*Me voilà un peu embarrassé actuellement; je ne dois vous appeller ni Monsieur, ni ami. Eh bien! vous saurez qu'étant parti Samedi de Strasbourg, pendant que je venois ici, votre seconde lettre alloit là, et qu'ainsi je reçus votre troisième, Dimanche, et votre seconde, hier. La mention que vous y faisiez du Suisse George, dont je n'ai pu rien trouver dans la première, m'a fait comprendre qu'il y en avoit une seconde, et j'ai cru devoir attendre un courier, la troisième n'exigeant pas de réponse.
Pour votre parole, permettez que je vous en dispense encore, et même jusqu'au dernier jour, je sens bien qu'un procédé contraire vous conviendroit; mais certes il ne me convient pas du tout. Ceci, comme vous le dites, est une espèce de mariage, et pensez vous que malgré les engagemens les plus solemnels, je n'eusse pas reconduit chez elle, du pied des autels, la femme la plus aimable qui m'eut temoigné des regrets? Jamais je ne me consolerois, si je vous voyois mécontent dans la suite, et dans le cas de me faire des reproches. C'est à vous à faire, si vous croyez nécessaire, des démarches de votre côté, qui fortifient votre résolution; pour moi, je n'en ferai point d'essentielles, jusqu'à ce que j'aye reçu encore une lettre de vous. Après ce petit préambule, parlons toujours comme si l'affaire étoit décidée, et repassons votre lettre. Tout ce que vous dites des grandes et petites villes, est très vrai, et votre comparaison des détroits et de la pleine mer, est on ne peut pas plus juste et agréable; mais enfin, comme on fait son lit, on se couche, disoit Sancho Pancha d'agréable mémoire, et qui peut mieux faire son lit à sa guise qu'un étranger, qui, n'ayant ni devoirs d'état ni de sang à remplir, peut vivre entièrement isolé, sans que personne y puisse trouver à redire? Moi même, bourgeois et citoyen de la ville, je suis presqu'entièrement libre. L'été, par exemple, je déteste de m'enfermer le soir dans des chambres chaudes, pour faire une partie. Eh bien! on m'a persécuté un peu la première année; à présent on me laisse en repos. Il y aura sans doute quelque changement dans votre manière de vivre: mais il me semble qu'on se fait aisément à cela. Les dîners, surtout en femmes, sont très rares; les soupers peu grands; on reste plutôt pour être ensemble, que pour manger, et plusieurs personnes ne s'asseyent point. Je crois, tout compté et rabattu, que vouz aurez encore plus de tems pour le cabinet qu'à Londres; on sort peu le matin, et quand nos amis communs viendront chez moi, et vous demanderont, je leur dirai; "ce n'est pas un oisif comme vous autres, il travaille dans son cabinet," et ils se tairont respectueusement.
Pour les bibliothèques publiques, votre idée ne pourroit, je pense, se réaliser pour un lecteur ou même un écrivain ordinaire, mais un homme qui joue un rôle dans la république des lettres, un homme aimé et considéré, trouvera, je m'imagine, bien des facilités; d'ailleurs, j'ai de bons amis à Berne, et je prendrai ici des informations.
Passons à la table. Si j'étois à Lausanne, cet article seroit plus sûr, je pourrois revoir mes papiers, consulter; j'ai une chienne de mémoire. A vue de pays cela pourra aller de 20 à 30 Louis par mois, plus ou moins, vous sentez, suivant la friandise, et le plus ou moins de convives. Marquez moi dans votre première combien vous coûte le vôtre.
SOCIAL HABITS AT LAUSANNE.
Je sens fort bien tous les bonnets de nuit: point de grands changemens sans embarras, même sans regrets; vous en aurez quelquefois sans doute: par exemple, si votre salle à manger, votre salle de compagnie, sont plus riantes, vous perdrez pour le vase de la bibliothèque. Pour ce qui est des représentations, des discours au moins inutiles, il me semble que le mieux seroit de masquer vos grandes opérations, de ne parler que d'une course, d'une visite chez moi, de six mois ou plus ou moins. Vous feriez bien, je pense, d'aller chez mon ami Louis Teissier; c'est un brave et honnête homme, qui m'est attaché, qui aime notre pays; il vous donnera tout plein de bons conseils avec zèle, et vous gardera le secret.
Vous aurez quelquefois à votre table un poëte; – oui, Monsieur, un poëte: – nous en avons un enfin. Procurez vous un volume 8vo. Poësies Helvétiennes, imprimées l'année passée chez Mouser, à Lausanne.44 Vouz trouverez entr'autres dans l'épitre au jardinier de la grotte, votre ami et votre parc. Toute la prose est de votre très humble serviteur, qui désire qu'elle trouve grace devant vous.
Le Comte de Cagliostro45 a fait un séjour à Londres. On ne sait qui il est, d'où il est, d'où il tire son argent; il exerce gratis ses talens pour la médecine; il a fait des cures admirables; mais c'est d'ailleurs le composé le plus étrange. J'ai cessé de prendre ses remèdes qui m'échauffoient – l'homme d'ailleurs me gâtoit le médecin. Je suis revenu à Basle avec mon ami. Adieu; récrivez moi le plutôt possible.*
Hampton Court, ce 1 Juillet, 1783.
HIS DECISION TO LEAVE ENGLAND.
