Читать бесплатно книгу «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2 - (A suite - C)» Eugene Emmanuel Viollet-le-Duc полностью онлайн — MyBook
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archa, au lieu d'ara ou d'altare, pour désigner l'autel. Ces autels de bois étaient revêtus de matières précieuses, or, argent et pierreries. L'autel de Sainte-Sophie de Constantinople, donné par l'impératrice Pulchérie, consistait en une table d'or garnie de pierreries.

Il est d'usage depuis plusieurs siècles d'offrir le saint sacrifice sur des autels de pierre, ou si les autels sont de bois ou de toute autre matière, faut-il qu'il y ait au milieu une dalle de pierre consacrée ou autel portatif. Il ne semble pas que les autels portatifs consacrés aient été admis avant le VIIIe siècle, et l'on pouvait dire la messe sur des autels d'or, d'argent ou de bois. Théodoret, évêque de Cyr, qui vivait pendant la première moitié du Ve siècle, célébra les divins mystères sur les mains de ses diacres, à la prière du saint ermite Maris, ainsi qu'il le dit dans son Histoire religieuse 12. Théodore, archevêque de Cantorbéry, mort en 690, fait observer, dans son Pénitentiel 13 qu'on peut dire la messe en pleine campagne sans autel portatif, pourvu qu'un prêtre, ou un diacre, ou celui même qui dit la messe, tienne le calice et l'oblation entre ses mains. Les autels portatifs paraissent avoir été imposés dans les cas de nécessité absolue dès le VIIIe siècle. Béde, dans son Histoire des Anglais, parle d'autels portatifs que les deux Ewaldes portaient avec eux partout où ils allaient 14. Hincmar, archevêque de Rheims, mort en 882, permit, dans ses Capitulaires, l'usage des autels portatifs 15 en pierre, en marbre, ou en mosaïques. Pendant les XIe et XIIe siècles, ces autels portatifs devinrent fort communs; on les emportait dans les voyages. Aussi l'Ordre romain les appelle-t-il tabulas itinerarias. Les inventaires des trésors d'églises font mention fréquemment d'autels portatifs.

Sur les tables d'autels fixes, il était d'usage, dès avant le IXe siècle, d'incruster des propitiatoires, qui étaient des plaques d'or ou d'argent sur lesquelles on offrait le saint sacrifice. Anasthase le Bibliothécaire dit, dans sa Vie du pape Pascal I, que ce souverain pontife fit poser un propitiatoire en argent sur l'autel de Saint-Pierre de Rome, un sur l'autel de l'église de Sainte-Praxède, sur les autels de Sainte-Marie de Cosmedin, de la basilique de Sainte-Marie-Majeure. Le pape Léon IV fit également faire un propitiatoire pesant 72 livres d'argent et 80 livres d'or pour l'autel de la basilique de Saint-Pierre.

Les autels primitifs, qu'ils fussent de pierre, de bois ou de métal, étaient creux. L'autel d'or dressé par l'archevêque Angelbert dans l'église de Saint-Ambroise de Milan était creux, et l'on pouvait apercevoir les reliques qu'il contenait par une ouverture percée par derrière 16.



L'évêque Adelhelme, qui vivait à la fin du IXe siècle, raconte qu'un soldat du roi Bozon, qui était devenu aveugle, recouvra la vue en se glissant sous l'autel de l'église de Mouchi-le-Neuf du diocèse de Paris, pendant que l'on célébrait la messe. Les monuments viennent à cet égard appuyer les textes nombreux que nous croyons inutile de citer 17; les autels les plus anciens connus sont généralement portés sur une ou plusieurs colonnes 18 (1 et 2). La plupart des autels grecs étaient portés sur une seule colonne. L'usage des autels creux ou portés sur des points d'appui isolés s'est conservé jusqu'au XVe siècle. L'autel n'était considéré jusqu'alors que comme une table sous laquelle on plaçait parfois de saintes reliques, ou qui était élevée au-dessus d'une crypte renfermant un corps saint, car à vrai dire les reliquaires étaient plutôt, pendant le moyen âge, posés, à certaines occasions, sur l'autel que dessous 19. Il n'existe plus, que nous sachions, en France, d'autels complets d'une certaine importance antérieurs au XIIe siècle.



