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Gaston Leroux
Les etranges noces de Rouletabille

I
LA GRANDE TRAITRISE D'IVANA

C'était le 21 octobre 1913, en plein Balkan, dans les sombres défilés de l'Istrandja-Dagh… le soir tombait…

Précédant les premiers détachements bulgares qui, à la première heure de la première guerre des Balkans, envahissaient le nord de la Thrace et avaient mission d'occuper Almadjik, quelle est cette petite troupe de cavaliers qui filent comme le vent et ne connaissent aucun obstacle?… Ils sont si curieusement placés entre les premiers soldats de l'envahisseur et les derniers fuyards turcs que l'on ne saurait dire exactement s'ils fuient ou s'ils poursuivent.

La vérité est qu'ils font les deux choses à la fois. Ils veulent atteindre avant d'être atteints!…

–En avant! en avant! crie Rouletabille.

Que fait donc, «entre deux feux», le jeune reporter de l'Époque et quelle est cette sorte de rage qui l'anime? C'est par des paroles sans suite qu'il encourage ses compagnons à le suivre; et sa bouche est pleine de malédictions.

On n'a jamais vu chez Joseph Rouletabille une fureur pareille! Eh! en vérité, elle est bien excusable chez un jeune homme qui est connu dans le monde entier pour avoir pénétré les plus obscurs mystères, pour avoir démêlé les intrigues criminelles les plus compliquées, et qui se trouve tout à coup, et pour la première fois de sa vie, devant le mystère du coeur féminin auquel il ne comprend rien du tout!

Le «bon bout de sa raison» qui, jusqu'à ce jour, l'avait soutenu dans les pires épreuves en le conduisant irrésistiblement sur le chemin de la vérité, ne lui est plus bon à rien. C'est en vain qu'il l'a appelé à son secours… quelle défaite! «Le bon bout» de la raison l'a laissé en route; ni plus ni moins que s'il avait été le mauvais… Et la cause d'une pareille catastrophe?… Une femme! une simple jeune fille que Joseph Rouletabille aimait naguère de tout son coeur et qu'il prétend détester maintenant de toute son âme: Ivana Vilitchkov!…

C'est elle qu'il poursuit en cette fin de jour tragique… c'est derrière elle qu'il court… quelle aventure!

Pour essayer de la comprendre, faisons comme Rouletabille qui, dans sa triste cervelle en feu, cherche, dans les événements passés à Sofia et au sinistre Château Noir[Le Château Noir est le premier épisode de Rouletabille à la guerre, dont les Étranges Noces de Rouletabille sont le second. Le Château Noir, Editions Pierre Lafitte 3 fr. 50.], le fil de cet insondable mystère… Résumons les faits: Envoyé par son journal dans la capitale de la Bulgarie, pour y étudier de près les événements qui s'y préparaient, Rouletabille avait retrouvé à Sofia une jeune fille, la nièce du général Vilitchkov, qu'il avait connue à Paris où elle était venue commencer ses études de médecine et pour laquelle il avait ressenti tout de suite un sentiment des plus tendres.

A Sofia, Rouletabille est reçu chez l'oncle d'Ivana et il ne cache pas à la jeune fille qu'il l'aime et que son désir le plus ardent est de l'épouser. Celle-ci, qui semble nourrir également des sentiments assez vifs pour le jeune homme, lui répond cependant en tentant de le détourner de son dessein. Ivana se prétend vouée, comme son père et sa mère et sa petite soeur Irène, morts tous trois assassinés par un ennemi de la famille, à une destinée tragique. Cet ennemi s'appelle Gaulow, un Bulgare chassé de Bulgarie et qui s'est fait turc, mahométan, pomak, ce qui est tout dire. Il habite dans une sorte de forteresse extraordinaire, au coeur des montagnes du nord de la Thrace, dans l'Istrandja-Dagh, et de là, vient de temps à autre, pour de mystérieuses et cruelles besognes, en Bulgarie. Nul n'a encore pu l'atteindre! Gaulow brave le genre humain dans son redoutable Château Noir(Karakoulé)!…

Toute cette affaire n'est point, comme bien l'on pense, pour refroidir l'amour de Rouletabille. Il arrivera, bien, lui, à débarrasser la famille Vilitchkov, de l'affreux Gaulow qui s'appelle aussi en Turquie Kara-Selim.

Il demande seulement à la jeune fille de bien vouloir lui accorder sa main. Celle-ci ne dit pas non, mais elle ne dit pas oui. «Seriez-vous promise?» demande le reporter anxieux et Ivana de répondre: «Nul ici-bas n'a le droit de se dire mon fiancé.»

Voilà de nouveau Rouletabille plein d'espoir, quand pendant la nuit suivante, nuit atroce qui rappelle les horreurs de la tragédie historique du Konak de Belgrade, Gaulow et sa bande font irruption dans l'hôtel du général Vilitchkov, assassinent le général et ses serviteurs et emmènent Ivana en captivité dans le Château Noir.