*Après avoir pris ma résolution, l'honneur, et ce qui vaut encore mieux l'amitié, me défendent de vous laisser un moment dans l'incertitude. Je pars. Je vous en donne ma parole, et comme je suis bien aise de me fortifier d'un nouveau lien, je vous prie très sérieusement de ne pas m'en dispenser. Ma possession, sans doute, ne vaut pas celle de Julie; mais vous serez plus inexorable que St. Preux. Je ne sens plus qu'une vive impatience pour notre réunion. Mais le mois d'Octobre est encore loin; 92 jours, et nous aurons tout le tems de prendre, et de nous donner des éclaircissemens dont nous avons besoin. Après un mûr examen, je renonce au voyage de George Suess, qui me paroît incertain, cher et difficile. Après tout mon valet de chambre et ma bibliothèque sont les deux articles les plus embarrassans. Si je ne retenois pas ma plume, je remplirois sans peine la feuille; mais il ne faut pas passer du silence à un babil intarissable. Seulement si je connois le Comte de Cagliostro, cet homme extraordinaire, &c. Savez vous le Latin? oui, sans doute; mais faites, comme si je ne le savois point. Quand retournez vous à Lausanne vous même?* Je pense que vous y trouverez une petite bête, bien aimable mais tant soit peu mechante, qui se nomme My lady Elizabeth Foster, parlez lui de moi, mais parlez en avec discretion, elle a des correspondences partout. *Vale.*
July 10th, 1783.
*You will read the following lines with more patience and attention than you would probably give to a hasty conference, perpetually interrupted by the opening of the door, and perhaps by the quickness of our own tempers. I neither expect nor desire an answer on a subject of extreme importance to myself, but which friendship alone can render interesting to you. We shall soon meet at Sheffield.
It is needless to repeat the reflections which we have sometimes debated together, and which I have often seriously weighed in my silent solitary walks. Notwithstanding your active and ardent spirit, you must allow that there is some perplexity in my present situation, and that my future prospects are distant and cloudy. I have lived too long in the world to entertain a very sanguine idea of the friendship or zeal of Ministerial patrons; and we are all sensible how much the powers of patronage are reduced.*
The source of pensions is absolutely stopped, and a double list of candidates is impatient and clamourous for half the number of desirable places. A seat at the board of customs or excise was certainly the most practicable attempt, but how far are we advanced in the pursuit? Could we obtain (it was indeed unprecedented) an extraordinary commission? Have we received any promise of the first vacancy? how often is the execution of such a promise delayed to a second or third opportunity? When will those vacancies happen? Incumbents are sometimes very tough. Of the Excise I know less, but I am sure that the door of the Customs (except when it was opened for Sir Stanier by a pension of equal value) has been shut, at least during the last three years. In the meanwhile I should be living in a state of anxiety and dependence, working in the illiberal service of the House of Commons, my seat in Parliament sinking in value every day and my expenses very much exceeding my annual income. *At the end of that time, or rather long before that time (for their lives are not worth a year's purchase), our ministers are kicked down stairs, and I am left their disinterested friend to fight through another opposition, and to expect the fruits of another revolution.
But I will take a more favourable supposition, and conceive myself, in six months, firmly seated at the board of Customs; before the end of the next six months, I should infallibly hang myself. Instead of regretting my disappointment, I rejoyce in my escape; as I am satisfied that no salary could pay me for the irksomeness of attendance, and the drudgery of business so repugnant to my taste, (and I will dare to say) so unworthy of my character. Without looking forwards to the possibility, still more remote, of exchanging that laborious office for a smaller annuity, there is surely another plan, more reasonable, more simple, and more pleasant; a temporary retreat to a quiet and less expensive scene. In a four years' residence at Lausanne, I should live within my income, save, and even accumulate, my ready money; finish my history, an object of profit as well as fame, expect the contingencies of elderly lives, and return to England at the age of fifty, to form a lasting independent establishment, without courting the smiles of a minister, or apprehending the downfall of a party. Such have been my serious sober reflections.
PLAN OF JOINING DEYVERDUN.
Yet I much question whether I should have found courage to follow my reason and my inclination, if a friend had not stretched his hand to draw me out of the dirt. The twentieth of last May I wrote to my friend Deyverdun, after a long interval of silence, to expose my situation, and to consult in what manner I might best arrange myself at Lausanne. From his answer, which I received about a fortnight ago, I have the pleasure to learn, that his heart and his house are both open for my reception; that a family which he had lodged for some years is about to leave him, and that at no other time my company would have been so acceptable and convenient. I shall step, at my arrival, into an excellent apartment and a delightful situation; the fair division of our expences will render them very moderate, and I shall pass my time with the companion of my youth, whose temper and studies have always been congenial to my own. I have given him my word of honour to be at Lausanne in the beginning of October, and no power or persuasion can divert me from this IRREVOCABLE resolution, which I am every day proceeding to execute.
I wish, but I scarcely hope, to convince you of the propriety of my scheme;46 but at least you will allow, that when we are not able to prevent the follies of our friends, we should strive to render them as easy and harmless as possible. The arrangement of my house, furniture and books will be left to meaner hands, but it is to your zeal and judgment alone that I can trust the more important disposal of Lenborough and Lymington. On these subjects we may go into a Committee at Sheffield-place, but you know it is the rule of a Committee not to hear any arguments against the principle of the bill. At present I shall only observe, that neither of these negociations ought to detain me here; the former may be dispatched as well, the latter much better, in my absence. Vale.*
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