'un enfant, je bois et je m'endors. Alors, avant que les autres se soient assis à table, le coq chante, et moi, croyant qu'il est jour, je sors pour me rendre à Alimos; bientôt, à peine me suis-je glissé hors des murs, qu'un voleur d'habits me frappe d'un coup de bâton dans le dos; je tombe, je veux crier, mais il m'avait subtilisé mon manteau.

PISTHÉTÆROS

Le milan était alors chef et roi des Hellènes.

LA HUPPE

Des Hellènes?

PISTHÉTÆROS

Et c'est lui qui, le premier, leur apprit, lorsqu'il était roi, à s'incliner devant les milans.

EVELPIDÈS

Par Dionysos! un jour que je m'étais incliné de la sorte en voyant un milan, je m'étendis, la bouche ouverte, et j'avalai une obole! Voilà comment je rapportai à la maison mon sac vide.

PISTHÉTÆROS

A leur tour, l'Ægyptos et la Phoenikè tout entière ont eu pour roi le coucou, et quand le coucou criait: «Coucou!» alors tous les Phoenikiens moissonnaient le blé et l'orge dans les champs.

EVELPIDÈS

Et de là sans doute le proverbe authentique: «Coucou! Les circoncis aux champs!»

PISTHÉTÆROS

Telle était la force de leur pouvoir, que, dans toutes les villes des Hellènes où il y avait un roi, Agamemnôn ou Ménélaos, un oiseau siégeait sur les sceptres, et partageait les présents offerts au prince.

EVELPIDÈS

Eh bien! j'ignorais cela, moi: aussi l'étonnement me prenait quand un Priamos paraissait, dans les tragédies, portant un oiseau qui se dressait pour observer si Lysikratès recevrait quelque présent.

PISTHÉTÆROS

Mais voici le plus fort de tout: Zeus, qui règne aujourd'hui, est représenté ayant un aigle sur la tête, en sa qualité de roi; sa fille porte une chouette, et Apollôn, comme serviteur, un épervier.

EVELPIDÈS

Par Dèmètèr! tu dis vrai. Pourquoi ont-ils ces attributs?

PISTHÉTÆROS

Afin que, dans les sacrifices, lorsqu'on dépose entre leurs mains, suivant le rit prescrit, les entrailles des victimes, les oiseaux en aient leur part, même avant Zeus. Pas un homme alors ne jurait par un dieu, mais tous juraient par les oiseaux. Lampôn, aujourd'hui même encore, jure par l'oie quand il fait quelque friponnerie, tellement tout le monde alors vous tenait pour grands et pour saints, tandis qu'on vous traite maintenant d'esclaves, de niais, de Manès; on vous jette des pierres comme à des fous, et, jusque dans les lieux sacrés, il n'y a pas un oiseleur qui ne vous tende lacets, pièges, gluaux, barreaux, réseaux, filets, rets. Une fois pris, ils vous vendent en masse: les acheteurs vous tâtent. Encore, s'ils se contentaient d'agir de la sorte, en vous faisant rôtir et servir, mais ils râpent du fromage, qu'ils mêlent à de l'huile, du silphion et du vinaigre, ils écrasent le tout où ils versent un assaisonnement doux et gras, puis ils vous arrosent de cette sauce bouillante ainsi que des charognes.

LE CHOEUR

Homme, tu viens de nous tenir un bien triste, bien triste langage. Combien je déplore la lâcheté de mes pères, qui ne m'ont pas transmis les honneurs légués par leurs ancêtres! Enfin la divinité et la bonne chance te font venir à moi comme un sauveur. Aussi je te confie mes petits et moi-même en toute sécurité. Mais que faut-il faire? Dis-le-nous maintenant: car la vie sera sans prix pour nous, si nous ne recouvrons pas, de quelque manière, notre souveraineté.

PISTHÉTÆROS

Et d'abord mon avis est qu'il y ait une ville des oiseaux, et que tout l'espace circulaire et intermédiaire soit clos de grosses briques cuites comme à Babylôn.