On en trouve figurés dans des manuscrits ou des bas-reliefs avant cette époque, mais ils sont très-simples, presque toujours sans retables, composés seulement d'une table supportée par des colonnes et recouverte de nappes tombant sur les deux côtés jusqu'au sol. L'usage des retables est cependant fort ancien, témoin le retable d'or donné par l'empereur Henri II à la cathédrale de Bâle, en 1019, et conservé aujourd'hui au musée de Cluni (voy. RETABLE); le grand retable d'or émaillé et enrichi de pierreries déposé sur le maître autel de l'église Saint-Marc de Venise, connu sous le nom de la Pala d'oro, et dont une partie date de la fin du Xe siècle; celui conservé autrefois dans le trésor de Saint-Denis. L'autel étant consacré dès les premiers siècles, aucune image ne devait y être déposée en présence de l'Eucharistie; mais le retable ne l'étant point, on pouvait le couvrir de représentations de personnages saints, de scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament. Sauf dans certaines cathédrales, à dater du XIIe siècle, les autels sont donc surmontés de retables fort riches, et souvent d'une grande dimension. Quant aux tables des autels, jusque vers la moitié du XIIe siècle, elles sont très-fréquemment creusées en forme de plateau. Saint Remi, archevêque de Lyon, avait donné à l'église Saint-Étienne, pendant le IXe siècle, un autel de marbre dont la table était creusée de six centimètres environ, avec de petits orifices à chacun des coins 20. D. Mabillon reproduit, dans le troisième volume de ses Annales Benedictini, une table d'autel de sept palmes de long sur quatre de large, donnée par l'abbé Tresmirus à son monastère de Mont-Olivet, du diocèse de Carcassonne, également creusée et remplie d'inscriptions et d'ornements gravés, avec les quatre signes des évangélistes aux quatre coins 21. La grande table du maître autel de l'église Saint-Sernin de Toulouse retrouvée depuis quelques années dans l'une des chapelles, et conservée dans cette église, était également entourée d'une riche bordure d'ornements et creusée; cette table paraît appartenir à la première moitié du XIIe siècle.



Il semble que ces tables aient été creusées et percées de trous afin de pouvoir être lavées sans crainte de répandre à terre l'eau qui pouvait entraîner des parcelles des Saintes espèces. Voici (3) la figure de l'autel de la tribune de l'église de Montréal près Avallon, dont la table portée sur une seule colonne est ainsi creusée et percée d'un petit orifice 22. «Le grand autel de la cathédrale de Lyon, dit le sieur de Moléon, dans ses Voyages liturgiques 23, est ceint d'une balustrade de cuivre assez légère, haute de deux pieds environ, et elle finit au niveau du derrière de l'autel qui est large environ de cinq pieds. L'autel, dont la table de marbre est un peu creusée par-dessus, est fort simple, orné seulement d'un parement par devant et d'un autre au retable d'au-dessus. Sur ce retable sont deux croix aux deux côtés; Scaliger dit qu'il n'y en avait point de son temps.»

Guillaume Durand, dans son Rational, que l'on ne saurait trop lire et méditer lorsqu'on veut connaître le moyen âge catholique 24, s'étend longuement sur l'autel et la signification des diverses parties qui le composent. «L'autel, dit-il d'après les Écritures, avait beaucoup de parties, à savoir la haute et la basse, l'intérieure et l'extérieure... Le haut de l'autel c'est Dieu-Trinité, c'est aussi l'Église triomphante... Le bas de l'autel c'est l'Église militante; c'est encore la table du temple, dont il est dit: «Passez les jours de fêtes dans de saints repas, assis et pressés à ma table près du coin de l'autel...» L'intérieur de l'autel c'est la pureté du coeur....

