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CHAPITRE HUIT

9 h 15, Heure de Moscou (22 h 15, Heure de l’Alaska, 4 septembre)

L’Aquarium

Quartier général de la Direction Générale des Renseignements (GRU)

Aérodrome de Khodynka

Moscou, Russie

Une fumée bleue s’élevait vers le plafond.

— Il y a beaucoup de mouvement, dit le dernier visiteur.

Il s’agissait d’un homme ventru qui portait l’uniforme du Ministère de l’Intérieur. Sa voix trahissait une certaine anxiété. Cela n’avait rien à voir avec le timbre de la voix, qui ne tremblait ni ne se brisait. Si on avait les oreilles qu’il fallait pour l’entendre, on constatait que cet homme avait peur.

— Oui, dit Marmilov. Vous seriez-vous attendus à ce qu’ils restent inactifs ?

Le bureau n’avait pas de fenêtres, mais la lumière avait changé à mesure que la matinée avait progressé. À présent, les cheveux tombants et durcis de Marmilov ressemblaient à une sorte de casque en plastique foncé. Les lumières du dessus paraissaient si brillantes que c’était comme si Marmilov et son invité avaient été assis dans le désert à midi et comme si le soleil avait jeté des ombres profondes dans les fissures sculptées dans la pierre antique du visage de Marmilov.

Parfois, les gens se demandaient pourquoi un homme aussi influent choisissait de diriger son empire à partir de ce tombeau, sous ce bâtiment terne, croulant et vieux si éloigné du centre de Moscou. Marmilov savait que cela les étonnait parce que les hommes, surtout les hommes puissants ou ceux qui espéraient le devenir, lui posaient souvent cette question même.

— Pourquoi ne pas vous trouver un bureau tranquille en haut, Marmilov ?

Ou alors :

— Un homme comme vous, dont le mandat surpasse de loin le GRU, pourquoi ne pas vous faire transférer au Kremlin, avec une bonne vue sur la Place Rouge et la possibilité de contempler les réussites de notre histoire et les grands hommes qui nous ont précédés ? Ou peut-être pour seulement regarder les jolies filles qui passent ? Ou, au minimum, pour avoir une chance de voir le soleil ?

Alors, Marmilov souriait et disait :

— Je n’aime pas le soleil.

— Et les jolies filles ? disaient parfois ses persécuteurs amicaux.

Alors, Marmilov secouait la tête.

— Je suis un vieil homme. Ma femme me suffit.

Rien de tout cela n’était vrai. La femme de Marmilov habitait à cinquante kilomètres de la ville, dans une propriété campagnarde qui datait d’avant la Révolution. Il ne la voyait presque jamais et cela les arrangeait tous les deux. Au lieu de passer du temps avec sa femme, il logeait dans une suite d’hôtel moderne au Ritz Carlton de Moscou et il se repaissait d’un flux ininterrompu de jeunes femmes qu’on emmenait directement à sa porte. Il les commandait comme n’importe quel service en chambre.

Il avait entendu dire que les filles, et pour ce qu’il en savait leurs proxénètes aussi, l’appelaient Comte Dracula. Le surnom le faisait sourire. Il n’aurait pas pu en trouver un plus apte lui-même.

S’il restait dans le sous-sol de ce bâtiment et ne déménageait pas au Kremlin, c’était parce qu’il ne voulait pas voir la Place Rouge. Même s’il aimait la culture russe plus que tout, pendant sa journée de travail, il ne voulait pas que ses actions soient contaminées par des rêves du passé et il ne voulait surtout pas qu’elles soient entravées par les réalités malheureuses et les demi-mesures du temps présent.

Marmilov était concentré sur l’avenir. Il était prêt à tout pour cela.

Il y avait de la grandeur dans l’avenir. Il y avait de la gloire dans l’avenir. L’avenir russe surpasserait puis ridiculiserait les désastres pitoyables du présent et peut-être même les victoires du passé.

L’avenir arrivait et il était son créateur. Il était son père et aussi son accoucheur. Pour l’imaginer pleinement, il ne pouvait pas se permettre de se laisser distraire par des messages et des idées conflictuels. Il avait besoin d’une vision pure et, pour y parvenir, il valait mieux fixer un mur nu que regarder par la fenêtre.

