Читать бесплатно книгу «La vie de Rossini, tome I» Фредерика Стендаля полностью онлайн — MyBook

Il est certain que Stendhal a déjà entendu pas mal de musique en Italie, en France, en Autriche et en Allemagne. Il fréquente à Milan chez Elena Vigano qui connaissait tous les compositeurs à la mode et chez ces sœurs Mombelli, Esther et Annette, qu'il appelle les premières chanteuses de l'Italie. Il discute avec les dilettantes et les compositeurs de sa connaissance, ou du moins il écoute avec ravissement leurs propos. Rossini rencontre en sa présence le poète Monti et peut-être lui arrive-t-il de prendre part à leur conversation.

Chassé des États autrichiens en 1821, Beyle se refait à Paris une vie analogue à celle qu'il menait à Milan. Il va fréquemment à l'Opéra, et il termine ses soirées chez Mme Pasta qui habite ainsi que lui-même l'hôtel des Lillois, au nº 63 de la rue de Richelieu. C'est dans cette chambre d'hôtel qu'il vient de mettre au point ses deux petits volumes sur l'Amour, et qu'il va maintenant consacrer son temps libre à la musique. Colomb, dans sa Notice a bien évoqué la genèse de l'œuvre future: «Mme Pasta, alors à l'apogée de son magnifique talent, occupait le premier étage de la même maison; elle y recevait tous les soirs, de onze à deux heures, une société d'élite; beaucoup d'Italiens faisaient partie de ces réunions, auxquelles Beyle manquait rarement. Là, soit par conviction, soit par courtoisie pour la maîtresse de la maison, personne n'aurait osé élever la voix en faveur de la musique française; on s'abstenait d'en parler. Vivant habituellement au milieu de cette atmosphère, regrettant profondément la société de Milan dont on l'avait prié de s'éloigner deux années auparavant, il n'est pas étonnant que Beyle, dans la Vie de Rossini, montre tant de dédain pour la musique française.»

On parle beaucoup à cette époque de Rossini. Nul ne le connaît mieux que Stendhal, qui arrive d'Italie, a entendu presque tous ses opéras et s'est fait lentement sur lui une opinion complexe et mûrie. Avant 1814, il l'ignorait, ou presque. Il ne le mentionne que très hâtivement dans son étude sur Métastase. On peut dire qu'il le découvre en 1816 et qu'il ne commence à l'apprécier qu'un an ou deux après: «Je m'imagine que Paër et Spontini sont jaloux de Rossini. Vif, généreux, brillant, rapide, chevaleresque, aimant mieux peindre peu profond que s'appesantir; sa musique, comme sa personne, est faite pour faire raffoler Paris», écrit-il à Mareste, de Milan, le 26 août 1818.

Ce qui ne l'empêche aucunement de critiquer ferme dans le même temps quelques œuvres du maestro, en particulier Dorliska. Il n'a garde d'oublier non plus tout ce que Rossini doit à Cimarosa: «Rossini a fait cinq opéras qu'il copie toujours; la Gazza est une tentative pour sortir du cercle; je verrai. Quant au Barbier, faites bouillir quatre opéras de Cimarosa et deux de Paisiello, avec une symphonie de Beethoven; mettez le tout en mesures vives, par des croches, beaucoup de triples croches, et vous avez le Barbier, qui n'est pas digne de dénouer les cordons de Sigillara, de Tancrède, et de l'Italiana in Algeri.» Ce n'était pas là le jugement d'un partisan bien fanatique. D'autant plus que Beyle, dès 1820, estime que Rossini ne fait plus que se répéter. C'est que la faconde de cet homme d'esprit qu'il vit souvent à Milan de 1819 à 1821 lui paraît, à la longue, grossière. Mais quand à la fin de 1821 il constate quelles médiocrités tiennent en France l'affiche du théâtre italien, il oublie un peu ses sévérités; la musique de Rossini comparée à ce qui fait d'ordinaire les délices de Paris lui semble au moins vivante, empreinte d'énergie rustique, féconde, agréable, légère. Et il n'est pas jusqu'à la couleur de Crébillon fils répandue sur le tout qui n'achève de le séduire.

Déjà collaborateur de quelques revues anglaises, car nous sommes à l'époque où pour vivre, Beyle a besoin d'augmenter ses très modiques ressources, il donne sur Rossini, en janvier 1822, à The Paris Monthly Review, un article qui paraît en anglais, sous le pseudonyme d'Alceste. L'article est bientôt démarqué par The Blackwood's Edinburg Magazine, dans son numéro d'octobre. Ce démarquage est reproduit textuellement à son tour dans le numéro de novembre de The Galignani's Monthly Review. Puis une feuille de Milan en publie une traduction italienne qui est ensuite insérée dans un volume paru dans cette même ville en 1824, sous ce titre: Rossini e la sua musica.

On voit par ce simple exposé combien Rossini piquait alors la curiosité et combien le plagiat était courant à cette époque, Stendhal fut trop souvent le bénéficiaire de ces mœurs littéraires pour que nous ne signalions pas hautement qu'il lui arriva d'en être aussi la victime.

Toujours est-il qu'en Italie l'article était en général considéré comme un pamphlet et la signora Gertrude Giorgi Righetti, ancienne cantatrice retirée de la scène et qui vivait à Bologne, publia en réponse une brochure de 62 pages qui s'élevait violemment non seulement contre l'article de Stendhal, mais contre tous ceux qui avaient mal parlé de Rossini ou qui, par omission, avaient paru nier son propre talent de comédienne 3.

