Читать бесплатно книгу «Vie de Jeanne d'Arc. Vol. 1 de 2» Анатоля Франса полностью онлайн — MyBook
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Ce qui ressort surtout des textes, c'est qu'elle fut une sainte. Elle fut une sainte avec tous les attributs de la sainteté au XVe siècle. Elle eut des visions, et ces visions ne furent ni feintes ni contrefaites; elle crut réellement entendre des voix qui lui parlaient et qui (p. XXXIII) ne sortaient pas d'une bouche humaine. Ces voix l'entretenaient le plus souvent d'une façon distincte et intelligible pour elle. C'était dans les bois qu'elle les entendait le mieux, ou quand sonnaient les cloches. Elle voyait des figures en manière, a-t-elle dit, de choses multiples et minimes, comme des étincelles perçues dans un éblouissement. Sans nul doute, elle avait aussi des visions d'une autre nature, puisque nous tenons d'elle qu'elle voyait saint Michel sous les apparences d'un prud'homme, c'est-à-dire d'un bon chevalier, sainte Catherine et sainte Marguerite, le front ceint d'une couronne. Elle les voyait qui lui faisaient la révérence; elle les embrassait par les jambes et sentait leur bonne odeur.Qu'est-ce à dire sinon qu'elle avait des hallucinations de l'ouïe, de la vue, du toucher et de l'odorat? Chez elle, de tous les sens, le plus affecté c'est l'ouïe: elle dit que ses voix lui apparaissent; elle les nomme parfois aussi son conseil; elle les entend très bien à moins qu'on ne fasse du bruit autour d'elle. Le plus souvent elle leur obéit; quelquefois elle leur résiste. Il est douteux que ses visions fussent aussi distinctes. Soit qu'elle ne le voulût pas, soit qu'elle ne le pût pas, elle n'en donna jamais aux juges de Rouen une description bien nette ni bien précise. Ce qu'elle sut peindre le mieux ce furent encore les anges porte-couronne qu'elle avoua ensuite n'avoir jamais vus que dans son imagination. ne sortaient pas d'une bouche humaine. Ces voix l'entretenaient le plus souvent d'une façon distincte et intelligible pour elle. C'était dans les bois qu'elle les entendait le mieux, ou quand sonnaient les cloches. Elle voyait des figures en manière, a-t-elle dit, de choses multiples et minimes, comme des étincelles perçues dans un éblouissement. Sans nul doute, elle avait aussi des visions d'une autre nature, puisque nous tenons d'elle qu'elle voyait saint Michel sous les apparences d'un prud'homme, c'est-à-dire d'un bon chevalier, sainte Catherine et sainte Marguerite, le front ceint d'une couronne. Elle les voyait qui lui faisaient la révérence; elle les embrassait par les jambes et sentait leur bonne odeur.

Qu'est-ce à dire sinon qu'elle avait des hallucinations de l'ouïe, de la vue, du toucher et de l'odorat? Chez elle, de tous les sens, le plus affecté c'est l'ouïe: elle dit que ses voix lui apparaissent; elle les nomme parfois aussi son conseil; elle les entend très bien à moins qu'on ne fasse du bruit autour d'elle. Le plus souvent elle leur obéit; quelquefois elle leur résiste. Il est douteux que ses visions fussent aussi distinctes. Soit qu'elle ne le voulût pas, soit qu'elle ne le pût pas, elle n'en donna jamais aux juges de Rouen une description bien nette ni bien précise. Ce qu'elle sut peindre le mieux ce furent encore les anges porte-couronne qu'elle avoua ensuite n'avoir jamais vus que dans son imagination.

À quel âge ces troubles lui vinrent-ils? On ne peut pas le dire avec précision. Mais ce fut très probablement au sortir de l'enfance, et nous sommes avertis par le témoignage de Jean d'Aulon, que Jeanne ne sortit jamais tout à fait de l'enfance70.

Bien que, le plus souvent, il soit hasardeux de tirer d'une donnée historique les éléments d'une étude clinique, plusieurs savants ont tenté de définir l'état pathologique qui rendait cette jeune fille apte à subir de fausses perceptions de l'ouïe et de la vue71. Comme la psychiatrie a fait en ces dernières années de rapides progrès, je me suis adressé à un savant éminent qui connaît l'état actuel de cette science, à laquelle il a apporté lui-même d'importantes contributions. J'ai demandé au docteur Georges Dumas, professeur à la Sorbonne, si la science dispose d'éléments suffisants pour établir rétrospectivement le diagnostic de Jeanne. Il m'a envoyé en réponse une lettre qu'on lira dans l'appendice I de cet ouvrage72.

