Читать бесплатно книгу «Œuvres complètes de lord Byron, Tome 1» Джорджа Гордона Байрона полностью онлайн — MyBook
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À Constantinople, il se sépara de Cam Hobhouse, qui brûlait déjà de revoir l'Angleterre, Byron le vit partir sans beaucoup de regret: son projet était de retourner en Grèce, et voulant, dans cette seconde excursion, s'arrêter à loisir dans les lieux les plus poétiques de cette terre de poésie, la société d'un ami, tel que Hobhouse lui-même, dérangeait, jusqu'à un certain point, son plan de rêverie. Il écrivit Childe Harold en Grèce; il en composa même un grand nombre de strophes sur le Parnasse. C'était, il faut l'avouer, une heureuse et grande idée que celle d'aller puiser des inspirations à une pareille source, et quand on songe, en lisant Childe Harold, que ces vers ont été tracés sur les sommets sacrés de l'Hélicon, je ne sais quelle vénération religieuse se joint naturellement à l'admiration que produit une aussi magnifique création.

Il choisit Athènes pour sa principale résidence. C'est là qu'une jeune Grecque devint éperdument éprise de lui: elle était belle; elle ne tarda pas à toucher son cœur. Mais les jours du Ramasan arrivèrent, et, pendant ce carême, tout commerce entre les deux sexes était puni de mort. Une aussi longue interruption parut un siècle à Lord Byron: dans son impatience, il avait formé un plan de rendez-vous, et l'avait fait parvenir à sa maîtresse; la trame fut découverte, et la jeune fille condamnée à être sur-le-champ enfermée dans un sac et jetée à la mer. Byron n'était prévenu de rien, quand un soir, en côtoyant à cheval le rivage de la mer avec deux Albanais qu'il avait pris à son service, il voit plusieurs soldats s'avancer de son côté. Il apprend qu'ils ont la mission de noyer une femme; dès-lors il ne pouvait plus hésiter: au risque de s'attirer une mauvaise affaire, il court à l'officier du détachement, parvient à l'intimider, et se fait remettre l'infortunée, dans laquelle il reconnaît son amante. Grâce à son intervention, et à une forte somme d'argent, le magistrat consentit à rétracter son arrêt, mais la jeune fille fut obligée de quitter Athènes, et, quelques mois après, elle mourut de regrets et à la suite d'une fièvre lente. Tel fut l'événement qui offrit à Lord Byron la première inspiration du Giaour.

Pour se distraire de cette mort douloureuse, il s'éloigna d'Athènes, et résolut de parcourir le Péloponèse. Il n'emmena pas avec lui Fletcher; le pauvre diable, las de vivre loin de sa femme, de la bière et du pudding, avait obtenu la permission de retourner en Angleterre. Pour Byron, à peine arrivé à Patras, il fut saisi d'une fièvre violente, qui mit de nouveau ses jours en danger. Un médecin ignorant était chargé de le soigner, et les deux Albanais dont nous avons déjà parlé s'étaient engagés, par serment, à couper la tête au tremblant Esculape, s'il n'opérait pas avant quinze jours une cure complète. Or, ils n'étaient pas hommes à se parjurer; aussi, quand Byron recouvra la santé, le médecin se livra-t-il aux plus extravagantes démonstrations de joie.

Les embarras de sa fortune le rappelaient lui-même en Angleterre. On peut lire dans le Childe Harold le récit touchant de la douleur des deux braves Albanais en se séparant de lui. Le 2 juillet 1811, après deux années de pélerinage, Byron débarqua au port de Falmouth. Il était dit que sa patrie ne lui offrirait jamais que de pénibles impressions ou des illusions funestes. À peine arrivé à Londres, un courrier parti de Newstead lui apprend que sa mère est à l'extrémité. Byron quitte tout pour accourir auprès d'elle; mais il était trop tard, et il ne put recueillir son dernier soupir.

Le besoin de combattre sa profonde mélancolie le ramena à Londres. Il était d'ailleurs assez curieux d'y publier une nouvelle satire composée, pendant les derniers jours de sa traversée maritime, sur le modèle de l'Art poétique d'Horace. Il avait aussi terminé les deux premiers chants de Childe Harold; mais il voyait d'avance tous les reviseurs plaisanter sur la tournure romanesque de ses idées, et il tremblait de publier ce chef-d'œuvre de la littérature contemporaine. Un ami, parvint à le détromper: «Votre imitation d'Horace, lui dit courageusement M. Dallas, est au-dessous de vous, tandis que Childe Harold est un ouvrage délicieux, admirable, enchanteur. – Vous vous trompez, répondit Byron; mais tels qu'ils sont, je vous abandonne mes vers: s'ils ont du succès, que le profit vous en revienne.» Ainsi furent publiés les deux premiers chants de Childe Harold.

