SACRAIRE, s. m. Petite pièce voûtée, située près du choeur des églises, où l'on renfermait les vases sacrés. Dans un grand nombre d'églises, la sacristie servait de sacraire; c'était dans la sacristie que l'on déposait les vases sacrés. Cependant on signale de véritables sacraires annexés à des choeurs d'églises du moyen âge. L'ancienne cathédrale de Carcassonne possède deux sacraires à droite et à gauche du sanctuaire (voy. CATHÉDRALE, fig. 49), qui sont voûtés très-bas et munis d'armoires à doubles vantaux. Ces sacraires datent du XIVe siècle. Nous en trouvons également dans la cathédrale de Châlons-sur-Marne, qui datent du XIIe siècle. Ces réduits n'ont pas d'issues sur l'extérieur, et s'ouvrent sur l'église par des portes étroites et bien ferrées. Dans certaines églises conventuelles, le sacraire, c'est-à-dire le dépôt des vases sacrés, consistait en un édicule en pierre ou en bois placé près de l'autel. Cette disposition était observée autrefois dans l'église abbatiale de Cluny, dans celle de Saint-Denis, en France (voy. CHOEUR, fig. 2).
SACRISTIE, s. f. Salle située près du choeur des églises, servant à la préparation des cérémonies du culte, permettant au clergé de revêtir les habits de choeur, de renfermer les ornements, les vases sacrés dans des armoires disposées à cet effet. Pendant le moyen âge, les églises étaient toujours entourées de dépendances importantes. Autour des églises conventuelles s'élevaient les bâtiments de la communauté; sur l'un des flancs des églises cathédrales, les bâtiments épiscopaux; dans le voisinage des paroisses, la cure et quelquefois des hospices. Ces annexes aux églises, permettaient d'établir à rez-de-chaussée, et de plain-pied avec le choeur, des salles plus ou moins nombreuses et vastes, qui étaient affectées au service religieux. Cela explique comment beaucoup de nos églises, dont les bâtiments annexes ont été démolis, sont dépourvues de sacristies anciennes.
Cependant quelques cathédrales ont conservé leurs sacristies, parce qu'elles dépendaient du monument lui-même. C'est ainsi que la cathédrale de Rouen possède encore sa sacristie de la fin du XIIe siècle, accolée au flanc sud du choeur; que des deux côtés du transsept de la cathédrale de Laon on voit deux belles sacristies du commencement du XIIIe siècle; que la cathédrale de Tours possède une vaste sacristie du XIIIe siècle; que celle de Chartres, au côté nord du choeur, conserve une belle sacristie du XIVe siècle (voyez CATHÉDRALE). Toutefois ces dépendances sont aujourd'hui rarement suffisantes pour les besoins du clergé, les évêchés ou bâtiments monastiques ayant été démolis ou affectés à d'autres usages. Ces sacristies donnaient souvent sur un cloître, comme à la cathédrale d'Amiens.
Une des plus anciennes sacristies dont nous ayons conservé les dispositions, est celle de la cathédrale de Paris, qui réunissait l'église au palais épiscopal. Il nous reste de ces salles de très-curieux dessins déposés aux archives de l'empire 37, dessins que nous reproduisons ici (fig. 1). Cette sacristie de Notre-Dame de Paris se composait d'un bâtiment à deux étages, l'un au-dessous du sol de l'église, l'autre à 5 mètres environ au-dessus.
