Quelques instants de tranquille réflexion auraient suffi pour lui montrer la témérité de l'entreprise et le peu de valeur de la récompense; mais les encouragements parlaient à ses sens, les avertissements à sa raison. Ce fut son malheur que les voix qui l'entouraient, celles qui pouvaient le mieux se faire écouter, prissent le parti qui flattait ses désirs. L'agrandissement de leur maître ouvrait à l'ambition et à la cupidité de tous ses serviteurs palatins un vaste champ pour se satisfaire. Tout zélé calviniste devait voir avec transport ce triomphe de son Église. Une tête si faible pouvait-elle résister aux séductions de ses conseillers, qui exagéraient ses ressources et ses forces autant qu'ils rabaissaient la puissance de l'ennemi; aux exhortations des prédicateurs de sa cour, qui lui présentaient les inspirations de leur zèle fanatique comme la volonté du ciel? Les rêveries des astrologues remplissaient son cerveau de chimériques espérances. La séduction vint même l'assaillir par la voix irrésistible de l'amour: «As-tu donc osé, lui disait l'électrice, recevoir la main d'une fille de roi pour trembler ainsi devant une couronne que l'on t'offre volontairement? J'aime mieux du pain à ta table de roi que des festins à ta table d'électeur.»
Frédéric accepta le trône de Bohême. Le couronnement se fit à Prague avec une pompe sans exemple: la nation étala toutes ses richesses pour honorer son propre ouvrage. La Silésie et la Moravie, annexes de la Bohême, suivirent l'exemple de l'État principal et prêtèrent serment. La réforme triomphait dans toutes les églises du royaume; l'allégresse était sans bornes; l'amour pour le nouveau roi allait jusqu'à l'adoration. Le Danemark et la Suède, la Hollande, Venise et plusieurs États d'Allemagne le reconnurent comme roi légitime, et Frédéric se mit à prendre ses mesures pour se maintenir sur son nouveau trône.
Sa plus grande espérance reposait sur le prince de Transylvanie, Bethlen Gabor. Ce redoutable ennemi de l'Autriche et de l'Église catholique, non content de la principauté qu'il avait enlevée, avec le secours des Turcs, à son maître légitime, Gabriel Bathori, saisit avec empressement cette occasion de s'agrandir aux dépens des princes autrichiens, qui avaient refusé de le reconnaître comme souverain de la Transylvanie. Une attaque fut concertée avec les rebelles bohêmes contre la Hongrie et l'Autriche: les deux armées devaient faire leur jonction devant la capitale. Cependant Bethlen Gabor cacha sous un faux semblant d'amitié le véritable objet de ses préparatifs; il promit artificieusement à l'empereur d'attirer les Bohêmes dans le piége, en feignant de les secourir: il promit de lui livrer vivants les chefs de la révolte. Mais tout à coup il paraît en ennemi dans la haute Hongrie; la terreur le précède; derrière lui est la dévastation. Tout le pays se soumet, et il reçoit à Presbourg la couronne de Hongrie. Le frère de l'empereur, qui était gouverneur de Vienne, trembla pour cette capitale. Il se hâta d'appeler le général Bucquoi à son secours, et la retraite des Impériaux amena derechef l'armée bohême devant Vienne. Renforcée de douze mille Transylvains, et bientôt réunie avec les troupes victorieuses de Bethlen Gabor, elle menaça de nouveau d'emporter la ville. Tous les environs étaient ravagés, le Danube fermé, les communications interceptées; déjà l'on éprouvait les terreurs de la faim. Ferdinand, que ce pressant danger avait ramené précipitamment dans sa capitale, se voyait pour la seconde fois sur le bord de l'abîme. Enfin, la disette et la rigueur de la température forcèrent les Bohêmes à retourner chez eux; un échec en Hongrie rappela Bethlen Gabor: la fortune avait encore une fois sauvé l'empereur.