Ce Roman (c'est le titre que lui donna l'auteur) ne se recommande pas à l'attention de nos classiques par une régularité symétrique; vous croyez, en le lisant, glisser rapidement en mer, à quelques pieds d'un rivage toujours varié, et constamment enrichi des plus ravissantes beautés. Sous vos yeux se succèdent le Portugal, devenu la proie des Anglais; l'Espagne, sur laquelle s'abat le vautour gaulois; la Troade, sépulcre des anciens héros; Constantinople, calme séjour du despotisme; l'Albanie, déjà préludant à secouer les chaînes du croissant; la Grèce, enfin, dont toutes nos ames ont plus d'une fois rêvé les doux rivages; la Grèce, dont les malheureux enfans fléchissent sans murmurer sous le bâton barbare, tandis qu'ils pleurent de rage en voyant s'écrouler, à la voix de Lord Elgin, les colonnes de Sunium ou du Parthenon. Quelle chaleur pénétrante! et partout quel sentiment exquis de la beauté! quel dédain pour les favoris de la fortune! quel enthousiasme pour la liberté!

Le Pélerinage de Childe Harold (dont plusieurs de nos littérateurs n'ont jamais essayé de lire même la traduction française) fit proclamer Lord Byron, dans sa patrie, le premier des poètes vivans: il avait alors vingt-quatre ans. Ses ennemis les plus implacables rendirent hommage à l'évidente supériorité de son génie: mais, en se déclarant douloureusement ses admirateurs, on pense bien qu'ils n'oublièrent pas de relever dans ses vers les propositions impies, déistes, athéistes et séditieuses, cortége ordinaire des ouvrages qui n'ont pas été composés sous l'influence immédiate d'une secte, d'une cour ou d'une coterie. Leurs sourdes protestations ne l'empêchèrent pas d'obtenir, dans ces premiers momens, toute la justice qu'il n'était en droit d'attendre que de la postérité.

Ce fut sous de pareils auspices qu'il fit sa première entrée dans le monde. Les dames, bien que jalouses de la préférence donnée sur elles, par Childe Harold, aux beautés de l'Orient et de l'Espagne, caressaient l'espoir de ramener le jeune poète à de plus tendres sentimens: elles l'accueillirent donc avec émotion et coquetterie. Byron n'était pas de ces hommes dont la prestigieuse réputation ne supporte pas l'épreuve de l'intimité: vu de près, il parut grandir encore. On ne se lassait pas d'admirer cette belle physionomie, également faite pour exprimer l'enthousiasme, le dédain, l'amour ou la haine. Mais le caractère de ses pensées comportait une dignité sérieuse dont il lui était presque impossible de se dépouiller: si quelquefois il se livrait à une bruyante gaîté, ces éclats étaient rapidement remplacés par une teinte de tristesse importune. Il tombait fréquemment dans une grande préoccupation mélancolique, et même, au milieu des cercles les plus avides de recueillir ses moindres paroles, il semblait faiblement combattre ce penchant à la distraction. Lui arrivait-il de le vaincre? on admirait aussitôt une conversation d'autant plus étonnante, qu'il cherchait moins à exciter l'étonnement: les saillies les plus vives se pressaient sur ses lèvres; ses yeux, dit-on, lançaient des éclairs, et nul homme ne se vantait d'avoir pu l'écouter sans émotion, sans une sorte de respect. Il n'en était pas ainsi des femmes qui, ne rougissant pas auprès de lui de leur infériorité intellectuelle, laissaient ordinairement parler en sa présence leur imagination ravie.

Toutefois cet universel engouement ne fut pas de longue durée: pour le prolonger, il eût fallu faire preuve d'affectation, et ce défaut général de la société anglaise était justement celui dont Lord Byron était le moins susceptible; il eût fallu caresser l'amour-propre des automates qui se pressaient autour de lui, et Byron ne savait jamais dissimuler ses impressions dédaigneuses. D'abord les dandys, espèce de fats qui, dans la grande société anglaise, forme une majorité compacte (comme en France nos merveilleux et nos petits-maîtres), briguèrent long-tems sa bienveillance, en composant sur son extérieur leur maintien et leur costume. Une foule de fades et languissantes beautés essayèrent à l'envi sur son cœur la puissance de leurs charmes; Byron accueillit du même silence les grimaces des uns et les vaporeuses œillades des autres. Dès-lors une cabale sourde se ligua contre lui; un plan de calomnie fut organisé, et le succès dépassa bientôt toutes les espérances que ses auteurs en avaient pu concevoir.