Rouletabille jure de venger tant de malheurs et de sauver Ivana; il tentera de reprendre aussi, par la même occasion, certain «coffret byzantin» dans le tiroir secret duquel se trouvent les plans précieux de la mobilisation bulgare. Cela, il le promet formellement au général-major Stanislawoff, l'une des gloires les plus pures de son pays, ami de la France, et célèbre depuis pour avoir mis son épée au service de la Russie lors du prodigieux conflit qui devait, l'année suivante, embraser l'Europe et déshonorer la Bulgarie. Et le voilà parti en expédition.

Il emmène avec lui son fidèle reporter La Candeur et un jeune Slave très débrouillard mais d'une moralité assez relâchée qui s'appelle Vladimir. Un cousin d'Ivana les accompagne également: C'est Athanase Khetew qui, lui aussi, voudrait bien sauver sa cousine qu'il aime au moins autant que peut l'aimer Rouletabille et pour l'amour de laquelle il voudrait bien aussi tuer l'affreux Gaulow. Quant à Rouletabille et à Athanase, ils ne s'aiment guère mais sont assez sages pour contenir leur animosité réciproque.

Toute la bande arrive au Château Noir, où les attendent les aventures les plus extraordinaires, dans le moment que Kara-Selim célèbre ses noces avec sa captive Ivana. Ils se donnent pour des journalistes égarés et se mettent immédiatement à l'ouvrage. Ils n'ont pas une heure à perdre. Ivana consent à être la femme de Gaulow, l'assassin de ses parents, pour rentrer en possession du coffret de famille dans lequel se trouvent les plans de mobilisation. Il faut donc que les jeunes gens sauvent, à la fois, Ivana et ravissent le coffret.

Au milieu des fêtes somptueuses qui sont données à la Karakoulé, Rouletabille accomplit des exploits surhumains. Il réussit à emporter Ivana jusqu'au fond du donjon où les reporters se barricadent. Entre temps, bien qu'il n'ait pas pu s'approprier le coffret byzantin, Rouletabille en a deviné le secret et a pu constater que les plis précieux y sont toujours et que nul encore n'y a touché; aucun pomak n'en soupçonne même la présence. Athanase reçoit de Rouletabille la mission d'aller porter cette formidable nouvelle aux armées du général Stanislawoff, lesquelles, dès lors, pourront descendre, en toute sécurité, à travers les montagnes de l'Istrandja, sur Kirk-Kilissé.

Athanase jure de réussir dans sa difficile entreprise et de revenir, avec ses compagnons d'armes, délivrer Ivana et les journalistes français. Avant de se sauver du donjon où les reporters sont retranchés, il est parvenu à capturer Gaulow qu'il a remis aux bons soins d'Ivana, laquelle a fait le serment sur les mânes de ses parents de le tuer de sa propre main.

Les jeunes gens subissent un siège des plus violents, aux péripéties tragico-comiques et qui se termine de la façon la plus singulière du monde. Ivana non seulement n'a pas tué Gaulow, qu'elle prétend garder comme otage, mais Rouletabille la surprend au moment où elle fait évader le monstre… et cela, à la minute même où Gaulow allait recevoir le châtiment de ses crimes, où les armées conduites par Athanase Khetew apparaissent à l'horizon!…

Quel est donc cet affreux mystère?… Rouletabille ne peut imaginer qu'Ivana aime cet homme qui a assassiné les siens et qui avait juré la perte de son pays?… Alors?… Alors?… Alors, il faut agir… on réfléchira en agissant… Les bandits de la Karakoulé, à l'approche des armées, se sont enfuis, Gaulow, lui aussi, s'est enfui… Ivana, sous prétexte de rattraper Gaulow, a enfourché un cheval et court derrière Gaulow… Ivana ne se doute pas que Rouletabille a été témoin de son infamie, l'a vue dérouler elle-même la corde au bout de laquelle se balançait Gaulow, délivré par elle!…

Rouletabille se jette à son tour à cheval et court derrière Ivana. Les reporters et leur domestique Tondor courent derrière Rouletabille… telle est la situation très nette et cependant très incompréhensible pour qui a connu Ivana, dans le moment que nous tombons en plein dans la chevauchée des reporters.

Rouletabille grince entre ces dents: «Elle court rejoindre Gaulow!… «…Ah! tu as beau aller vite, va, traîtresse, je ne te lâcherai pas!… Moi aussi, je serai au rendez-vous… Et je verrai bien de mes yeux ce que tu vas en faire, de ton Gaulow!»