Je n'ai pas qualité pour aborder ce sujet. Du moins puis-je, sans sortir de ma compétence, présenter, relativement aux hallucinations de Jeanne d'Arc, une observation qui m'a été suggérée par l'étude des textes. Cette observation est d'une conséquence infinie; je la contiendrai rigoureusement dans les limites que me tracent la nature et l'objet de cet ouvrage.

Les visionnaires qui se croient investis d'une mission divine se distinguent des autres illuminés par des caractères singuliers. Si l'on étudie les mystiques de ce genre, si on les rapproche les uns des autres, on s'apercevra qu'ils présentent entre eux des traits de ressemblance qu'on peut suivre jusque dans des détails très menus, qu'ils se répètent tous dans certaines de leurs paroles et dans certains de leurs actes, et peut-être, en reconnaissant le déterminisme étroit auquel sont soumis les mouvements de ces hallucinés, éprouve-t-on quelque surprise à voir la machine humaine fonctionner, sous l'action d'un même agent mystérieux, avec cette uniformité fatale. Jeanne appartient à ce groupe religieux, et il est intéressant de la comparer à cet égard à sainte Catherine de Sienne73, à sainte Colette de Corbie74, à Yves Nicolazic, le paysan de Kernanna75, à Suzette Labrousse, l'inspirée de l'Église constitutionnelle76 et à tant d'autres voyants et voyantes de cet ordre qui ont entre eux un air de famille. Trois visionnaires surtout sont étroitement apparentés avec Jeanne. Le premier en date est un vavasseur de Champagne, qui avait mission de parler au roi Jean. J'ai suffisamment fait connaître ce saint homme dans le présent ouvrage. Le second est un maréchal ferrant de Salon, qui avait mission de parler à Louis XIV; le troisième, un paysan de Gallardon, nommé Martin, qui avait mission de parler à Louis XVIII. On trouvera en appendice, des notices sur ce maréchal et sur ce laboureur, qui tous deux eurent des apparitions et montrèrent un signe au roi77. Les ressemblances que ces trois hommes, malgré la contrariété des sexes, présentent avec Jeanne d'Arc sont intimes et profondes, elles tiennent à leur nature même; et les différences, qui semblent au premier aspect séparer si largement Jeanne de ces visionnaires, sont d'ordre esthétique, (p. XXXVII) social, historique, par conséquent extérieures et contingentes. Sans doute il y a d'eux à elle contraste d'apparence et de fortune; ils présentent autant de disgrâce qu'elle exerce de charme et c'est un fait qu'ils échouèrent misérablement tandis qu'elle grandit en force et fleurit en légende. Mais c'est le propre de l'esprit scientifique de reconnaître dans le plus bel individu et dans le plus misérable avorton d'une même espèce des caractères communs, attestant l'identité d'origine.De notre temps, les libres penseurs, empreints pour la plupart de spiritualisme, se refusent à reconnaître en Jeanne non seulement cet automatisme qui détermine les actes d'une voyante comme elle, non seulement les influences d'une hallucination perpétuelle, mais jusqu'aux suggestions de l'esprit religieux. Ce qu'elle faisait par sainteté et dévotion, ils veulent qu'elle l'ait fait par enthousiasme raisonné. De telles dispositions se remarquent chez l'honnête et savant Quicherat qui met, à son insu, beaucoup de philosophie éclectique dans la piété de la Pucelle. Cette façon de voir ne fut pas sans inconvénients. Elle amena les historiens de libre pensée à exagérer jusqu'à l'absurde les facultés intellectuelles de cette enfant, à lui attribuer ridiculement des talents militaires et à substituer à la naïve merveille du XVe siècle un phénomène polytechnique. Les historiens catholiques de notre temps sont plus dans la nature et (p. XXXVIII) dans la vérité quand ils font de la Pucelle une sainte. Par malheur, l'idée de la sainteté s'est beaucoup affadie dans l'Église depuis le concile de Trente, et les historiens orthodoxes sont peu disposés à rechercher les variations de l'Église catholique à travers les âges. Aussi nous la rendent-ils béate et moderne. Si bien que, pour trouver la plus étrangement travestie de toutes les Jeanne d'Arc, on hésiterait entre leur miraculeuse protectrice de la France chrétienne, patronne des officiers et des sous-officiers, modèle inimitable des élèves de Saint-Cyr, et la druidesse romantique, la garde nationale inspirée, la canonnière patriote des républicains, s'il ne s'était trouvé un Père jésuite pour faire une Jeanne d'Arc ultramontaine dans la vérité quand ils font de la Pucelle une sainte. Par malheur, l'idée de la sainteté s'est beaucoup affadie dans l'Église depuis le concile de Trente, et les historiens orthodoxes sont peu disposés à rechercher les variations de l'Église catholique à travers les âges. Aussi nous la rendent-ils béate et moderne. Si bien que, pour trouver la plus étrangement travestie de toutes les Jeanne d'Arc, on hésiterait entre leur miraculeuse protectrice de la France chrétienne, patronne des officiers et des sous-officiers, modèle inimitable des élèves de Saint-Cyr, et la druidesse romantique, la garde nationale inspirée, la canonnière patriote des républicains, s'il ne s'était trouvé un Père jésuite pour faire une Jeanne d'Arc ultramontaine78. social, historique, par conséquent extérieures et contingentes. Sans doute il y a d'eux à elle contraste d'apparence et de fortune; ils présentent autant de disgrâce qu'elle exerce de charme et c'est un fait qu'ils échouèrent misérablement tandis qu'elle grandit en force et fleurit en légende. Mais c'est le propre de l'esprit scientifique de reconnaître dans le plus bel individu et dans le plus misérable avorton d'une même espèce des caractères communs, attestant l'identité d'origine.

