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Виктор Гюго. Собор Парижской Богоматери / Victor Hugo. Notre-Dame de Paris

© Бакаева С. А., Гайденко А. П., адаптация текста, комментарии, словарь, 2015

© ООО «Издательство АСТ», 2015

Livre premier

I
La grand’salle

Il y a aujourd’hui trois cent quarante-huit ans six mois et dix-neuf jours que les Parisiens s’éveillèrent au bruit de toutes les cloches sonnant à grande volée dans la triple enceinte de la Cité, de l’Université et de la Ville.

Ce n’est cependant pas un jour dont l’histoire ait gardé souvenir que le 6 janvier 1482. Rien de notable dans l’événement qui mettait ainsi en branle, dès le matin, les cloches et les bourgeois de Paris. Ce n’était ni un assaut de Picards ou de Bourguignons, ni une châsse menée en procession, ni une révolte d’écoliers dans la vigne de Laas, ni une entrée de notredit très redouté seigneur monsieur le roi, ni même une belle pendaison de larrons et de larronnesses à la Justice de Paris.

Le 6 janvier, ce qui mettait en émotion tout le populaire de Paris[1], comme dit Jehan de Troyes[2], c’était la double solennité, réunie depuis un temps immémorial, du jour des Rois et de la Fête des Fous.

Le peuple affluait surtout dans les avenues du Palais de Justice, parce qu’on savait que les ambassadeurs flamands, arrivés de la surveille, se proposaient d’assister à la représentation du mystère et à l’élection du pape des fous, laquelle devait se faire également dans la grand-salle.

Ce n’était pas chose aisée de pénétrer ce jour-là dans cette grand-salle, réputée cependant alors la plus grande enceinte couverte qui fût au monde. La place du Palais, encombrée de peuple, offrait aux curieux des fenêtres l’aspect d’une mer, dans laquelle cinq ou six rues, comme autant d’embouchures de fleuves, dégorgeaient à chaque instant de nouveaux flots de têtes.

Aux portes, aux fenêtres, aux lucarnes, sur les toits, fourmillaient des milliers de bonnes figures bourgeoises, calmes et honnêtes, regardant le palais, regardant la cohue, et n’en demandant pas davantage; car bien des gens à Paris se contentent du spectacle des spectateurs, et c’est déjà pour nous une chose très curieuse qu’une muraille derrière laquelle il se passe quelque chose.

Les deux extrémités de la grand-salle du Palais étaient occupées, l’une par la fameuse table de marbre, si longue, si large et si épaisse que jamais on ne vit, disent les vieux papiers terriers, dans un style qui eût donné appétit à Gargantua; l’autre, par la chapelle où Louis XI s’était fait sculpter à genoux devant la Vierge, et où il avait fait transporter, sans se soucier de laisser deux niches vides dans la file des statues royales, les statues de Charlemagne et de saint Louis, deux saints qu’il supposait fort en crédit au ciel comme rois de France.

Au milieu de la salle, vis-à-vis la grande porte, une estrade de brocart d’or, adossée au mur, et dans laquelle était pratiquée une entrée particulière au moyen d’une fenêtre du couloir de la chambre dorée, avait été élevée pour les envoyés flamands et les autres gros personnages conviés à la représentation du mystère.

C’est sur la table de marbre que devait, selon l’usage, être représenté le mystère. Elle avait été disposée pour cela dès le matin; sa riche planche de marbre, toute rayée par les talons de la basoche, supportait une cage de charpente assez élevée, dont la surface supérieure, accessible aux regards de toute la salle, devait servir de théâtre, et dont l’intérieur, masqué par des tapisseries, devait tenir lieu de vestiaire aux personnages de la pièce. Une échelle, naïvement placée en dehors, devait établir la communication entre la scène et le vestiaire, et prêter ses roides échelons aux entrées comme aux sorties. Il n’y avait pas de personnage si imprévu, pas de péripétie, pas de coup de théâtre qui ne fût tenu de monter par cette échelle. Innocente et vénérable enfance de l’art et des machines!

Quatre sergents du bailli[3] du Palais, gardiens obligés de tous les plaisirs du peuple les jours de fête comme les jours d’exécution, se tenaient debout aux quatre coins de la table de marbre.