LA HUPPE

O Kébryôn! ô Porphyriôn! quel redoutable rempart!

PISTHÉTÆROS

Ensuite, quand le mur sera élevé, on redemandera l'empire à Zeus; et, s'il dit qu'il ne veut pas, s'il ne revient pas tout de suite sur sa décision, il faut lui déclarer la guerre sainte et défendre aux dieux de traverser, en vrais libertins, votre domaine, pour descendre coucher avec des Alkmènès, des Alopès, des Sémélès: s'ils y viennent, mettez le scellé sur leurs instruments de plaisir, afin qu'ils n'en aient plus la jouissance. Pour les hommes, je vous engage à leur dépêcher un autre oiseau, qui leur enjoigne de la part des oiseaux, rois du monde, de sacrifier désormais aux oiseaux et ensuite aux dieux, puis d'adjoindre convenablement à chaque divinité l'oiseau qui aura le plus de rapport avec elle. Sacrifie-t-on à Aphroditè, il faut offrir du froment à la piette. Si on offre une brebis à Poséidôn, il faut donner du froment au canard. Si l'on sacrifie à Hèraklès, il faut sacrifier à la mouette des gâteaux miellés. Si l'on immole un bélier à Zeus, roi des dieux, le roitelet, en sa qualité de roi des oiseaux, devra recevoir, avant Zeus même, le sacrifice d'un moucheron mâle.

EVELPIDÈS

Je suis ravi de ce sacrifice d'un moucheron. Qu'il tonne maintenant, le pauvre Zeus!

LA HUPPE

Mais comment les hommes nous prendront-ils pour des dieux, et non pour des geais, nous qui volons et qui avons des ailes?

PISTHÉTÆROS

Tu extravagues. Hé! de par Zeus! Hermès, tout dieu qu'il est, vole et porte des ailes, ainsi qu'un grand nombre d'autres dieux. Et d'abord la Victoire prend son vol avec des ailes d'or; et, de par Zeus! l'Amour en fait autant. Et Homèros prétend qu'Iris ressemble à une timide colombe.

LA HUPPE

Et Zeus tonnant ne lance-t-il pas sur nous la foudre ailée?

PISTHÉTÆROS

Si donc les hommes, par ignorance, vous comptent pour rien et ne croient qu'aux dieux de l'Olympos, il faut alors lancer une nuée de moineaux et d'oiseaux granivores qui pillent toutes les semences de leurs campagnes, et que Dèmètèr leur mesure le froment, quand ils seront dans la misère.

EVELPIDÈS

Elle ne voudra pas, de par Zeus! mais tu la verras alléguer des prétextes.

PISTHÉTÆROS

En outre, que les corbeaux fondant sur les attelages qui labourent la terre, et sur les troupeaux, leur crèvent les yeux, en manière de preuve, et qu'ensuite le médecin Apollôn les guérisse; on le paie pour cela.

EVELPIDÈS

Oh! non, pas avant que j'aie vendu mes deux petits boeufs.

PISTHÉTÆROS

Mais si les hommes vous regardent toi comme dieu, toi comme la vie, toi comme la Terre, toi comme Kronos, toi comme Poséidôn, tous les biens leur arriveront.

LA HUPPE

De ces biens dis-m'en un seul.

PISTHÉTÆROS

Premièrement les sauterelles ne rongeront plus les vignes en fleurs: un bataillon de chouettes et de crécerelles les dévorera. Les moucherons et les kinips ne mangeront plus les figues: tout cela sera nettoyé par une troupe de grives.

LA HUPPE

Et pour les enrichir, que ferons-nous? Car chez eux c'est une passion violente.

PISTHÉTÆROS

A ceux qui vous consulteront, on donnera les meilleures mines; on indiquera au devin les marchés avantageux, et il ne périra plus un seul marin.

LA HUPPE

Comment n'en périra-t-il plus?

PISTHÉTÆROS

Toujours l'oiseau, consulté sur la navigation, répondra: «Aujourd'hui, ne mets pas à la voile, il y aura tempête. Aujourd'hui, mets à la voile, il y aura profit.»