De notre temps, les libres penseurs, empreints pour la plupart de spiritualisme, se refusent à reconnaître en Jeanne non seulement cet automatisme qui détermine les actes d'une voyante comme elle, non seulement les influences d'une hallucination perpétuelle, mais jusqu'aux suggestions de l'esprit religieux. Ce qu'elle faisait par sainteté et dévotion, ils veulent qu'elle l'ait fait par enthousiasme raisonné. De telles dispositions se remarquent chez l'honnête et savant Quicherat qui met, à son insu, beaucoup de philosophie éclectique dans la piété de la Pucelle. Cette façon de voir ne fut pas sans inconvénients. Elle amena les historiens de libre pensée à exagérer jusqu'à l'absurde les facultés intellectuelles de cette enfant, à lui attribuer ridiculement des talents militaires et à substituer à la naïve merveille du XVe siècle un phénomène polytechnique. Les historiens catholiques de notre temps sont plus dans la nature et (p. XXXVIII) dans la vérité quand ils font de la Pucelle une sainte. Par malheur, l'idée de la sainteté s'est beaucoup affadie dans l'Église depuis le concile de Trente, et les historiens orthodoxes sont peu disposés à rechercher les variations de l'Église catholique à travers les âges. Aussi nous la rendent-ils béate et moderne. Si bien que, pour trouver la plus étrangement travestie de toutes les Jeanne d'Arc, on hésiterait entre leur miraculeuse protectrice de la France chrétienne, patronne des officiers et des sous-officiers, modèle inimitable des élèves de Saint-Cyr, et la druidesse romantique, la garde nationale inspirée, la canonnière patriote des républicains, s'il ne s'était trouvé un Père jésuite pour faire une Jeanne d'Arc ultramontaine dans la vérité quand ils font de la Pucelle une sainte. Par malheur, l'idée de la sainteté s'est beaucoup affadie dans l'Église depuis le concile de Trente, et les historiens orthodoxes sont peu disposés à rechercher les variations de l'Église catholique à travers les âges. Aussi nous la rendent-ils béate et moderne. Si bien que, pour trouver la plus étrangement travestie de toutes les Jeanne d'Arc, on hésiterait entre leur miraculeuse protectrice de la France chrétienne, patronne des officiers et des sous-officiers, modèle inimitable des élèves de Saint-Cyr, et la druidesse romantique, la garde nationale inspirée, la canonnière patriote des républicains, s'il ne s'était trouvé un Père jésuite pour faire une Jeanne d'Arc ultramontaine[75].