En peu de semaines, tout changea de face: par sa prudence et son activité, Ferdinand rétablit ses affaires, autant que Frédéric ruina les siennes par sa négligence et ses mauvaises mesures. Les états de la basse Autriche furent amenés à prêter l'hommage par la confirmation de leurs priviléges, et quelques membres, qui avaient refusé de paraître, furent déclarés coupables de lèse-majesté et de haute trahison. Ainsi l'empereur s'était rétabli dans un de ses États héréditaires, et en même temps il mettait tout en mouvement pour s'assurer des secours étrangers. Déjà, par ses représentations verbales lors de l'élection impériale de Francfort, il avait réussi à gagner à sa cause les électeurs ecclésiastiques, et, à Munich, le duc Maximilien de Bavière. De la part que l'Union et la Ligue prendraient à la guerre de Bohême dépendaient l'issue de cette guerre, le sort de l'empereur et celui de Frédéric. Toute l'Allemagne protestante semblait intéressée à soutenir Frédéric, et la religion catholique à ne pas laisser succomber l'empereur. Tous les princes catholiques d'Allemagne devaient trembler pour leurs possessions, si les protestants étaient vainqueurs en Bohême; s'ils succombaient, l'empereur pouvait faire la loi à toute l'Allemagne protestante. Ferdinand mit donc la Ligue en mouvement, et Frédéric l'Union. Le lien de la parenté, et son attachement personnel pour l'empereur, son beau-frère, avec qui il avait été élevé à Ingolstadt; le zèle pour la religion catholique, visiblement menacée du plus grand péril; les inspirations des jésuites; enfin, les mouvements suspects de l'Union, décidèrent le duc de Bavière à faire de la cause de Ferdinand sa propre cause, et tous les princes de la Ligue imitèrent son exemple.
Maximilien de Bavière, après s'être assuré, par un traité conclu avec l'empereur, le dédommagement de tous ses frais de guerre et de toutes les pertes qu'il pourrait éprouver, prit, avec des pouvoirs illimités, le commandement des troupes de la Ligue, qui devaient marcher au secours de l'empereur contre les rebelles de Bohême.
Les chefs de l'Union, au lieu de faire obstacle à cette dangereuse alliance de la Ligue et de l'empereur, mirent plutôt tout en œuvre pour l'accélérer. S'ils amenaient la Ligue catholique à prendre une part déclarée dans la guerre de Bohême, ils avaient lieu de se promettre la même chose de tous les membres et alliés de l'Union. Si l'Union n'était menacée par une démarche publique de l'autre parti, on ne pouvait espérer de voir réunies les forces des protestants. Les princes saisirent donc le moment critique des troubles de Bohême pour demander aux catholiques le redressement de tous les anciens griefs et une complète garantie de la liberté religieuse. Cette demande, dont le ton était menaçant, ils l'adressèrent au duc de Bavière, comme chef des catholiques, et ils insistèrent pour avoir une réponse prompte et sans réserve. Que Maximilien se prononçât pour eux ou contre eux, ils atteignaient leur but. S'il cédait, le parti catholique était privé de son plus puissant défenseur; s'il résistait, il armait tout le parti protestant et rendait inévitable la guerre, de laquelle ils se promettaient un bon résultat. Maximilien, que tant d'autres motifs attiraient déjà dans le parti opposé, prit cette sommation pour une formelle déclaration de guerre, et l'armement fut hâté. Tandis que la Bavière et la Ligue prenaient les armes pour l'empereur, on négociait des subsides avec la cour d'Espagne. Toutes les difficultés que la politique somnolente du ministère espagnol opposait à cette demande furent heureusement surmontées par le comte de Khevenhüller, ambassadeur impérial à Madrid. Outre l'avance d'un million de florins, que l'on sut arracher peu à peu à cette cour, on la décida à diriger des Pays-Bas espagnols une attaque sur le bas Palatinat.
En même temps qu'on s'efforçait d'attirer dans l'alliance toutes les puissances catholiques, on entravait avec la plus grande énergie la contre-alliance protestante. Il importait de rassurer l'électeur de Saxe et plusieurs autres princes évangéliques sur le bruit, répandu par l'Union, que les préparatifs de la Ligue avaient pour but de leur reprendre les bénéfices sécularisés. L'assurance du contraire, donnée par écrit, tranquillisa l'électeur de Saxe, que sa jalousie particulière contre le Palatinat, les suggestions de son prédicateur de cour, vendu à l'Autriche, enfin la mortification de s'être vu écarté par les Bohêmes, à l'élection de leur roi, faisaient déjà pencher pour l'empereur. Le fanatisme luthérien ne pouvait pardonner aux réformés «que tant de faibles pays dussent s'engouffrer (c'est ainsi qu'on s'exprimait) dans la gueule du calvinisme, et l'antechrist romain faire simplement place à l'antechrist helvétique.»