Les constructions indiquées sur le plan A en noir dataient du temps de Maurice de Sully, c'est-à-dire de la fin du XIIe siècle; celles teintées en gris étaient postérieures. En B, est le bas côté sud du choeur de la cathédrale; en C, le degré de six marches descendant à la sacristie basse, et en D, l'escalier montant à la sacristie haute, qui servait aussi de trésor. Il est vraisemblable que du temps de Maurice de Sully, la sacristie basse comme la salle haute comprenaient tout le bâtiment. Mais lorsqu'au commencement du XVIe siècle, l'évêque Étienne de Poncher fit doubler la grande salle G par une galerie E, le passage F entre la sacristie et l'évêché se trouvant masqué, on établit, un passage H aux dépens de la salle basse. L'officialité de l'évêque étant établie au rez-de-chaussée de la grande salle G, la tour I servait de geôle. La coupe P, faite sur l'axe longitudinal de la sacristie, indique la disposition des salles affectées au service religieux. En démolissant la sacristie bâtie par Soufflot dans le dernier siècle, nous avons retrouvé les fenêtres en tiers-point K, percées à travers les contre-forts de l'église. Du palier C, on descendait encore à deux petits vestiaires voûtés sous les chapelles qui, au XIIIe siècle, furent bâties entre ces contre-forts.
Ces annexes contemporaines de l'évêque Maurice de Sully, constructeur du choeur de l'église Notre-Dame de Paris, font connaître que les services des sacristies, autrefois, n'avaient pas l'importance qu'ils ont acquis de nos jours. Ces services se composaient d'une ou de deux salles de médiocre étendue. Il est vrai qu'autour de ces églises cathédrales, il existait des bâtiments occupés par les chanoines, qui arrivaient tout habillés au choeur par les cloîtres. Les sacristies des cathédrales de Troyes, de Langres, d'Amiens, de Tours, de Chartres, de Noyon, du Mans, de Bayeux, de Coutances, de Clermont, de Narbonne, de Limoges, qui existent encore, n'ont pas même l'étendue de celles anciennes de la cathédrales de Paris. Ce sont des salles voûtées qui prennent une ou deux travées, et qui se confondent pour ainsi dire dans l'ordonnance du grand monument. À l'extérieur, elles affectent cependant des dispositions plus fermées que les chapelles; leurs fenêtres grillées sont plus étroites et se rapprochent du style adopté pour les édifices civils. Souvent, comme à Notre-Dame de Paris, elles possèdent un premier étage qui servait de trésor, d'archives, de bibliothèque, c'est-à-dire de dépôt pour les livres du choeur.
Nous ne devons pas omettre ici la jolie sacristie qui flanquait la sainte Chapelle du palais, à Paris, et qui avait été construite en même temps. Cette sacristie avait trois étages: le rez-de-chaussée, au niveau du sol de la chapelle basse; le premier, au niveau du sol de la chapelle haute ou Royale; le troisième, lambrissé, qui contenait de précieuses chartes (voyez PALAIS, fig. 2 et 3). Ce bâtiment n'était réuni à la sainte Chapelle que par une petite galerie et paraissait ainsi isolé. Il était orienté comme la sainte Chapelle et terminé à l'est par une abside à cinq pans (voy. CHAPELLE, fig. 1 et 2). Ce charmant édifice, dont nous ne possédons que des dessins et des gravures, fut démoli vers la fin du dernier siècle, pour bâtir cette galerie qui, du côté du nord, masque si désagréablement la sainte Chapelle. Au château de Vincennes, on voit encore une disposition analogue bien conservée. La sainte Chapelle de ce château est flanquée de deux sacraires et d'une sacristie, avec trésor au-dessus (voy. CHAPELLE, fig. 8 et 9).
SALLE, s. f. À proprement parler, salle s'entend comme espace relativement vaste et couvert. Ainsi, pour une maison, la salle est l'espace le plus spacieux où la famille se réunit, où l'on reçoit les étrangers.
Pendant le moyen âge, on ne faisait pas cette distinction, toute moderne, entre le salon et la salle à manger. Il y avait la salle, qui était le centre, le local commun où l'on recevait, où l'on mangeait, puis des chambres, garde-robes et réduits. Il y avait la salle basse (rez-de-chaussée), pour les gens, les familiers; la salle haute (au premier étage), pour le maître et les siens.
