Читать бесплатно книгу «La vie de Rossini, tome II» Фредерика Стендаля полностью онлайн — MyBook
 


 


 





Il y a un chant fort agréable, quoique encore un peu vulgaire, sur les paroles:

Nel volto estatico

Di questo è quello.

La sortie de don Magnifico, dans la scène suivante, offrait encore à Galli une occasion de faire admirer sa superbe voix dans le vers

Tenete allegro il re: vado in cantina8.

Jouant un peu sur le mot cantina (cave), sa voix magnifique descendait jusqu'au la d'en bas.

Le finale du premier acte, qui débute par un chœur des courtisans du prince, qui ramènent don Magnifico de la cave, à demi ivre, et qui continue par l'air de don Magnifico, est tout à fait dans l'ancien style bouffe de Cimarosa, à la passion près. Je n'ai déjà que trop répété, peut-être, que l'absence de la passion dans les personnages bas laisse paraître tout à coup ce que leur état peut avoir de dégoûtant, et j'avoue que je ne puis pas revoir deux fois Tiercelin dans le Coin de Rue ou dans l'Enfant de Paris.

Dans l'air de don Magnifico:

Noi don Magnifico,

la passion est remplacée, comme de coutume, par l'esprit, et l'esprit, en musique, n'empêche pas toujours d'être un peu plat. Il n'y a que de beaux sons dans cet air, je n'y trouve ni verve ni génie; or, il me semble que la farce n'admet pas la médiocrité. En revanche, le duetto qui suit est entraînant; on disait à Trieste que c'était le chef-d'œuvre de la pièce. Ramire demande à Dandini, son valet de chambre, déguisé en prince, ce qu'il lui semble du caractère des deux filles du baron:

Zitto, zitto; piano, piano.

La partie du ténor (Ramire) est d'une fraîcheur délicieuse et tout à fait d'accord avec les sentiments d'un jeune prince à qui l'enchanteur qui le protège a révélé qu'une des filles du baron est digne de tous ses vœux: l'enchanteur veut parler de Cendrillon. La rapidité et la vivacité de ce duetto sont inimitables: c'est un feu d'artifice. Jamais la musique n'a lancé avec cette rapidité et ce succès des sensations nouvelles et piquantes sur l'âme des spectateurs.

L'homme dans une situation ordinaire, qui assiste à ce duetto, ne peut pas s'empêcher d'être gai; il se sent venir à l'esprit les idées les plus bouffonnes, ou plutôt il se sent ravir par le bonheur que donnent ces idées quand on les goûte. Le quartetto qui se forme par l'arrivée des deux sœurs a des passages jolis et d'une grande vérité dramatique:

 
Con un anima plebea!
Con un aria dozzinale!
 

Il y a de la grâce et surtout beaucoup d'esprit dans l'air de la Cenerentola à son entrée dans le salon:

Sprezza quei don che avversa.

Le second acte s'ouvre par un air de don Magnifico, dans lequel il nous dit que, lorsqu'une de ses filles sera l'épouse du prince, les revenants-bons pleuvront chez lui:

 
Già mi par che questo e quello
Confinandomi a un cantone
E cavandosi il cappello
Incominci: Ser barone
Alla figlia sua reale
Porterebbe un memoriale?
Prendrà poi la cioccolata,
È una doppia ben coniata.
Faccia intanto scivolare
Io rispondo: Eh si vedremo;
Già è di peso9? parleremo…
 

L'air de Ramire, quand il est amoureux et qu'il jure de trouver sa belle.

Se fosse in grembo a Giove10,

est agréable et fort piquant; c'est un morceau brillant pour une jolie voix de ténor, cela est admirable dans un concert: sur quoi j'observerai que les imitateurs de Rossini ont bien pris sa rapidité, chose facile à copier en musique, mais ils n'ont jamais pu imiter son esprit.

Le duetto qui suit,

Un segreto d'importanza,

est la perfection de l'art d'imiter. Très-probablement ce duetto n'existerait pas sans celui du second acte du Matrimonio segreto:

Se fiato in corpo avete.

Et cependant, même quand on sait par cœur le duetto du Mariage secret, on entend encore celui-ci avec un plaisir infini. Mon assertion peut se vérifier à Paris; ce duetto est supérieurement chanté par Zuchelli et Pellegrini. Les mots

Son Dandini, il cameriere!

font toujours rire, par l'extrême vérité dramatique et par le malheur subit de la grosse vanité du baron.

Que ne puis-je donner au lecteur l'esquisse la plus légère de l'effet que le délicieux bouffe Paccini, chargé du rôle de Dandini, produisait à Trieste! Il fallait le voir jouissant de la sottise du baron lorsqu'ils paraissaient ensemble pour le duetto, l'observant du coin de l'œil sans qu'il y parût, mais tellement attentif à l'observer, qu'en s'asseyant il était toujours sur le point de manquer sa chaise et de tomber à terre; il fallait le voir s'efforçant, mais en vain, de dissimuler le rire fou qui le saisit quand il s'aperçoit de l'importance que le baron attache à la confidence qu'il va lui faire; alors, détournant la tête pour cacher son rire, lequel mouvement désespérait le baron, comme signe de disgrâce de la part du prince, et ensuite, au premier moment de sérieux qu'il pouvait obtenir, se retournant d'un air grave vers le pauvre baron; la force de soutenir l'air grave venant à lui manquer, il élevait les sourcils d'une manière démesurée, nouvelle inquiétude mortelle du gentilhomme campagnard à la vue de cette mine réellement épouvantable de la part du prince. L'acteur chargé du rôle du baron n'avait nul besoin de faire des gestes; les spectateurs, étouffant de rire et s'essuyant les yeux, n'avaient aucune attention à lui donner; son ridicule était à jamais établi par les gestes de Paccini: ils étaient tellement ceux d'un homme qui jouit actuellement de la présence réelle d'un sot qu'il attrape, que le rôle du baron, eût-il été joué avec toute la noblesse possible par Fleury ou de'Marini, ces grands maîtres dans l'art du comique noble, ils eussent été ridicules, il n'y avait pas à s'en dédire. On voyait trop de vérité dans les gestes de Paccini pour qu'on pût admettre un instant qu'un homme, faisant ces mines, pût se tromper sur la présence réelle d'un sot.

