Malz était un écrivain local qui avait su peindre des types de Francfort avec un humour amusant, vif, bien que peu profond, dans de petitescomédies légèrement esquissées, écrites en patois.
En effet, Gemma lisait fort bien, en vraie comédienne. Elle nuançaitchaque rôle et savait à merveille soutenir le caractère des personnages; elle avait hérité avec le sang italien la mimique expressive de cepeuple. Elle n'épargnait ni sa voix douce, ni la plasticité de sonvisage; quand elle devait représenter une vieille folle ou unbourgmestre imbécile, elle faisait les grimaces les plus grotesques, bridait ses yeux, retroussait ses narines, prenait une voix glapissante, grasseyait…
Elle ne riait pas en lisant, mais quand ses auditeurs – à l'exception dePantaleone, qui était sorti de la chambre dès qu'il avait été questionde lire l'œuvre d'o quel ferroflucto Tedesco– l'interrompaient par uneexplosion de rire, elle laissait glisser le livre sur ses genoux, et latête rejetée en arrière se livrait à des éclats de rire sonores quisecouaient les anneaux mœlleux de ses boucles sur son cou et sesépaules.
Dès que l'hilarité de son auditoire s'était calmée, elle reprenait sonlivre, et redevenue sérieuse recommençait sa lecture.
Sanine ne pouvait se rassasier d'admirer la lectrice, se demandantcomment ce visage si idéalement beau pouvait sans transition prendre uneexpression si comique et parfois presque triviale.
Gemma réussissait beaucoup moins bien à rendre les rôles de jeunesfilles, les «jeunes premières», et surtout elle manquait les scènesd'amour; elle-même sentait son insuffisance et leur donnait une légèreteinte de moquerie, comme si elle ne croyait pas à tous ces sermentsenthousiastes, à toutes ces paroles enflammées, dont l'auteur, du reste,s'abstenait le plus possible.
La soirée passa si vite, que Sanine ne se souvint qu'il devait partir cesoir-là que lorsque la pendule sonna dix heures…
Il bondit de sa chaise comme si un serpent l'eût piqué.
– Qu'avez-vous? demanda Frau Lénore.
– Mais je dois partir ce soir pour Berlin, j'ai déjà retenu une placedans la diligence.
– Et quand part la diligence?
– À dix heures et demie.
– Alors vous arriverez trop tard, dit Gemma… Restez encore un peu…je continuerai ma lecture…
– Avez-vous payé la place entière ou seulement donné des arrhes? demanda
Frau Lénore.
– J'ai payé la place entière! répondit Sanine avec une grimacedouloureuse.
Gemma le regarda en clignant des yeux, et partit d'un éclat de rire. Samère la gronda.
– Comment, ce jeune homme a dépensé de l'argent pour rien, et toi, celate fait rire?
– Ce n'est pas une affaire! répondit Gemma. Cette dépense ne ruinera pasmonsieur Sanine… et nous tâcherons de le consoler… Voulez-vous de lalimonade?
Sanine but un verre de limonade. Gemma reprit sa lecture et la gaietégénérale fut rétablie.
Quand la pendule sonna minuit, Sanine se leva pour se retirer.
– Maintenant, il vous faut rester encore quelques jours à Francfort, ditGemma… À quoi bon vous dépêcher de partir?.. Vous vous amuserez toutautant ici qu'ailleurs.
Elle se tut.
– Je vous assure, vous ne vous amuserez pas davantage ailleurs!ajouta-t-elle en souriant.
Sanine ne répondit rien, mais il réfléchit que son porte-monnaie étantvide, il était obligé de rester à Francfort en attendant la réponse d'unami de Berlin, à qui il pensait pouvoir emprunter quelque argent.
– Restez encore quelque temps avec nous, restez, dit à son tour FrauLénore, vous ferez la connaissance de M. Charles Kluber, le fiancé deGemma. Il n'a pas pu venir ce soir parce qu'il avait beaucoup à fairedans son magasin… Vous avez sans doute remarqué sur la Zeile, le plusgrand magasin de draps et de soieries… M. Kluber est le premiercommis… Il sera très heureux de vous être présenté.