Fatigué des cercles de la capitale, il fit, dans le Westmoreland, une course vers ces lacs devenus célèbres par les mélancoliques et monotones élucubrations des Wordsworth, des Coleridge et des Southey. Ce voyage augmenta encore le nombre de ses ennemis; les poètes lakistes se montrèrent humiliés de l'indépendance de ses opinions, et furieux des épigrammes dont il accablait leur politique bigoterie. L'apparition presque simultanée du Giaour, de la Fiancée d'Abydos, du Corsaire et de Lara, leur offrait une occasion d'attaquer ses principes et de noircir sa vie. «Qui peut, s'écrièrent-ils, fournir à Lord Byron les couleurs dont il se sert pour peindre tous ces héros dévorés de passions et de remords? qui l'initia aux mystères des plus horribles angoisses de la vie? qui lui apprit à revêtir de formes séduisantes les plus odieux scélérats? Ah! sans doute, la source de son génie est empoisonnée; elle n'a pu naître que de la perversité de son caractère. Rien dans sa conduite, il est vrai, ne justifie d'injurieux soupçons; mais l'a-t-on suivi dans ses courses lointaines? Qui sait si quelque crime secret ne trouble pas le repos de sa vie? Trop de rapports sensibles existent entre Childe Harold, Conrad et lui pour que l'on puisse encore douter de l'identité de l'auteur et de ses personnages. Et quel insensé pourrait envier un talent qu'il faudrait acheter à pareil prix?..»

Lord Byron jugeait indigne de lui de repousser d'aussi infâmes soupçons: cependant, il suivait avec assez d'assiduité les séances de la chambre des Lords. Toujours étranger aux ambitieuses intrigues qui se trament jusque dans les conseils de l'opposition populaire, il prononça à la chambre haute trois discours assez remarquables, dans lesquels il peignit de couleurs énergiques la détresse des ouvriers et l'asservissement des catholiques. Mais l'inutilité de ses efforts refroidit bientôt sa ferveur parlementaire, et il sentit qu'il servirait plus efficacement la cause de la justice et de la liberté, du haut de la tribune poétique que s'était élevée son génie. Il acheta, à la même époque, une action au théâtre de Drury-Lane, et quelques jours après il fut nommé directeur du jury chargé d'y recevoir les ouvrages dramatiques.

La mobilité de son imagination, sa passion pour les voyages, et les souvenirs de plusieurs beautés qu'il avait peintes dans le Giaour et le Corsaire, tout aurait dû le détourner du mariage, et surtout de l'idée d'en former les redoutables nœuds avec une Anglaise: il n'en fut rien. Anne-Isabelle, seule fille de sir Ralph Milbank Noël, fut celle sur laquelle il fit tomber son choix: elle était belle; mais, sous l'apparence d'une bienveillante douceur, elle cachait un caractère inflexible et un orgueil de pruderie qui devait faire le malheur du plus pacifique des époux; à plus forte raison celui de Lord Byron. Elle apprit avec une sorte de transport que le jeune Lord songeait à demander sa main, et quand on lui rappela les défauts de Byron, dans les cercles de bas bleus (blue stockings), dont elle était l'un des ornemens, elle répondit qu'elle espérait ramener son époux à force de douceur, de leçons et d'exemples. Le mariage fut célébré le 2 janvier 1815.