Ce qu'elle en ferait? Elle le lui avait dit; oui, avant d'enfourcher son cheval, elle avait eu l'effronterie de lui crier, à lui, à lui qui avait vu la chose énorme, elle avait eu le cynisme de lui jurer qu'elle voulait, de sa propre main, offrir à sa patrie, comme première victime expiatoire, la tête de Gaulow!… Comment ne lui avait-il pas éclaté de rire au nez? Comment n'avait-il pas craché au visage de cette petite fille barbare, sanguinaire et menteuse…

Comment avait-il eu le courage de retenir la généreuse fureur qui gonflait ses veines de jeune amant bafoué et d'ami trahi jusqu'à la mort, car de cette trahison ils avaient failli tous mourir!… Comment?… Pourquoi ne lui avait-il pas dit: «J'ai vu!… Tais-toi!… J'ai vu!… je t'ai vu le sauver de tes mains, et si tu cours après lui c'est pour tomber dans ses bras?» Oh! d'abord simplement parce qu'elle ne lui en avait pas laissé le temps; ensuite parce qu'il était vraiment curieux de voir jusqu'où pouvait aller Ivana dans le mensonge et dans le crime!… Et puis aussi, parce que, le coeur plein de rage, il rêvait à son tour d'une vengeance ou tout au moins de quelque juste châtiment!…

C'est que peut-être encore, au plus obscur de lui-même, commençaient à se poser les termes du problème psychologique le plus curieux qu'il eut jamais à démêler et aussi le plus mystérieux en même temps que le plus bizarre.

Enfin, s'il l'avait suivie dans cette course insensée vers le Sud, c'est qu'il se souvenait qu'il était correspondant de guerre et qu'il avait grand'hâte de trouver, maintenant qu'il était délivré, un bureau de poste avant de tomber sous la censure féroce des Bulgares!… Entre les deux armées, toujours!… ni dans l'une ni dans l'autre…, est-ce que telle n'était pas sa formule, celle qu'il avait toujours prônée à Vladimir et à La Candeur?… Est-ce que, dès Sofia, tel n'avait pas été son plan? Plan dangereux sans doute, mais qui ne l'en séduisait que davantage!… Aussi quand, dans cette fuite insensée de la Karakoulé, La Candeur, qui avait par miracle retrouvé son mecklembourgeois, lui demandait derrière lui, secoué sur sa selle: «Où allons-nous?» avait-il pu lui répondre: «Faire du reportage!…»

Ainsi ils n'avaient même pas attendu les troupes!… La félonie d'Ivana les traînait en trombe derrière elle…

Oui, félonie! félonie!… C'est à cela que Rouletabille revenait sans cesse, bien que son esprit cherchât ailleurs… mais il était trop irrité pour ne plus retomber à cela: félonie! Il ne voulait plus douter que l'amour dont il n'avait jamais encore jusqu'à ce jour mesuré la force, eût accompli l'abominable miracle de transformer une héroïne en une pauvre fille, capable de tout pour satisfaire sa folle passion.

Cette ignoble conversion avait dû se produire pendant ces moments d'absence que le reporter avait trouvés souvent inexplicables: Ivana les passait certainement auprès du prisonnier, dans le cachot du souterrain! Que de fois ne s'était-il pas étonné de ne point la voir à son côté, au plus fort du combat! et avec quelle singulière figure elle réapparaissait tout à coup, racontant qu'elle avait pris la garde pour laisser reposer le katerdjibaschi. Enfin, elle ne sortait pas de ce souterrain, sous un prétexte ou sous un autre!… Et Rouletabille, qui avait redouté que ce fût pour s'y livrer à quelque abominable torture, se reprochait de s'être laissé tromper comme un enfant!

Il se rappelait la phrase turque prononcée en dernier par Kara-Selim délivré, et adressée par lui (avec quel hideux sourire de remerciement!) à Ivana surprise, sans qu'elle s'en fût aperçue, par Rouletabille sur la tour. Le reporter se retourna sur sa selle et demanda à Vladimir:

–Que signifient ces mots: Benem ilé guel!

–Cela veut dire, répondit Vladimir: «Viens avec moi!… Viens me rejoindre!»

–Parbleu! gronda Rouletabille!… moi aussi, je vais avec elle!… je vais avec eux! et si Dieu est juste, il me permettra de leur faire expier leur crime!

* * * * *

Il pouvait être cinq heures du soir quand ils virent poindre les toits d'un gros village en avant d'Almadjik…

La route qu'ils avaient prise commençait de montrer certaines particularités qui les étonna tout d'abord mais auxquelles, par la suite, ils devaient facilement s'habituer chaque fois qu'ils eurent à pénétrer dans un village, bourg ou bourgade, enfin dans ce qui avait été, à un titre quelconque une «agglomération»: sur les côtés du chemin tout était dévasté. Les cabanes des paysans paraissaient avoir été éventrées par quelque cataclysme qui s'était acharné à défoncer portes et fenêtres et avait çà et là allumé des incendies.

Sur le seuil de ces sinistres chaumières, il n'était point rare d'apercevoir des cadavres de femmes et d'enfants qui gisaient parmi des mares de sang et dans le plus pitoyable état.

D'autres corps privés de vie jonchaient également la route et faisaient trébucher à chaque instant les chevaux; de telle sorte qu'en fait «d'agglomération», il y avait surtout là agglomération de cadavres.

 












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