Sanine ne comprit pas lui-même pourquoi cette nouvelle l'abasourdit.
– L'heureux fiancé! pensa-t-il.
Il regarda Gemma et il crut discerner dans les yeux de la jeune filleune expression moqueuse.
Il prit congé de madame Roselli et de sa fille.
– À demain, n'est-ce pas? vous reviendrez demain?.. demanda Frau
Lénore.
– À demain! répéta Gemma d'un ton affirmatif, comme si cela allait sansdire.
– À demain! répondit Sanine.
Emilio, Pantaleone et le caniche Tartaglia lui firent conduite jusqu'aucoin de la rue. Pantaleone ne put se retenir d'exprimer le déplaisir quelui causait la lecture de Gemma.
– Comment n'a-t-elle pas honte! Elle se tord, elle crie —unacaricatura. Elle devrait représenter Mérope, Clytemnestre, unpersonnage tragique et grand… mais elle aime mieux singer une vilaineAllemande! Tout le monde peut en faire autant:… Mertz, Kertz, spertz, cria-t-il de sa voix enrouée en poussant le menton en avant eten écarquillant les doigts.
Tartaglia aboya contre lui, tandis qu'Emilio riait…
Le vieillard fit brusquement volte-face et rebroussa chemin.
Sanine rentra à l'Hôtel du Cygne Blanc, dans un état d'espritpassablement troublé.
Toute cette conversation italo-franco-allemande bourdonnait encore à sonoreille.
– Fiancée! se dit-il, lorsqu'il fut couché dans sa modeste chambred'hôtel. – Quelle belle jeune fille!.. Mais pourquoi ne suis-je pasparti?
Pourtant le lendemain il expédia une lettre à son ami de Berlin.
Avant que Sanine eût achevé sa toilette, le garçon de l'hôtel vint luiannoncer la visite de deux messieurs.
L'un était Emilio, l'autre un jeune homme grand et fort présentable, avec une tête tirée à quatre épingles; c'était Herr Karl Kluber, lefiancé de la belle Gemma.
Il est avéré qu'à cette époque on n'aurait pas trouvé dans toutFrancfort un premier commis plus poli, plus comme il faut, plus sérieuxni plus avenant que M. Kluber.
Sa toilette irréprochable était en harmonie avec sa prestance et lagrâce de ses manières, un peu réservées et froides, il est vrai, ungenre britannique, contracté pendant un séjour de deux ans enAngleterre, et en somme d'une élégance séduisante.
De prime abord il sautait aux yeux que ce beau jeune homme, un peugrave, mais très bien élevé et encore mieux lavé, était habitué à obéiraux ordres d'un supérieur et à commander à des inférieurs, et quederrière le comptoir de son magasin, il devait fatalement inspirer durespect aux clients.
Sa probité scrupuleuse ne pouvait pas être mise en doute; il suffisaitpour s'en convaincre d'un coup d'œil sur ses manchettes impeccablementempesées! Sa voix d'ailleurs était en harmonie avec tout son être: unevoix de basse assurée et mœlleuse, mais pas trop élevée et même avecdes inflexions caressantes dans le timbre. C'est bien la voix quiconvient pour donner des ordres à des subordonnés: – «Montrez à Madame levelours de Lyon ponceau». – «Donnez une chaise à Madame!..»
M. Kluber commença par se présenter à Sanine selon toutes les règles; ilinclina sa taille avec tant de noblesse, rapprocha si élégamment lesjambes et serra les talons l'un contre l'autre avec une politesse siexquise, qu'il était impossible de ne pas s'écrier mentalement: «Oh! cejeune homme a du linge et des qualités d'âme de premier ordre!»
Le fini de sa main droite dégantée, – de sa main gauche couverte d'ungant de suède, il tenait son chapeau lissé comme un miroir et au fondduquel s'étalait l'autre gant; – le fini de sa main droite qu'il tendit àSanine avec modestie mais fermement était au-dessus de tout éloge: chaque ongle était à lui seul une œuvre d'art.