Je n'ai pas soulevé de doutes sur la sincérité de Jeanne. On ne peut la soupçonner de mensonge: elle crut fermement recevoir sa mission de ses voix. Il est plus difficile de savoir si elle ne fut pas dirigée à son insu. Ce que nous connaissons d'elle avant son arrivée à Chinon se réduit à très peu de chose. On est porté à croire qu'elle avait subi certaines influences; c'est le cas de toutes les visionnaires: un directeur, qu'on ne voit pas, les mène. Il en dut être ainsi de Jeanne. On l'entendit qui disait, à Vaucouleurs, que le dauphin avait le royaume en commende79. Ce n'était pas les gens de son village qui lui avaient appris ce terme. Elle récitait une prophétie qu'elle n'avait pas inventée et qui, visiblement, avait été fabriquée pour elle.

Elle dut fréquenter des prêtres fidèles à la cause du dauphin Charles et qui surtout souhaitaient la fin de la guerre. Les abbayes étaient incendiées, les églises pillées, le service divin aboli80. Ces pieuses gens qui soupiraient après la paix, voyant que le traité de Troyes ne l'avait pu donner, l'attendaient seulement de l'expulsion des Anglais. Et ce qu'il y eut de rare, d'extraordinaire et comme d'ecclésiastique et de religieux en cette jeune paysanne, ce n'est pas qu'elle se crût appelée à chevaucher et à guerroyer, c'est que dans «sa grande pitié», elle annonçât la fin prochaine de la guerre, par la victoire et le sacre du roi, alors que les seigneurs des deux pays et les gens d'armes des deux partis n'avaient ni soupçon ni désir que la guerre finît jamais.

La mission dont elle se croyait chargée par l'ange et à laquelle elle consacrait sa vie, était extraordinaire, sans doute, étonnante, inouïe; mais non toutefois au-dessus de ce que des saints et des saintes avaient déjà tenté dans l'ordre des affaires humaines. Jeanne d'Arc fleurit au déclin des grands âges catholiques, alors que la sainteté, qui s'accompagnait volontiers de toutes sortes de bizarreries, d'illusions et de folies, était encore souverainement puissante sur les âmes. Et de quels miracles n était-elle pas capable quand elle agissait par la force du cœur et par les grâces de l'esprit? Du XIIIe au XVe siècle, les serviteurs de Dieu accomplissent des travaux merveilleux. Saint Dominique, pris d'une fureur sacrée, extermine l'hérésie par le fer et le feu; saint François d'Assise institue, pour un jour, la pauvreté sur le monde; saint Antoine de Padoue défend les artisans et les marchands contre l'avarice et la cruauté des seigneurs et des évêques; sainte Catherine ramène le Pape à Rome. Était-il donc impossible à une sainte fille, avec l'aide de Dieu, de rétablir dans le malheureux royaume de France le pouvoir royal institué par Notre-Seigneur lui-même et de faire sacrer le nouveau Joas échappé à la mort pour le salut du peuple saint?

C'est ainsi que les Français pieux, en 1428, concevaient la mission de la Pucelle. Elle se donnait pour une dévote fille, inspirée de Dieu. Il n'y avait rien d'incroyable à cela. En annonçant qu'elle avait révélations de monseigneur saint Michel sur le fait de la guerre, elle inspirait aux gens d'armes armagnacs et aux bourgeois d'Orléans autant de confiance que pouvait en communiquer aux mobiles de la Loire, dans l'hiver de 1871, un ingénieur républicain, inventeur d'une poudre sans fumée ou d'un canon perfectionné. Ce qu'on attendait de la science en 1871 on l'attendait de la religion en 1428, de sorte que le Bâtard d'Orléans put songer à employer Jeanne aussi naturellement que Gambetta pensa à recourir aux connaissances techniques de M. de Freycinet.