L'extérieur de l'autel c'est le bûcher ou l'autel même de la croix... En second lieu, l'autel signifie aussi l'Église spirituelle; et ses quatre coins, les quatre parties du monde sur lesquelles l'Église étend son empire. Troisièmement, il est l'image du Christ, sans lequel aucun don ne peut être offert d'une manière agréable au Père. C'est pourquoi l'Église a coutume d'adresser ses prières au Père par l'entremise du Christ. Quatrièmement, il est la figure du corps du Seigneur; cinquièmement, il représente la table sur laquelle le Christ but et mangea avec ses disciples. Or, poursuit-il, on lit dans l'Exode que l'on déposa dans l'arche du Testament ou du Témoignage la déclaration, c'est-à-dire les tables sur lesquelles était écrit le témoignage, on peut même dire les témoignages du Seigneur à son peuple; et cela fut fait pour montrer que Dieu avait fait revivre par l'écriture des tables la loi naturelle gravée dans les coeurs des hommes. On y mit encore une urne d'or pleine de manne pour attester que Dieu avait donné du ciel du pain aux fils d'Israël, et la verge d'Aaron pour montrer que toute puissance vient du Seigneur-Dieu, et le Deutéronome en signe du pacte par lequel le peuple avait dit: «Nous ferons tout ce que le Seigneur nous dira.» Et à cause de cela l'arche fut appelée l'Arche du Témoignage ou du Testament, et, à cause de cela encore, le Tabernacle fut appelé le Tabernacle du Témoignage. Or, on fit un propitiatoire ou couverture sur l'Arche... C'est à l'imitation de cela que dans certaines églises on place sur l'autel une arche ou un tabernacle dans lequel on dépose le corps du Seigneur et les reliques des saints... Donc, ajoute Guillaume Durand plus loin, par l'autel il faut entendre notre coeur;... et le coeur est au milieu du corps comme l'autel est au milieu de l'église. C'est au sujet de cet autel que le Seigneur donne cet ordre dans le Lévitique: «Le feu brûlera toujours sur mon autel.» Le feu c'est la charité; l'autel c'est un coeur pur... Les linges blancs dont on couvre l'autel représentent la chair ou l'humanité du Sauveur...» Guillaume Durand termine son chapitre de l'Autel, en disant que jamais l'autel ne doit être dépouillé, ni revêtu de parements lugubres ou d'épines, si ce n'est au jour de la Passion du Seigneur (ce que, ajoute-t-il, réprouve aujourd'hui le concile de Lyon), ou lorsque l'Église est injustement dépouillée de ses droits. Dans son chapitre III (des Peintures, etc.), il dit: «On peint quelquefois les images des saints Pères sur le retable de l'autel... Les ornements de l'autel sont des coffres et des châsses (capsis), des tentures, des phylactères (philatteriis), des chandeliers, des croix, des franges d'or, des bannières, des livres, des voiles et des courtines. Le coffre dans lequel on conserve les hosties consacrées, signifie le corps de la Vierge glorieuse... Il est parfois de bois, parfois d'ivoire blanc, parfois d'argent, parfois d'or et parfois de cristal... Le même coffre, lorsqu'il contient les hosties consacrées et non consacrées, désigne la mémoire humaine; car l'homme doit se rappeler continuellement les biens qu'il a reçus de Dieu, tant les temporels, qui sont figurés par les hosties non consacrées, que les spirituels, représentés par les hosties consacrées ... Et les châsses (capsæ) posées sur l'autel, qui est le Christ, ce sont les apôtres et les martyrs; les tentures et les linges de l'autel, ce sont les confesseurs, les vierges et tous les saints, dont le Seigneur dit au prophète: «Tu te revêtiras d'eux comme d'un vêtement...» On place encore sur l'autel même, dans certaines églises, le tabernacle (tabernaculum), dont il a été parlé au chapitre de l'Autel.

«Aux coins de l'autel sont placés à demeure deux chandeliers, pour signifier la joie des deux peuples qui se réjouirent de la nativité du Christ; ces chandeliers, au milieu desquels est la croix, portent de petits flambeaux allumés; car l'ange dit aux pasteurs: «Je vous annonce une grande joie qui sera pour tout le peuple, parce qu'aujourd'hui vous est né le Sauveur du monde...»

«Le devant de l'autel est encore orné d'une frange d'or, selon cette parole de l'Exode (chap. XXV et XXVIII): «Tu me construiras un autel, et tu l'entoureras d'une guirlande haute de quatre doigts.

«Le livre de l'Évangile est aussi placé sur l'autel, parce que l'Évangile a été publié par le Christ lui-même et que lui-même en rend témoignage.» En parlant des voiles, l'évêque de Mende s'exprime ainsi: «Il est à remarquer que l'on suspend trois sortes de voiles dans l'église, à savoir: celui qui couvre les choses saintes, celui qui sépare le sanctuaire du clergé, et celui qui sépare le clergé du peuple... Le premier voile, c'est-à-dire les rideaux que l'on tend des deux côtés de l'autel, et dont le prêtre pénètre le secret, a été figuré d'après ce qu'on lit dans l'Exode (XXXIV)... Le second voile, ou courtine, que, pendant le carême et la célébration de la messe, on étend devant l'autel, tire son origine et sa figure de celui qui était suspendu dans le tabernacle et qui séparait le Saint des saints du lieu saint... Ce voile cachait l'arche au peuple, et il était tissu avec un art admirable et orné d'une belle broderie de diverses couleurs;... et, à son imitation, les courtines sont encore aujourd'hui tissues de diverses couleurs très-belles...