Ensuite, M. Kluber expliqua, dans un allemand choisi, qu'il était venuprésenter ses hommages et exprimer sa reconnaissance au monsieurétranger qui avait rendu un service si important à son futur parent, aufrère de sa fiancée; en disant ces mots il étendit sa main gauche versEmilio, qui rougit, de honte semblait-il, se détourna dans la directionde la fenêtre et mit un doigt dans sa bouche.
M. Kluber ajouta qu'il serait heureux s'il pouvait être agréable àmonsieur l'Étranger.
Sanine répondit non sans quelque difficulté, en allemand, qu'il étaittrès heureux… que le service rendu était insignifiant… et il invitases hôtes à s'asseoir.
Herr Kluber remercia – et rejetant vivement les pans de son habit, seposa sur une chaise, mais il s'asseyait si légèrement, si peuconfortablement, qu'on comprenait aussitôt qu'il s'était assis parpolitesse, mais qu'il se lèverait dans une minute.
En effet, au bout de quelques secondes il se leva, fit modestement deuxpas en arrière, comme dans une contredanse, et déclara qu'à son vifregret il ne pouvait prolonger sa visite, car c'était l'heure d'entrerau magasin… les affaires avant tout! Cependant, le lendemain étant undimanche, il avait organisé, avec l'assentiment de Frau Lénore et deFraülein Gemma, une promenade à Soden, et il avait l'honneur d'invitermonsieur l'Étranger à se joindre à eux; il espérait que M. Sanine nerefuserait pas d'orner cette partie de plaisir de sa présence.
Sanine, en effet, consentit à orner de sa présence cette partie deplaisir – et M. Kluber, après avoir fait pour la seconde fois un salutdans toutes les règles, se retira gracieusement avec son pantaloncouleur de pois tendres et en faisant résonner agréablement les semellesde ses bottes neuves…
Emilio, sans tenir compte de l'invitation de Sanine, qui le priait des'asseoir, était resté tout le temps le visage tourné vers la fenêtre, mais dès que son futur beau-frère fut parti, il pirouetta sur sestalons, en faisant des grimaces de gamin, et demanda en rougissant lapermission de rester encore un moment.
– Je vais beaucoup mieux aujourd'hui, ajouta-t-il, seulement le médecinne me permet pas encore de travailler.
– Restez avec moi, vous ne me gênez nullement, s'empressa de répondreSanine, qui, en sa qualité de Russe, était enchanté d'avoir aussi unprétexte pour ne rien faire.
Emilio le remercia, et au bout de quelques minutes le jeune garçon setrouva dans l'appartement de Sanine comme chez lui; il examina tous leseffets du voyageur et le questionna sur la provenance et la qualité dechaque objet. Il aida Sanine à se raser, et engagea le jeune Russe àlaisser pousser ses moustaches. Tout en bavardant, il confia à sonnouvel ami beaucoup de détails sur la vie de sa mère, de sa sœur, dePantaleone et même du caniche Tartaglia, en un mot il décrivit touteleur manière de vivre.
Toute trace de timidité avait disparu de chez Emilio, il ressentit unevive sympathie pour Sanine, non parce que le jeune Russe lui avait sauvéla vie la veille, mais parce qu'il se sentait fortement attiré vers lui.Il n'eut rien de plus pressé que de confier à son nouvel ami sessecrets.
Il lui avoua que sa mère le destinait au commerce, tandis qu'ilsavait, il le savait pertinemment, qu'il était né pour être artiste, musicien, chanteur, qu'il avait une vocation décidée pour le théâtre: lapreuve en était que Pantaleone l'engageait à suivre cette carrière.Malheureusement M. Kluber était de l'avis de sa mère, et il exerçait unegrande influence sur elle. C'est lui qui avait suggéré à Madame Rosellil'idée de mettre son fils dans le commerce, parce que le premier commisne voyait rien de plus beau que le commerce. Vendre du drap et duvelours, tromper le client, lui demander des «prix d'imbéciles», des«prix de Russes» [Autrefois, et peut-être encore maintenant, au mois demai, dès que les seigneurs russes arrivaient à Francfort, tous lesmagasins élevaient leurs prix, qu'on appelait «prix de Russes» ou «prixd'imbéciles».], voilà l'idéal de M. Kluber!