Bien que formé sous de funestes auspices, il eût peut-être été fortuné sans l'intervention, presque toujours fâcheuse, d'une belle-mère. Les Milbank conservaient dans leur famille la tradition du vieil esprit d'austérité et d'intolérance qui distinguait les puritains; aussi l'honorable miss Milbank avait-elle consenti avec répugnance à l'union de sa fille avec Byron. Elle ne tarda pas à devenir une mortelle ennemie: la lune de miel même ne fut pas exempte d'orage. Byron eût voulu en passer le cours loin du tumulte de Londres; il craignait les folles dépenses, et surtout les insipides distractions du grand monde: il fut obligé de renoncer à son projet. Partout recherchés avec empressement, recevant à leur tour avec grandeur, la dot de la nouvelle lady fut bientôt dissipée en prodigalités, et Byron prévit de nouveaux embarras pécuniaires. D'un autre côté, son amour de l'étude et des méditations solitaires s'accommodait mal de visites fréquentes et de la présence continuelle d'une épouse soupçonneuse; parfois il accueillait avec fatigue les tendres expansions de lady Byron, et cette femme altière, se croyant alors dédaignée, revenait prêter une crédule oreille aux suggestions de sa mère et d'une ancienne nourrice. Ce n'était pas tout: plusieurs espions féminins venaient nourrir les défiances de ces trois femmes et suivaient sans relâche toutes les démarches de Lord Byron. Dans un secrétaire que lady Byron fit enfoncer, on avait trouvé des lettres amoureuses: par malheur, le nom de l'ancienne maîtresse n'y était pas tracé; il fallut recourir aux conjectures. Une actrice de Drury-Lane (mistress Mardyne) est soupçonnée: sur-le-champ elle est reconnue pour l'indigne cause des froideurs conjugales de Byron. Des pieux salons de la famille Milbank, la nouvelle se fut bientôt répandue dans tous ceux de la capitale, et (voyez la retenue de la haute société anglaise!) quand la pauvre Mardyne reparut sur le théâtre, les dames se couvrirent modestement de leurs éventails ou de leurs mouchoirs; les jeunes dandys sifflèrent, et l'actrice fut obligée de se retirer, en protestant de son innocence. Il fut prouvé, plus tard, qu'elle n'avait jamais dit un seul mot, ni même vu une seule fois Lord Byron.

Lady Byron avait un caractère fort excentrique. Elle s'imagina un autre jour que la froideur de son mari pour ses charmes et surtout pour ses conseils dénotait un certain dérangement de sensorium commune. Par ses ordres, plusieurs inconnus pénétrèrent dans le cabinet d'étude de Byron (il composait alors le Siége de Corinthe); on l'accabla de questions inintelligibles pour lui, et auxquelles sa fierté lui permit à peine de faire quelques réponses. Plus tard, il apprit qu'il avait reçu la visite de docteurs en médecine, chargés d'examiner ses droits au séjour de Bedlam. Il est inutile de dire que ces docteurs ne répondirent pas à l'attente de lady Byron.

Il semblait que la naissance d'une fille, arrivée le 10 décembre 1815, dût mettre un terme à la soucieuse mésintelligence des deux époux; mais, dans le même tems, de nombreux créanciers ayant demandé la garantie de leurs créances, Byron se vit forcé de vendre les somptueuses propriétés qu'il avait, en se mariant, achetées à Londres, à la sollicitation de lady Byron. Les poursuites judiciaires cessèrent: mais, sous prétexte de les prévenir, ils se décidèrent, d'assez bonne grâce, à vivre, pendant deux ou trois mois, éloignés l'un de l'autre. Lady Byron retourna donc chez son père; et quelques jours après, à l'instigation de sa famille, elle écrivit à Lord Byron que jamais elle ne consentirait à le revoir.

Tel est le récit exact de cette séparation, qui a fourni matière à tant d'invectives et de calomnies contre la conduite de notre grand poète. Si le public devint le confident de ses ennuis domestiques, il faut en accuser les indiscrétions ridicules de lady Byron. Écoutons Byron lui-même:

«Il existe dans le mariage une foule de causes inappréciables de dégoûts mutuels et de griefs, dont nos plus intimes amis, ou nos plus proches parens, ne sauraient estimer la juste valeur. Les époux seuls peuvent s'en former une véritable idée; eux seuls ont le droit d'en parler. Tant que le mari n'a pas de torts scandaleux à l'égard de sa femme; tant qu'il ne commet aucune action préjudiciable à la communauté, de quel droit vient-on le blâmer, s'il juge à propos de vivre éloigné d'une femme qu'il connaît mieux, sans doute, que ceux qui prennent sa défense? N'est-il pas absurde de vouloir contraindre deux individus qui se détestent à rester unis, quand ils soupirent tous deux après l'instant de leur séparation? Telle est du moins l'intention de ceux qui, se targuant d'une ancienne liaison, interviennent dans les débats domestiques.»

Quoi qu'il en soit, la séparation de Lord et de lady Byron fit revivre tous les anciens contes dont les précieuses de Londres (les bas bleus) avaient les premières répandu le bruit: tous les écrits périodiques, à l'exception d'un seul (

 



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