Tandis que Ferdinand mettait tout en œuvre pour améliorer sa fâcheuse position, Frédéric ne négligeait rien pour gâter sa bonne cause. Sa liaison choquante avec le prince de Transylvanie, l'allié déclaré de la Porte, scandalisait les âmes faibles, et le bruit public l'accusait de chercher son agrandissement aux dépens de la chrétienté et d'avoir armé les Turcs contre l'Allemagne. Il irritait les luthériens de Bohême par son zèle inconsidéré pour la religion réformée, et les catholiques par ses attaques contre les images. L'introduction d'impôts onéreux lui enleva l'amour du peuple. Les grands du royaume, trompés dans leur attente, se refroidirent pour sa cause; le défaut de secours étrangers abattit leur confiance. Au lieu de se consacrer avec une ardeur infatigable à l'administration du royaume, Frédéric perdait son temps en plaisirs frivoles; au lieu d'accroître son trésor par une sage économie, il dissipait dans un faste inutile et théâtral, et par une libéralité mal entendue, les revenus de ses États. Avec une légèreté insouciante, il se mirait dans sa dignité nouvelle, et ne songeant, hors de saison, qu'à jouir de sa couronne, il oubliait le soin plus pressant de l'affermir sur sa tête.
Autant l'on s'était abusé sur le compte de Frédéric, autant il s'était malheureusement trompé lui-même dans son espoir d'assistance étrangère. La plupart des membres de l'Union séparaient les affaires de Bohême de l'objet de leur alliance; d'autres membres de l'Empire, dévoués à Frédéric, étaient enchaînés par une crainte aveugle de l'empereur: Ferdinand avait gagné l'électeur de Saxe et le duc de Hesse-Darmstadt; la basse Autriche d'où l'on attendait une puissante diversion, avait rendu hommage à l'empereur; Bethlen Gabor avait conclu avec lui un armistice. La cour de Vienne sut endormir le Danemark par des ambassades, et occupa la Suède par une guerre avec la Pologne. La république de Hollande avait de la peine à se défendre contre les armes espagnoles; Venise et la Savoie restèrent dans l'inaction; le roi Jacques d'Angleterre se laissa tromper par les artifices de l'Espagne. Un ami après l'autre se retira; une espérance après l'autre s'évanouit. Si rapide avait été, en quelques mois, le changement de toutes choses!
Cependant les chefs de l'Union rassemblèrent un corps d'armée; l'empereur et la Ligue en firent autant. Les forces de la Ligue étaient réunies près de Donawert, sous les ordres de Maximilien; celles de l'Union, près d'Ulm, sous le margrave d'Ansbach. On croyait toucher enfin au moment décisif, qui devait terminer par un grand coup cette longue querelle et fixer irrévocablement les rapports des deux Églises en Allemagne. Les deux partis attendaient l'événement avec anxiété. Mais quel ne fut pas l'étonnement, lorsque la nouvelle de la paix arriva tout à coup, et que les deux armées se séparèrent sans coup férir!
L'intervention de la France avait produit cette paix, que les deux partis acceptèrent avec un égal empressement. Le ministère français, qui n'était plus dirigé par Henri le Grand, et d'ailleurs la politique de ce roi n'était peut-être plus applicable à la situation du royaume, craignait maintenant beaucoup moins l'agrandissement de l'Autriche que la puissance où s'élèveraient les calvinistes si la maison palatine se maintenait sur le trône de Bohême. Engagé lui-même, précisément alors, dans une lutte difficile avec les huguenots de l'intérieur, il n'avait pas de plus pressant intérêt que de voir la faction protestante écrasée le plus tôt possible en Bohême, avant qu'elle pût offrir à la faction des huguenots en France un dangereux modèle. Afin que l'empereur eût les mains libres pour agir sans délai contre les Bohêmes, le ministère français s'interposa donc comme médiateur entre l'Union et la Ligue, et ménagea cette paix inattendue, dont l'article le plus important était «que l'Union ne prendrait aucune part aux affaires de Bohême, et que les secours qu'elle pourrait prêter à Frédéric V ne s'étendraient pas au delà des pays palatins.» La fermeté de Maximilien et la crainte de se voir prise entre les troupes de la Ligue et une nouvelle armée impériale, qui s'avançait des Pays-Bas, décidèrent l'Union à cette paix honteuse.