– Eh bien! maintenant vous allez venir chez nous? s'écria l'enfant dèsque Sanine eut terminé sa toilette et écrit une lettre à Berlin.
– Il est encore trop tôt pour faire une visite, objecta Sanine.
– Oh! ça ne fait rien, s'écria Emilio d'un ton caressant. Revenez avecmoi. Nous passerons à la poste et de là nous reviendrons chez nous!Gemma sera si contente! Vous déjeunerez avec nous… Vous pourrezglisser un mot à maman en faveur de moi… en faveur de ma carrièreartistique…
– Eh bien! allons, dit Sanine.
Et ils sortirent ensemble de l'hôtel.
Gemma, en effet, fut très contente de revoir Sanine, et Frau Lénore lereçut très amicalement; il était évident qu'il avait produit la veilleune excellente impression sur toutes deux. Emilio courut commander ledéjeuner après avoir encore une fois rappelé à Sanine qu'il avait promisde plaider sa cause auprès de sa mère.
– Je n'oublierai pas, soyez tranquille, dit Sanine au jeune garçon.
Frau Lénore n'était pas tout à fait bien; elle souffrait de la migraine,et à demi-allongée dans le fauteuil, elle s'efforçait de resterimmobile.
Gemma portait une ample blouse jaune retenue par une ceinture de cuirnoir; elle semblait aussi un peu lasse; elle était légèrement pâle, descercles noirs entouraient ses yeux, sans pourtant leur enlever leuréclat, et cette pâleur ajoutait un charme mystérieux aux traitsclassiquement sévères de la jeune Italienne.
Cette fois Sanine fut surtout frappé par la beauté élégante des mains dela jeune fille. Lorsqu'elle rajustait ou soulevait ses boucles noires etbrillantes, Sanine ne pouvait arracher ses regards de ces doigtssouples, longs, écartés l'un de l'autre comme ceux de la Fornarine deRaphaël.
Il faisait extrêmement chaud dehors; après le déjeuner Sanine voulut seretirer, mais ses hôtes lui dirent que par une pareille chaleur ilvalait beaucoup mieux ne pas bouger de sa place; et il resta.
Dans l'arrière-salon ou il se tenait avec la famille Roselli, régnaitune agréable fraîcheur: les fenêtres ouvraient sur un petit jardinplanté d'acacias. Des essaims d'abeilles, des taons et des bourdonschantaient en chœur avec ivresse dans les branches touffues des arbresparsemées de fleurs d'or; à travers les volets à demi clos et les storesbaissés, ce bourdonnement incessant pénétrait dans la chambre donnantl'impression de la chaleur répandue dans l'air au dehors, et lafraîcheur de la chambre fermée et confortable paraissait d'autant plusagréable…
Sanine causait beaucoup, comme la veille, mais cette fois il ne parlaitplus de la Russie ni de la vie russe. Pour rendre service à son jeuneami, qui tout de suite après le déjeuner avait été envoyé chez M. Kluberpour être initié à la tenue des livres, Sanine amena la conversation surles avantages respectifs du commerce et de l'art. Il ne fut pas étonnéde voir que Frau Lénore était pour le commerce, il s'y attendait, maisil fut surpris de voir que Gemma partageait l'opinion de sa mère.
– Pour être un artiste, et surtout un chanteur, déclara la jeune filleen faisant un geste énergique de la main, il faut occuper le premierrang; le second ne vaut rien; et comment savoir si l'on est capable detenir la première place?
Pantaleone prit part à la conversation et se déclara partisan de l'art.Il est vrai que ses arguments étaient assez faibles: il soutint qu'ilfaut avant tout posséder un certo estro d'epirazione– un certain éland'inspiration!
Frau Lénore fit la remarque que certainement Pantaleone avait dûposséder cet estro et pourtant…
– C'est que j'ai eu des ennemis, répondit lugubrement Pantaleone.