Nous avons peut-être pris certaines habitudes aux Romains, nos conquérants, et il est à croire qu'au deuxième siècle de notre ère, l'habitation d'un riche Gaulois ou Gallo-Romain, si l'on veut, ressemblait fort à celle d'un Romain de Rome. Mais en pénétrant dans les premiers temps du moyen âge, on ne trouve que peu de traces de ces habitudes purement romaines, tandis qu'on en découvre beaucoup d'autres qui n'ont point d'analogie avec celles-ci. Or, on nous permettra de poser ce dilemme aux nombreux historiens passés et présents qui font prévaloir l'influence des moeurs romaines sur les populations gauloises. Ou cette influence n'était pas aussi considérable qu'on veut le croire, n'avait pas pénétré dans les classes moyenne et inférieure de la nation, ou elle a bien vite cédé aux moeurs des envahisseurs du nord-est au IVe siècle, puisque, plus nous nous enfonçons dans les profondeurs du moyen âge, plus nous trouvons des usages qui ne sont nullement romains. Dans l'une ou l'autre de ces hypothèses, il faudrait reconnaître, ou que la nation gauloise était restée fidèle à ses moeurs anti-romaines, malgré la possession romaine, ou qu'elle s'est empressée de saisir la première occasion qui lui permettait de reprendre des habitudes qui lui étaient chères et qu'elle n'avait pas abandonnées volontiers. Il y a peu de temps, il est vrai, que l'on s'est mis à étudier et à écrire l'histoire en regardant au delà des événements politiques, lesquels n'ont pas sur les nations l'influence qu'on leur a prêtée si longtemps. Conquérir un peuple ou changer ses moeurs, ce sont deux opérations bien différentes, et nous voyons que, même de nos jours, des populations nominativement englobées dans une circonscription politique, dévoilent tout à coup des tendances, des goûts, des aptitudes anti-pathiques à cette classification politique.
Que les études archéologiques et ethnologiques aient été pour quelque chose dans ces manifestations modernes, cela est possible, et expliquerait même la répulsion instinctive de quelques personnages pour ces études; mais le symptôme ne se manifesterait pas si la cause n'existait pas. Or, dans les recherches historiques, les symptômes ou les effets, si l'on veut, doivent être signalés avec soin, sous quelque forme qu'ils se présentent. Donc, pour en revenir à l'objet qui nous occupe, nous croyons que dès l'époque mérovingienne, la salle prend un rôle très-important. Ces barbares, ces Francs venus du nord-est, qui envahissent le sol gaulois, bâtissent des salles, ou transforment des édifices gallo-romains de manière à posséder avant tout une salle propre à réunir leurs leudes, et à organiser ces banquets homériques qui duraient tant qu'il restait des vivres à consommer. Rien de semblable dans les habitudes des Romains. La basilique romaine était un édifice public, sorte de bourse où se traitaient toutes sortes d'affaires; lieu de rendez-vous, tribunal où l'on rendait la justice. Mais la basilique romaine n'avait pas le caractère individuel de la salle des mérovingiens. Le Romain, chez lui, recevait peu de monde; sa vie se passait sur la place publique, dans les thermes ou sous les portiques. Ses clients, ses affranchis, l'attendaient à la porte de sa maison, sur la voie publique. Entre la famille du Romain et ses clients, si nombreux ou si gros personnages qu'ils fussent, il y avait toujours une barrière infranchissable. Or, les auteurs anciens qui ont décrit les moeurs des Gaulois nous les représentent tous comme aimant les réunions nombreuses, les banquets, les assemblées, comme introduisant facilement dans leurs maisons, non-seulement leurs proches, les hommes du clan, mais les étrangers; comme se plaisant à l'hospitalité plantureuse. Les conquérants barbares manifestent les mêmes goûts, et la nation gauloise tout entière, loin d'être romanisée sous ce rapport, et de réagir contre ces moeurs des nouveaux venus, les adopte, ou, ce qui paraît plus probable, n'avait jamais cessé de les pratiquer. Si, pour un chef franc, la salle était l'habitation tout entière, si les villæ mérovingiennes consistaient surtout en un grand bâtiment propre à recevoir une nombreuse assemblée, entouré de quelques dépendances pour l'habitation des serfs, des colons, pour abriter les bestiaux et contenir des provisions, l'habitation du citadin, d'aussi loin que nous pouvons l'entrevoir, se compose également de la salle où l'on reçoit les allants et venants, où l'on réunit la famille, les amis, les étrangers, où l'on mange en commun, où se traitent les affaires.