Toutes les forces de la Bavière et de la Ligue étaient maintenant aux ordres de l'empereur contre les Bohêmes, que le traité d'Ulm abandonnait à leur sort. Avant que la nouvelle de ce qui s'était passé à Ulm se fût répandue dans l'Autriche supérieure, Maximilien y parut tout à coup, et les états, consternés, nullement préparés à repousser une attaque, achetèrent le pardon de l'empereur en lui rendant l'hommage sur-le-champ et sans condition. Le duc fut renforcé, dans la basse Autriche, par les troupes néerlandaises du comte de Bucquoi, et cette armée austro-bavaroise, qui s'élevait, après la jonction, à cinquante mille hommes, pénétra, sans perdre un moment, sur le territoire de Bohême. Elle chassa devant elle tous les escadrons bohêmes, répandus dans la basse Autriche et la Moravie. Toutes les villes qui tentèrent de résister furent prises d'assaut; d'autres, effrayées par le bruit du châtiment infligé à celles-ci, ouvrirent volontairement leurs portes: rien n'arrêtait la course impétueuse de Maximilien. L'armée bohême, sous les ordres du vaillant prince Christian d'Anhalt, se replia jusque dans le voisinage de Prague, et Maximilien lui livra bataille sous les murs de cette capitale.
Le mauvais état dans lequel il espérait surprendre l'armée des rebelles justifiait la précipitation de Maximilien et lui assura la victoire. Frédéric n'avait pas rassemblé trente mille hommes; le prince d'Anhalt lui en avait amené huit mille; Bethlen Gabor lui avait envoyé dix mille Hongrois. Une incursion de l'électeur de Saxe dans la Lusace avait intercepté tous les secours qu'il attendait de ce pays et de la Silésie; la pacification de l'Autriche le privait de tous ceux qu'il s'était promis de ce côté. Bethlen Gabor, le plus important de ses alliés, se tint en repos. L'Union avait livré Frédéric à l'empereur. Il ne lui restait plus que ses Bohêmes, qui manquaient eux-mêmes de bonne volonté, d'accord et de courage. Les magnats de Bohême étaient mécontents de se voir préférer des généraux allemands; le comte de Mansfeld resta à Pilsen, séparé du quartier général, afin de ne pas servir sous Anhalt et Hohenlohe. Le soldat, qui manquait du nécessaire, perdit toute ardeur et tout courage, et la mauvaise discipline de l'armée provoquait chez le paysan les plaintes les plus amères. Ce fut en vain que Frédéric se montra dans le camp, afin d'animer par sa présence le courage des soldats, et par son exemple l'émulation de la noblesse.
Les Bohêmes commençaient à se retrancher sur la Montagne-Blanche, non loin de Prague, lorsque l'armée combinée austro-bavaroise les assaillit, le 8 novembre 1620. Au commencement de l'action, la cavalerie du prince d'Anhalt remporta quelques avantages, bientôt rendus vains par la supériorité de l'ennemi. Les Bavarois et les Wallons chargèrent avec une force irrésistible, et la cavalerie hongroise fut la première à tourner le dos. L'infanterie bohême ne tarda pas à suivre son exemple, et les Allemands furent enfin entraînés aussi dans la déroute générale. Dix canons, qui formaient toute l'artillerie de Frédéric, tombèrent dans les mains de l'ennemi. Quatre mille Bohêmes périrent dans la fuite et dans le combat; les troupes de l'empereur et de la Ligue perdirent à peine quelques centaines d'hommes. Cette victoire décisive avait été remportée en moins d'une heure.
Frédéric était à dîner dans Prague, tandis que ses troupes se faisaient tuer pour lui sous les murs de la ville. Il ne s'attendait probablement encore à aucune attaque, puisqu'il avait commandé ce jour-là même un grand repas. Un courrier le fit enfin sortir de table, et il put voir des remparts tout cet affreux spectacle. Il demanda une suspension d'armes de vingt-quatre heures pour se déterminer après réflexion: huit heures furent tout ce qu'il obtint du duc. Frédéric les employa à s'enfuir de la capitale, pendant la nuit, avec sa femme et les principaux officiers de l'armée. Cette fuite fut si précipitée, que le prince d'Anhalt oublia ses papiers les plus secrets et Frédéric sa couronne. «Je sais maintenant ce que je suis,» disait ce malheureux prince aux personnes qui essayaient de le consoler. «Il y a des vertus que le malheur seul peut nous enseigner, et ce n'est que dans l'adversité que nous apprenons, nous autres princes, ce que nous sommes.»