«Dans quelques églises, l'autel, dans la solennité de Pâques, est orné de couvertures précieuses, et l'on met dessus des voiles de trois couleurs: rouge, gris et noir, qui désignent trois époques. La première leçon et le répons étant finis, on ôte le voile noir, qui signifie le temps avant la loi. Après la seconde leçon et le répons, on enlève le voile gris, qui désigne le temps sous la loi. Après la troisième leçon, on ôte le voile rouge, qui signifie l'époque de la grâce, dans laquelle, par la Passion du Christ, l'entrée nous a été et nous est encore ouverte au Saint des saints et à la gloire éternelle.»

Quelque longues que soient ces citations, on comprendra leur importance et leur valeur; elles jettent une grande clarté sur le sujet qui nous occupe. Tant que le clergé maintint les anciennes traditions, et jusqu'au moment où il fut entraîné par le goût quelque peu désordonné du XVIe siècle, il sut conserver à l'autel sa signification première. L'autel demeura le symbole visible de l'ancienne et de la nouvelle loi. Chacune des parties qui le composaient rappelait les saintes Écritures, ou les grands faits de la primitive Église. Toujours simple de forme, que sa matière fût précieuse ou commune, il était entouré de tout ce qui devait le faire paraître saint aux yeux des fidèles, sans que ces accessoires lui ôtassent ce caractère de simplicité et de pureté que le faux goût des derniers siècles lui ont enlevé.

Nous allons essayer, soit à l'aide des textes, soit à l'aide des monuments, de donner une idée complète des autels de nos églises du moyen âge. Mais d'abord, il est nécessaire d'établir une distinction entre les différents autels. Dans les églises cathédrales, le maître autel non-seulement était simple de forme, mais souvent même il était dépourvu de retable, entouré seulement d'une clôture avec voiles et courtines, et surmonté au dossier d'une colonne avec crosse à laquelle était suspendue la sainte Eucharistie. Sur les côtés étaient établies des armoires dans lesquelles étaient renfermées les reliques; quelquefois, au lieu de la suspension, sur l'autel, était posé un riche tabernacle, ainsi que nous l'apprend Guillaume Durand, destiné à contenir les hosties consacrées et non consacrées. Toutefois, il est à présumer que ces tabernacles ou coffres, n'étaient pas fixés à l'autel d'une manière permanente. Sur l'autel même se dressaient seulement la croix et deux flambeaux.




Jusqu'au XIIIe siècle, les trônes des évêques et les stalles des chanoines régulier étaient disposés généralement, dans les cathédrales, au chevet; le trône épiscopal occupait le centre. Cette disposition, encore conservée dans quelques basiliques romaines, entre autres à Saint-Jean-de-Latran, à Saint-Laurent hors les murs (4) 25, à Saint-Clément (5) 26, etc., et qui appartenait à la primitive Église, devait nécessairement empêcher l'établissement des contre-autels ou des retables, car ceux-ci eussent caché le célébrant. Aussi ne voit-on guère les retables apparaître que sur les autels adossés, sur ceux des chapelles, rarement sur les autels principaux des cathédrales. Dans les églises monastiques, il y avait presque toujours l'autel matutinal, qui était celui où se disait l'office ordinaire, placé à l'entrée du sanctuaire au bout du choeur des religieux, et l'autel des reliques, posé au fond du sanctuaire, et derrière ou sous lequel étaient conservées les châsses des saints. C'était ainsi qu'étaient établis les autels principaux de l'église de Saint-Denis en France, dès le temps de Suger. Au fond du rond-point, l'illustre abbé avait fait élever le reliquaire contenant les châsses des saints martyrs, en avant duquel était placé un autel. Voici la description que donne D. Doublet de ce monument remarquable... «En ceste partie est le très-sainct autel des glorieux saincts martyrs (ou bien l'autel des corps saincts, à raison que leurs corps reposent soubs iceluy), lequel est de porphyre gris beau en perfection: et la partie d'au-dessus, ou surface du même autel, couverte d'or fin, aussi enrichi de plusieurs belles agathes, et pierres précieuses. Là se voit une excellente table couverte d'or (un retable), ornée et embellie de pierreries, qu'a fait faire jadis le roi Pepin, laquelle est quarrée, et sur les quatre costez sont des lettres en émail sur or, les unes après les autres, en ces termes: Bertrada Deum venerans Christoque sacrata. Et puis: Pro Pippino rege fælicissimo quondam...

















































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