La salle appartient donc bien aux races du Nord; on la retrouve partout où elles s'établissent, en Bretagne, en Germanie, dans les Gaules. C'est donc un des programmes les plus importants dans l'art de l'architecture du moyen âge, un de ceux qui se modifient le moins depuis les premiers siècles jusqu'au XVIIe; et, chose singulière, c'est un des programmes les moins définis, probablement parce que tout le monde, du petit au grand, savait ce qu'était la salle.
Dans son Dictionnaire historique d'architecture, M. Quatremère de Quincy s'exprime ainsi à propos des salles: «Il ne serait point possible aujourd'hui d'assigner dans l'architecture moderne (c'est-à-dire depuis l'antiquité), aux salles les plus remarquables, ni forme particulière, ni caractère général susceptible de devenir l'objet, soit d'une théorie, soit d'une pratique fondée sur quelque usage constant...»
Si nous nous en tenions à cette phrase un peu ambiguë du célèbre académicien, les grandes salles des palais, des châteaux, n'auraient pas été «l'objet d'une pratique fondée sur un usage constant.» Probablement ces vastes espaces couverts auraient été dus au hasard. C'est pourtant à des conclusions de cette force que conduit l'esprit exclusif, fût-il appuyé sur le savoir et une haute intelligence.
Le moyen âge nous a laissé des programmes d'églises, de châteaux, de palais, de monastères, de manoirs et de maisons, il ne nous en a pas légué sur les salles; mais, à défaut des programmes, les monuments existent, et nous permettent de combler cette lacune, car ils sont tous élevés d'après une donnée générale, qui frappe les moins clairvoyants. Nous ne parlerons des salles mérovingiennes et carlovingiennes que pour mémoire; il ne reste debout aucun de ces monuments, construits presque entièrement en charpente. Nous ne pouvons commencer à étudier les salles que sur les monuments du XIIe siècle. La grand'salle du palais épiscopal bâti par Maurice de Sully entre la cathédrale de Paris et le petit bras de la Seine, au sud, affecte déjà les caractères particuliers aux grandes salles des palais et châteaux du moyen âge. Ce bâtiment se composait de deux étages, l'un au rez-de-chaussée, l'autre au premier (voy. PALAIS, fig. 7), tous deux voûtés, celui du rez-de-chaussée sur une épine de colonnes, celui du premier d'une seule volée. Le rez-de-chaussée était l'officialité; le premier, la salle de réunion, à laquelle on montait par un escalier disposé dans la tour barlongue (voy. SACRISTIE, fig. 1). Le chéneau était crénelé du côté de la rivière, et formait une défense (voy. PALAIS, fig. 8).
De l'examen de cette disposition adoptée au XIIe siècle, on peut déjà conclure que toute grande salle de palais ou château devait se composer d'un rez-de-chaussée et d'un premier étage, et en effet nous allons voir que les programmes adoptés jusqu'au XVIe siècle ne s'éloignent guère de cette donnée première. Si la salle synodale de l'évêché de Paris n'existe plus que sur des plans anciens et des gravures, celle de l'archevêché de Sens est entière dans son ensemble et ses détails. Elle date du règne de saint Louis, de 1240 environ. Le rez-de-chaussée, bâti sur caves, est voûté sur une épine de colonnes et contient les salles de l'officialité et les prisons (voy. PRISON, fig. 1). Une entrée carrossable passe sous l'extrémité septentrionale de cette salle, et un large escalier partant de ce passage conduit à la salle du premier étage ou salle synodale, ainsi qu'on le voit sur le plan (fig. 1, en A).
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