Prague n'était pas encore perdue sans ressource, quand le pusillanime Frédéric l'abandonna. Mansfeld était toujours à Pilsen, avec son corps détaché, qui n'avait pas vu la bataille. A chaque instant, Bethlen Gabor pouvait commencer les hostilités et rappeler aux frontières de Hongrie les forces de l'empereur. Les Bohêmes battus pouvaient se relever, les maladies, la faim et le froid détruire les ennemis: toutes ces espérances s'évanouirent devant la crainte présente.
Frédéric redoutait l'inconstance des Bohêmes, qui pouvaient aisément céder à la tentation de livrer sa personne à l'empereur pour acheter leur grâce.
Thurn et ceux qui partageaient sa condamnation ne jugèrent pas prudent non plus d'attendre leur sort dans les murs de Prague. Ils se réfugièrent en Moravie, pour chercher, bientôt après, leur salut dans la Transylvanie. Frédéric s'enfuit à Breslau, mais il n'y séjourna que peu de temps, et trouva ensuite un asile à la cour de l'électeur de Brandebourg, puis enfin en Hollande.
La bataille de Prague avait décidé du sort de toute la Bohême. Prague se rendit dès le lendemain au vainqueur; les autres villes suivirent le sort de la capitale. Les états rendirent l'hommage sans condition; leur exemple fut imité en Silésie et en Moravie. L'empereur laissa s'écouler trois mois avant d'ordonner une enquête sur le passé. Beaucoup de ceux qui avaient pris la fuite dans la première frayeur reparurent dans la capitale, rassurés par cette apparence de modération; mais, à un jour, à un moment fixé, l'orage éclata. Quarante-huit des plus actifs instigateurs de la révolte furent arrêtés et traduits devant une commission extraordinaire, composée de Bohêmes et d'Autrichiens. Vingt-sept d'entre eux périrent sur l'échafaud; dans la classe du peuple, une quantité innombrable eut le même sort. On somma les absents de comparaître, et, aucun d'eux ne s'étant présenté, ils furent condamnés à mort, comme coupables de haute trahison et de lèse-majesté impériale. Leurs biens furent confisqués, leurs noms cloués au gibet. On confisqua même les biens de rebelles déjà morts. Cette tyrannie était supportable, parce qu'elle ne pesait que sur certaines personnes, et que les dépouilles de l'un enrichissaient l'autre; mais d'autant plus douloureuse fut l'oppression qui accabla sans distinction tout le royaume. Tous les prédicateurs protestants, d'abord les bohêmes, et un peu plus tard les allemands, furent expulsés du pays. Ferdinand coupa de sa propre main la lettre de Majesté de Rodolphe et en brûla le sceau. Sept ans après la bataille de Prague, toute tolérance envers les protestants était abolie dans le royaume. Mais les violences que l'empereur se permit contre les priviléges religieux des Bohêmes, il se les interdit à l'égard de leur constitution politique, et, en même temps qu'il leur enlevait la liberté de penser, il leur laissait généreusement le droit de se taxer eux-mêmes.
La victoire de la Montagne-Blanche mit Ferdinand en possession de tous ses États et les lui rendit même avec un pouvoir plus étendu que celui dont y avait joui son prédécesseur, parce que l'hommage fut rendu sans condition, et qu'aucune lettre impériale ne limitait plus son autorité souveraine. Tous ses justes désirs étaient donc satisfaits, et même au delà de son attente.
Il était libre maintenant de congédier ses alliés et de rappeler ses armées. La guerre était finie, si seulement il était juste; s'il était juste et généreux, les châtiments devaient cesser aussi. Tout le sort de l'Allemagne était dans sa main, et des millions de créatures humaines attendaient le bonheur ou le malheur de la détermination qu'il allait prendre. Jamais si grande décision ne fut au pouvoir d'un seul homme; jamais l'aveuglement d'un seul homme ne causa tant de calamités.
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