Et ce spectacle étonnant changeait tous les jours; comment donner une idée de la foule infinie de mauvaises plaisanteries, de parodies des gestes de ses camarades, d'allusions à leurs petites aventures ou aux anecdotes de la journée dans Trieste, dont Paccini remplissait son jeu?

Quels rires inextinguibles, lorsqu'un jour, en disant au baron,

Io vado sempre a piedi,

il s'avisa d'ajouter: Per esempio verso la crociata! Je sens qu'on ne raconte pas le rire; car, pour le raconter, il faut le reproduire, et la moindre anecdote qui, à raconter, prend une demi-minute, juste le temps dont elle est digne, coûte à l'imprimer trois ou quatre pages, à la vue desquelles on est saisi de honte, et l'on efface.

Paccini est, comme Rabelais, un volcan de mauvaises plaisanteries; et, quelque effet qu'elles produisent dans la salle, il est sans doute celui qu'elles réjouissent le plus: il n'est aucun spectateur qui puisse en douter, tant il y a de verve et de vérité dans son geste. C'est, je pense, cette vérité, cette naïveté évidente, qui lui fait pardonner le nombre infini de choses burlesques et ridicules qu'on lui voit hasarder à chaque représentation, et qui, ailleurs, le feraient mettre en prison. Par exemple, à Trieste, le 12 février, on célèbre le jour de naissance du souverain; on chante une messe en musique à la cathédrale, et le Gloria in excelsis est, comme on sait, l'un des morceaux les plus importants de toute messe en musique: il y a sur ces paroles un mouvement de passion à exprimer. Tous les fidèles peuvent chanter à l'église, Paccini comme un autre: pourquoi pas? en Italie, les chanteurs ne sont nullement excommuniés. Paccini se rend donc à l'église, mais il y arrive avec les cheveux poudrés à blanc; il chante le Gloria in excelsis avec les fidèles, et même il chante bien et de tout le sérieux possible. Mais, à la vue de cette figure de Paccini chantant et sérieux, toute l'église éclate de rire, et les autorités constituées les premières.

J'ai choisi exprès, pour la rapporter, une des plus mauvaises plaisanteries de Paccini. Il est clair qu'à Paris elle ne créerait que de l'indignation ou du dégoût, au lieu du rire général dont nous fûmes témoins à Trieste: c'est précisément de cette indignation que je veux parler. Paccini, s'il jouait en France, non-seulement ferait naître de l'indignation par la plaisanterie condamnable ci-dessus rapportée, mais encore, je l'avance hardiment, par un grand nombre d'autres nullement répréhensibles.

Dans mon intime conviction, Paccini, engagé à l'Opéra-Italien de Londres, y aurait certainement le plus grand succès, comme à Louvois il serait effrayé et glacé, ou impitoyablement sifflé s'il osait être lui-même. On dirait que le rire est prohibé en France11; sur quoi je demande: ce malheur doit-il se rencontrer dans toutes les civilisations avancées? Un peuple doit-il nécessairement passer, en se civilisant par un tel excès de vanité? ou bien rencontrons-nous tout simplement ici un nouvel effet de l'influence de la cour de Louis XIV sur les goûts des Français et sur leur manière d'apprécier toutes choses? L'Amérique, république fédérative, en se débarrassant de la tristesse puritaine et de la cruauté biblique, d'ici à cent cinquante ans arrivera-t-elle à cette prohibition de rire12?

Si nous n'avons pas eu Paccini à Paris, s'il est même impossible que nous l'ayons jamais, nous avons entrevu Galli, dans le rôle de don Magnifico. Mais c'est à Milan, où il est aimé d'un public qui aime à rire, qu'il fallait voir son sérieux lorsqu'il visite le salon pour vérifier si personne n'écoute; à ce seul sérieux on reconnaît le sot qui va recevoir une grande confidence. Et quel feu, quelle admirable vivacité dans sa manière de retourner à son fauteuil pour écouter le prince! Il était tellement opprimé par le respect, et cependant si avide d'écouter, qu'il n'avait plus de forces, et que son corps prenait comme le mouvement ondulant d'un serpent, varié, à chaque parole du prince, par un mouvement convulsif; on ne pouvait pas douter d'avoir sous les yeux l'extrême d'une passion, et d'une passion ridicule. Galli n'a osé hasarder qu'une partie de ces gestes devant le public de Paris, qui effraie les pauvres chanteurs italiens. Ils savent que c'est à Paris que se font aujourd'hui les réputations européennes. Un article musical de la Pandorela Pandore, qui n'est pour nous qu'une pauvreté bien écrite que nous sautons, est une chose importante

Бесплатно

0 
(0 оценок)

Читать книгу: «La vie de Rossini, tome II»

Установите приложение, чтобы читать эту книгу бесплатно