– Et comment peux-tu savoir (les Italiens tutoient facilement) qu'Emilion'aura pas d'ennemis, lors même qu'il posséderait cet estro?
– Eh bien! faites de lui un commerçant, dit Pantaleone dépité, maisGiovan' Battista n'aurait pas agi de la sorte, bien qu'il fût confiseurlui-même…
– Mon mari, Giovan' Battista, était un homme raisonnable, et si dans sajeunesse il a cédé à des entraînements…
Mais Pantaleone ne voulut plus rien entendre et sortit de la chambre enrépétant sur un ton de reproche: «Ah! Giovan' Battista!»
Gemma dit alors que si Emilio se sentait un cœur de patriote, et s'iltenait à consacrer toutes ses forces à la délivrance de l'Italie, onpourrait pour cette œuvre sacrée sacrifier un avenir assuré, mais paspour le théâtre…»
À ces mots, Frau Lénore devint très inquiète et supplia sa fille de nepas induire en erreur son jeune frère, mais de se contenter d'êtreelle-même, une affreuse républicaine!..
Après avoir prononcé ces paroles, Frau Lénore se mit à gémir et seplaignit de son mal de tête; il lui semblait que son crâne allaitéclater.
Gemma s'empressa de donner des soins à sa mère. Elle humecta le front deMadame Roselli d'eau de Cologne et souffla lentement dessus, puis ellelui baisa doucement les joues, posa la tête de Frau Lénore sur descoussins, lui défendit de parler et de nouveau l'embrassa. Alors, setournant vers Sanine, d'une voix à demi émue, à demi badine, ellecommença à faire l'éloge de sa mère.
– Si vous saviez comme elle est bonne et comme elle a été belle!.. Quedis-je, elle l'a été, elle l'est encore maintenant… Regardez les yeuxde maman!
Gemma sortit de sa poche un mouchoir blanc, en couvrit le visage de samère, puis abaissant lentement le rebord de haut en bas, elle découvritl'un après l'autre le front, les sourcils et les yeux de Frau Lénore; alors elle pria sa mère d'ouvrir les yeux.
Frau Lénore obéit, et Gemma s'exclama d'admiration.
Les yeux de Frau Lénore étaient en effet fort beaux.
Gemma maintenant le mouchoir sur la partie inférieure du visage, quiétait moins régulière, se mit de nouveau à couvrir sa mère de baisers.
Madame Roselli riait, détournait la tête et feignait de vouloirrepousser sa fille; Gemma de son côté faisait semblant de lutter avec samère, non pas avec des câlineries de chatte, à la manière française, mais avec cette grâce italienne qui laisse pressentir la force.
Enfin Frau Lénore se déclara fatiguée. Gemma lui conseilla de faire lasieste dans ce fauteuil, en promettant que le monsieur russe etelle-même resteraient pendant ce temps aussi tranquilles que de petitessouris.
Frau Lénore répondit par un sourire, poussa quelques soupirs ets'endormit. Gemma s'assit sur un tabouret près de sa mère et restaimmobile; de temps en temps d'une main elle portait un doigt sur seslèvres, de l'autre elle soutenait l'oreiller derrière la tête de samère, et chuchotait d'une voix insaisissable, regardant de traversSanine, chaque fois qu'il s'avisait de faire un mouvement quelconque.
Bientôt Sanine resta immobile à son tour, comme hypnotisé, admirant detoutes les forces de son âme le tableau que formaient cette chambre àdemi-obscure où par-ci par-là rougissaient en points éclatants des rosesfraîches et somptueuses qui trempaient dans des coupes antiques decouleur verte, et cette femme endormie avec les mains chastementrepliées, son bon visage encadré par la blancheur neigeuse de l'oreilleret enfin ce jeune être tout entier à sa sollicitude, aussi bon, aussipur et d'une beauté inénarrable avec des yeux noirs, profonds, remplisd'ombre, et quand même lumineux…
Sanine se demandait où il était? Était-ce un rêve? Un conte? Comment setrouvait-il là?
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