Ce n’était qu’au douzième coup de midi sonnant à la grande horloge du Palais que la pièce devait commencer. C’était bien tard sans doute pour une représentation théâtrale; mais il avait fallu prendre l’heure des ambassadeurs.

Or toute cette multitude attendait depuis le matin.

Il y avait entre autres un groupe de ces joyeux démons qui, après avoir défoncé le vitrage d’une fenêtre, s’était hardiment assis sur l’entablement, et de là plongeait tour à tour ses regards et ses railleries au dedans et au dehors, dans la foule de la salle et dans la foule de la place. À leurs gestes de parodie, à leurs rires éclatants, aux appels goguenards qu’ils échangeaient d’un bout à l’autre de la salle avec leurs camarades, il était aisé de juger que ces jeunes clercs ne partageaient pas l’ennui et la fatigue du reste des assistants, et qu’ils savaient fort bien, pour leur plaisir particulier, extraire de ce qu’ils avaient sous les yeux un spectacle qui leur faisait attendre patiemment l’autre.

– Sur mon âme, c’est vous, Joannes Frollo de Molendino! criait l’un d’eux à une espèce de petit diable blond, à jolie et maligne figure; vous êtes bien nommé Jehan du Moulin, car vos deux bras et vos deux jambes ont l’air de quatre ailes qui vont au vent. – Depuis combien de temps êtes-vous ici?

« Par la miséricorde du diable, répondit Joannes Frollo, voilà plus de quatre heures, et j’espère bien qu’elles me seront comptées sur mon temps de purgatoire. J’ai entendu les huit chantres du roi de Sicile entonner le premier verset de la haute messe de sept heures dans la Sainte-Chapelle.

– De beaux chantres, reprit l’autre, et qui ont la voix encore plus pointue que leur bonnet! Avant de fonder une messe à monsieur saint Jean, le roi aurait bien dû s’informer si monsieur saint Jean aime le latin psalmodié avec accent provençal.

– C’est pour employer ces maudits chantres du roi de Sicile qu’il a fait cela! cria aigrement une vieille femme dans la foule au bas de la fenêtre. Je vous demande un peu! mille livres parisis pour une messe! et sur la ferme du poisson de mer des halles de Paris, encore!

– Paix! vieille, reprit un gros et grave personnage qui se bouchait le nez à côté de la marchande de poisson; il fallait bien fonder une messe. Vouliez-vous pas que le roi retombât malade?

– Bravement parlé, sire Gilles Lecornu, maître pelletier-fourreur des robes du roi! » cria le petit écolier cramponné au chapiteau.

Un éclat de rire de tous les écoliers accueillit le nom malencontreux du pauvre pelletier-fourreur des robes du roi.

« Hé! sans doute, continuait le petit démon du chapiteau. Qu’ont-ils à rire? Honorable homme Gilles Lecornu, frère de maître Jehan Lecornu, prévôt de l’hôtel du roi, fils de maître Mahiet Lecornu, premier portier du bois de Vincennes, tous bourgeois de Paris, tous mariés de père en fils! »

La gaieté redoubla. Le gros pelletier-fourreur, sans répondre un mot, s’efforçait de se dérober aux regards fixés sur lui de tous côtés.

Enfin un de ceux-ci, gros, court et vénérable comme lui, vint à son secours.

« Abomination! des écoliers qui parlent de la sorte à un bourgeois! de mon temps on les eût fustigés avec un fagot dont on les eût brûlés ensuite. »

La bande entière éclata.

« Holàhé! qui chante cette gamme? quel est le chat-huant de malheur?

– Tiens, je le reconnais, dit l’un; c’est maître Andry Musnier.

– Parce qu’il est un des quatre libraires jurés de l’Université! dit l’autre.

– Eh bien, reprit Jean Frollo, il faut leur faire le diable à quatre.

– Musnier, nous brûlerons tes livres.

– Musnier, nous battrons ton laquais.

– Musnier, nous chiffonnerons ta femme.

– La bonne grosse mademoiselle Oudarde.

– Qui est aussi fraîche et aussi gaie que si elle était veuve.