EVELPIDÈS

J'achète un bateau et je navigue: je ne veux plus rester chez vous.

PISTHÉTÆROS

Ils indiqueront aux hommes les trésors enfouis par leurs pères; ils savent où est l'argent. Aussi dit-on partout: «Personne ne sait où gît mon trésor, si ce n'est peut-être quelque oiseau.»

EVELPIDÈS

Je frète un bateau, j'achète une pioche, et je déterre les vases pleins d'or.

LA HUPPE

Mais comment leur donner la santé, qui est chez les dieux?

PISTHÉTÆROS

S'ils sont heureux, n'est-ce pas la meilleure santé? Sache-le, un homme malheureux ne se porte jamais bien.

LA HUPPE

Comment parviendront-ils à la vieillesse? car elle est aussi dans l'Olympos; ou faudra-t-il qu'ils meurent enfants?

PISTHÉTÆROS

Mais, par Zeus! les oiseaux ajouteront trois cents ans à leur vie.

LA HUPPE

Pris sur qui?

PISTHÉTÆROS

Sur qui? Sur eux-mêmes. Ne sais-tu pas que la corneille babillarde vit cinq âges d'hommes?

EVELPIDÈS

Ah! ah! Comme voilà pour nous de bien meilleurs rois que Zeus!

PISTHÉTÆROS

Bien meilleurs, n'est-ce pas? Et d'abord nous n'avons pas besoin de leur bâtir des temples de marbre, ni de les fermer avec des portes d'or: ils habiteront sous l'épaisseur des bois, sous les yeuses; puis les vénérables parmi les oiseaux auront pour temple un olivier. Sans aller à Delphoe ou auprès d'Ammôn, nous leur offrirons ici des sacrifices. Debout parmi les arbousiers et les oliviers sauvages, nous leur présenterons une poignée d'orge ou de blé et nous les prierons, les mains étendues, de nous donner une part de leurs biens, et nous les aurons aussitôt en échange de quelques grains de froment.

LE CHOEUR

O vieillard, qui m'es devenu si cher, après m'avoir été si odieux, il n'est plus possible que je m'écarte désormais volontairement de tes avis. Confiant dans tes paroles, j'ai menacé, j'ai juré que si, lié avec moi par des promesses loyales, sincères, sacrées, tu marches contre les dieux, unis toi et moi par la même pensée, les dieux n'useront pas longtemps le sceptre qui est à moi. Oui, tout ce qu'il faut exécuter par la force, nous nous en chargeons; tout ce qui dépend du conseil et de la délibération repose sur toi.

LA HUPPE

Non, de par Zeus! ce n'est plus pour nous le moment de sommeiller, ni de temporiser à la façon de Nikias; mais il faut agir au plus vite. Et d'abord entrez dans mon nid, sur ma paille, sur les feuilles sèches que voici, et dites-moi votre nom.

PISTHÉTÆROS

C'est chose facile: mon nom est Pisthétæros.

LA HUPPE

Et lui?

EVELPIDÈS

Evelpidès, du dême de Krios.

LA HUPPE

Bonne chance à tous les deux!

PISTHÉTÆROS

Nous acceptons l'augure.

LA HUPPE

Entrez donc.

PISTHÉTÆROS

Allons. Toi, sers-nous de guide.

LA HUPPE

Allez.

PISTHÉTÆROS

Hé! hé! l'ami! reviens vite sur tes pas. Voyons, voyons, dis-nous un peu. Comment, moi et mon compagnon, vivrons-nous avec vous la gent ailée, étant tous deux sans ailes?

LA HUPPE

Facilement.

PISTHÉTÆROS

Vois maintenant comme dans les fables æsopiques il est dit que le renard fit un jour imprudemment société avec l'aigle.

LA HUPPE

Ne crains rien. Vous mangerez d'une certaine racine qui vous donnera des ailes à tous les deux.

PISTHÉTÆROS

Entrons donc. Tiens, Xanthias et toi, Manodoros, prenez notre bagage.

LE CHOEUR
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