Devant le succès de son étude du Paris Monthly Review, Stendhal propose à l'éditeur Murray qui avait précédemment publié la traduction des Vies de Haydn, Mozart et Métastase, de lui donner une sorte d'histoire de la musique au commencement du XIXe siècle, où il développerait les idées exprimées dans son premier article sur Rossini. Les pourparlers n'aboutissent pas. Beyle n'en travaille pas moins à l'ouvrage projeté, mais il voit qu'il est plus opportun de s'attacher au seul Rossini. Son manuscrit, terminé au printemps 1823, est aussitôt envoyé à Londres où le livre est mis en vente, l'année suivante, en janvier, chez l'éditeur Hookham sous le titre de: Memoirs of Rossini by the author of the Life of Haydn and Mozart. Mais avec un sans-gêne assez curieux le traducteur y prévient le lecteur qu'il a assez mutilé le manuscrit anonyme qui lui a été remis, notamment en ce qui touche la religion, la politique et les mœurs italiennes. De son côté, pendant que le livre est traduit et imprimé en Angleterre, Stendhal retravaille son ouvrage, le corrige, le complète et le gonfle en ajoutant des notes et des chapitres nouveaux. Il lui ajoute une préface qu'il date de Montmorency le 30 septembre 1823, et, en avril 1824, donne à Paris le bon à tirer de l'édition française profondément différente de l'édition anglaise et beaucoup plus longue. Cette Vie de Rossini n'est pas à proprement parler une biographie; d'autant plus qu'elle est incomplète et, s'arrêtant à 1819, ignore les œuvres plus fortes de la seconde manière du compositeur. C'est en outre un ouvrage écrit à bâtons rompus, pleins de digressions, de redites et d'un désordre charmant. Il trahit la hâte et l'improvisation, mais il fourmille toutefois d'analyses curieuses et d'idées originales. L'auteur avait bien tort de dire avec son habituelle modestie: «J'espère bien que si notre brochure existe encore en 1840, on ne manquera pas de la jeter au feu.» Grand Dieu! que c'eût été dommage! d'autant plus que de l'avis de l'homme le plus qualifié, M. Henry Prunières, qui s'est préoccupé de ses sources, la Vie de Rossini est tout entière de première main et de premier jet. Et pourtant plusieurs critiques malveillants n'avaient pas manqué, sur la seule foi de la mauvaise réputation de Beyle et de la ressemblance des titres, d'alléguer qu'il avait encore dû profiter des travaux de Carpani qui venait de publier de son côté les Rossiniane. Calomnie pure: les deux œuvres ne se ressemblent en rien. Ce n'est pas, bien entendu, que Beyle se soit privé d'emprunter de toutes parts, sinon aux livres qui ont précédé le sien, il n'y en a pas, du moins aux articles des journaux et à la conversation des dilettantes. On sait ainsi par sa correspondance qu'il réclamait à son ami de Mareste un chapitre sur l'établissement de l'opéra bouffe à Paris. Mais un fait à noter c'est le parallélisme absolu des jugements émis par Stendhal dans ses lettres intimes avec ceux que nous retrouvons dans le livre. Celui-ci ne reproduit au travers même des opinions empruntées que le jugement réfléchi de l'auteur, et dans une langue, dans un style, un tour de pensée qui n'appartiennent bien qu'à lui.

L'ouvrage parut à son heure. L'actualité le servit: Rossini arrivait à Paris peu après sa publication. Et le succès en fut assez grand pour valoir à Beyle une réputation bien établie de mélomane. Aussi le Journal de Paris lui offrit-il de tenir la rubrique du théâtre italien dans ses colonnes. Durant près de trois ans, du 9 septembre 1824 au 8 juin 1827, il y publiera quarante-deux chroniques signées M. où il défendra ses idées les plus chères en faisant une campagne généreuse pour la musique italienne. Sans doute est-ce la seule qu'il connût bien, mais on ne peut dénier qu'il soit sur ce sujet tout à fait renseigné ni qu'il en parlât clairement et avec feu.

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Beyle affirme que la rêverie fut ce qu'il préféra à tout, «même à passer pour homme d'esprit». Il confesse par ailleurs que son état habituel a été celui d'amant malheureux. Quelles ressources voluptueuses la musique ne devait-elle pas apporter alors à ce sentimental? «La bonne musique, dit-il dans sa Vie de Haydn, ne se trompe pas et va droit au fond de l'âme chercher le chagrin qui nous dévore.»

Suivant M. Henri Delacroix qui en a donné une analyse fort minutieuse 4 , Stendhal a esquissé une véritable idéologie de la musique. Pour bien la dégager, il faut glaner avec patience à travers son œuvre entière. Il ne s'est pas contenté en effet de parler musique dans les livres qu'il consacre à Haydn ou à Rossini, dans les essais où il se complaît à décrire pour les mieux goûter tous les aspects de l'Italie, ou encore dans ses œuvres autobiographiques. Dans ses romans eux-mêmes il note fréquemment le pouvoir qu'une douce mélodie exerce sur une âme sensible.

Pour lui, la musique apporte toujours une aide efficace à ses pensées. Elle le fait songer avec une intensité plus grande, avec plus de clarté, à ce qui l'occupe. Elle exalte surtout son sentiment amoureux, et il établit une analogie constante entre l'amour et la musique. Les mêmes lois du reste les régissent. On connaît le rôle de l'imagination dans l'amour d'après les théories stendhaliennes, et tout ce qu'elle apporte à la cristallisation. L'imagination de Beyle est de même si vivement fouettée par la musique qu'il n'aperçoit tout d'abord que son rôle d'excitant et qu'il note dans son Journal: «Si je perdais toute imagination, je perdrais peut-être en même temps mon goût pour la musique.»

On découvre pareillement qu'il sent surtout la musique quand il est amoureux ou, ce qui chez lui revient

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