– Que le diable vous emporte! grommela maître Andry Musnier. »

Jehan, maître du champ de bataille, poursuivit avec triomphe:

« Beaux sires, que nos gens de l’Université! n’avoir seulement pas fait respecter nos privilèges dans un jour comme celui-ci! Enfin, il y a mai et feu de joie à la Ville; mystère, pape des fous et ambassadeurs flamands à la Cité; et à l’Université, rien!

– Cependant la place Maubert est assez grande! dit un des clercs cantonnés sur la table de la fenêtre.

– À bas le recteur, les électeurs et les procureurs!

– À propos, le recteur! le voici qui passe dans la place, cria un de ceux de la fenêtre. »

Ce fut à qui se retournerait vers la place.

« Est-ce que c’est vraiment notre vénérable recteur maître Thibaut? demanda Jehan Frollo du Moulin, qui, s’étant accroché à un pilier de l’intérieur, ne pouvait voir ce qui se passait au dehors.

– Oui, oui, répondirent tous les autres, c’est lui, c’est bien lui, maître Thibaut le recteur. »

C’était en effet le recteur et tous les dignitaires de l’Université qui se rendaient processionnellement au-devant de l’ambassade et traversaient en ce moment la place du Palais. Les écoliers, pressés à la fenêtre, les accueillirent au passage avec des sarcasmes et des applaudissements ironiques. Le recteur, qui marchait en tête de sa compagnie, essuya la première bordée; elle fut rude.

« Bonjour, monsieur le recteur! Holàhée! bonjour donc!

– Comment fait-il pour être ici, le vieux joueur? Il a donc quitté ses dés?

– Comme il trotte sur sa mule! elle a les oreilles moins longues que lui.

– Holàhée! bonjour, monsieur le recteur Thibaut! Tybalde aleator[4]! vieil imbécile! vieux joueur!

– Dieu vous garde! avez-vous fait souvent double-six cette nuit?

– Oh! la caduque figure, plombée, tirée et battue pour l’amour du jeu et des dés!

– Où allez-vous comme cela, Tybalde ad dados, tournant le dos à l’Université et trottant vers la Ville?

– Il va sans doute chercher un logis rue Thibautodé[5] », cria Jehan du Moulin.

Toute la bande répéta le quolibet avec une voix de tonnerre et des battements de mains furieux.

En ce moment midi sonna.

« Ha!… » dit toute la foule d’une seule voix. Les écoliers se turent. Puis il se fit un grand remue-ménage, un grand mouvement de pieds et de têtes, une grande détonation générale de toux et de mouchoirs; chacun s’arrangea, se posta, se haussa, se groupa; puis un grand silence. Cette foule attendait depuis le matin trois choses: midi, l’ambassade de Flandre, le mystère. Midi seul était arrivé à l’heure.

Pour le coup c’était trop fort.

On attendit une, deux, trois, cinq minutes, un quart d’heure; rien ne venait. L’estrade demeurait déserte, le théâtre muet. Cependant à l’impatience avait succédé la colère. Les paroles irritées circulaient, à voix basse encore, il est vrai. « Le mystère! le mystère! » murmurait-on sourdement. Les têtes fermentaient. Une tempête, qui ne faisait encore que gronder, flottait à la surface de cette foule.

En cet instant, la tapisserie du vestiaire que nous avons décrit plus haut se souleva, et donna passage à un personnage dont la seule vue arrêta subitement la foule, et changea comme par enchantement sa colère en curiosité.

« Silence! silence! »

Le personnage, fort peu rassuré et tremblant de tous ses membres, s’avança jusqu’au bord de la table de marbre, avec force révérences qui, à mesure qu’il approchait, ressemblaient de plus en plus à des génuflexions.

Cependant le calme s’était peu à peu rétabli. Il ne restait plus que cette légère rumeur qui se dégage toujours du silence de la foule.

« Messieurs les bourgeois, dit-il, et mesdemoiselles les bourgeoises, nous devons avoir l’honneur de déclamer et représenter devant son éminence Monsieur le cardinal une très belle moralité, qui a nom: Le bon jugement de madame la vierge Marie. C’est moi qui fais Jupiter. Son Éminence accompagne en ce moment l’ambassade très honorable de monsieur le duc d’Autriche; laquelle est retenue, à l’heure qu’il est, à écouter la harangue de monsieur le recteur de l’Université, à la porte Baudets. Dès que l’éminentissime cardinal sera arrivé, nous commencerons. »

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