Ce qu'on ne remarque pas assez, c'est que le parti français la mit en œuvre très adroitement. Les clercs de Poitiers, tout en l'examinant avec lenteur sur ses mœurs et sa foi, la faisaient valoir. Ces clercs de Poitiers n'étaient pas des religieux étrangers au monde, c'était le Parlement du roi légitime, c'étaient les exilés de l'Université, des hommes très engagés dans les affaires du royaume, très compromis dans les révolutions, dépouillés et ruinés, et fort impatients de rentrer dans leurs biens; et le plus habile homme du Conseil, l'archevêque duc de Reims, chancelier du royaume, les dirigeait. Par la durée et la solennité de leurs interrogatoires, ils attiraient sur Jeanne la curiosité, l'intérêt, l'espoir des âmes émerveillées81.

La ville d'Orléans avait, pour se défendre, des murs, des fossés, des canons, des gens d'armes et de l'argent. Les Anglais n'avaient pu ni l'enlever d'assaut ni l'investir. Entre leurs bastilles passaient des convois, des compagnies. On fit entrer Jeanne dans la ville avec une belle armée de secours. Elle amenait des troupeaux de bœufs, de moutons et de porcs. Les habitants crurent recevoir un ange du Seigneur. Cependant les assiégeants étaient épuisés d'hommes et d'argent. Ils avaient perdu tous leurs chevaux. Loin de pouvoir tenter désormais une nouvelle attaque, ils n'avaient pas la force de tenir longtemps dans leurs bastilles. À la fin d'avril, il y avait quatre mille Anglais devant Orléans, et peut-être moins, car il s'en partait, comme on disait, tous les jours; et les déserteurs allaient par troupes piller les villages. Dans le même temps, la ville était défendue par six mille gens d'armes et gens de trait et plus de trois mille hommes des milices bourgeoises. À Saint-Loup, il y eut quinze cents Français contre quatre cents Anglais; aux Tourelles, cinq mille Français contre quatre ou cinq cents Anglais. En se retirant, les Godons abandonnaient à leur sort les petites garnisons de Jargeau, de Meung et de Beaugency. On peut juger de l'état de l'armée anglaise par la bataille de Patay, qui ne fut point une bataille, mais un massacre, et où Jeanne n'arriva que pour gémir sur la cruauté des vainqueurs. Néanmoins, les lettres du roi aux bonnes villes lui attribuèrent une part de la victoire. C'était donc que le Conseil royal faisait étendard de sa sainte Pucelle.

Au fond, que pensaient d'elle ceux qui l'employaient, les Regnault de Chartres, les Robert Le Maçon, les Gérard Machet? Sans doute, ils n'étaient pas en état de discerner l'origine des illusions dont elle était enveloppée. Et, bien qu'il se trouvât alors des athées parmi les gens d'Église, l'apparition de saint Michel archange n'était pas pour étonner la plupart d'entre eux. Rien alors ne paraissait plus naturel qu'un miracle. Mais de près les miracles ne se voient pas. Ils avaient cette jeune fille sous les yeux; ils s'apercevaient que, pour sainte et bonne qu'elle fût, elle n'exerçait point un pouvoir surhumain.

Tandis que les gens d'armes et tout le commun peuple l'accueillaient comme la Pucelle de Dieu et l'ange envoyé du ciel pour le salut du royaume, ces bons seigneurs ne songeaient qu'à profiter des sentiments de confiance qu'elle inspirait et qu'ils ne partageaient guère. La voyant ignorante au possible et la jugeant, sans doute, moins intelligente qu'elle n'était, ils entendaient la conduire à leur idée. Ils durent bientôt s'apercevoir que ce n'était pas toujours facile. Elle était une sainte; les saintes sont intraitables. Quels furent au vrai les rapports du Conseil royal avec la Pucelle? Nous l'ignorons et c'est un secret qui ne sera jamais pénétré. Les juges de Rouen croyaient savoir qu'elle recevait des lettres de saint Michel82. Il est possible qu'on ait abusé quelquefois de sa simplicité. Nous avons des raisons de croire que la marche sur Reims ne lui fut pas suggérée en France; mais il est certain que le chancelier du royaume, messire Regnault de Chartres, archevêque de Reims, avait grande envie d'être rétabli sur le siège du bienheureux Remi et de jouir de ses bénéfices.

Dans le fait, cette campagne du sacre ne fut qu'une suite de négociations appuyées par des lances. On voulut montrer aux bonnes villes un roi saint et pacifique. Si l'on avait eu envie de se battre, on serait allé sur Paris ou en Normandie.

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