— Non, jamais je n’aurais imaginé ça d’eux, dit le gros homme, Viktor Ulyanov, mais je crois qu’il y a des hommes de notre cercle qui ont peur de cette activité.

Marmilov haussa les épaules.

— Bien sûr.

Il y avait toujours des gens qui s’inquiétaient plus de sauver leur propre peau que de créer de plus beaux lendemains pour le peuple.

— Et il y en a qui croient que, quand le Président …

Le Président !

Marmilov faillit rire. Le Président était un ralentisseur sur la route qui mènerait ce pays à la grandeur. Il était un obstacle, et un petit, en plus. Depuis que ce Président avait pris la succession de son mentor alcoolique Yelstin, la comédie pitoyable qu’était devenue la Russie s’était aggravée au lieu de s’améliorer.

Président de quoi ? Président d’un tas de détritus !

Comme le disait le dicton, il fallait que le Président surveille ses arrières ou il trouverait bientôt un couteau planté dedans.

— Oui ? dit Marmilov. Ils croient que, quand le Président … quoi ?

— Trouvera, dit Ulyanov.

Marmilov hocha la tête et sourit.

— Oui ? Quand il trouvera … que se passera-t-il ?

— Il y aura une purge, dit Ulyanov.

Dans le nuage de fumée, Marmilov contempla Ulyanov en clignant des yeux. Est-ce que cet homme plaisantait ? Le plus drôle, ce ne serait pas que Poutine découvre leurs manigances et que cela mène à une purge. Si c’était mal géré, cela mènerait à une purge, bien sûr. Non, le plus drôle, ce serait qu’Ulyanov et d’autres hommes sans nom se mettent soudain à envisager ce genre de chose à un stade aussi tardif de leurs préparations.

— Le Président découvrira le pot aux roses quand il sera trop tard, déclara simplement Marmilov. C’est le Président lui-même qui sera victime d’une purge.

Ulyanov et tous ceux dont il était le représentant devaient le savoir. C’était ce qu’avait prévu le plan dès le début.

— Ils craignent que nous ne préparions un bain de sang, dit Ulyanov.

Marmilov souffla de la fumée dans l’air.

— Mon cher ami, nous ne préparions rien. Le bain de sang est déjà préparé. Il l’est depuis des années.

Ici, dans la tanière de Marmilov, un ordinateur portable avait fait son apparition sur son bureau comme un champignon à côté de la petite télévision. La télévision montrait encore les vidéos en circuit fermé des caméras de sécurité de la plate-forme pétrolière. L’ordinateur portable montrait la traduction en russe des transcriptions des communications américaines interceptées.

Les Américains resserraient l’étau autour de la plate-forme pétrolière capturée. Un cercle de bases avancées temporaires apparaissaient sur la banquise à quelques kilomètres de la plate-forme. Les équipes d’opérations secrètes étaient sur un pied d’alerte et se préparaient à frapper. Un jet supersonique expérimental avait reçu le droit d’atterrir à Deadhorse il y avait peut-être trente minutes de cela.

Les Américains étaient prêts à frapper.

— Le but n’a jamais été de garder la plate-forme très longtemps, dit Marmilov. C’est pour cela que nous avons utilisé un intermédiaire. Nous savions que les Américains reprendraient ce qui leur appartient.

— Certes, dit Ulyanov, mais la même nuit ?

Marmilov haussa les épaules.

— C’est plus tôt que prévu, mais le résultat sera le même. Leurs premières équipes d’assaut tomberont sur un désastre. Un bain de sang, comme vous dites. Plus il sera grand, mieux ce sera. Leur hypocrisie environnementale sera dévoilée au grand jour et le monde aura l’occasion de se souvenir de leurs crimes de guerre pas si lointains que ça.

— Et quelles seront les répercussions de cette affaire ? dit Ulyanov.

Marmilov prit une autre longue bouffée de sa cigarette. C’était comme le souffle de la vie elle-même. Oui, même ici en Russie, même ici dans le sanctuaire de Marmilov, on ne pouvait plus ignorer les faits. Les cigarettes étaient mauvaises pour la santé. La vodka était mauvaise pour la santé. Le whisky était mauvais pour la santé. Mais alors, si tel était le cas, pourquoi Dieu les avait-il tous rendus si agréables ?

Il expira.

— Cela reste à voir, bien sûr, et cela dépendra des organes de presse qui couvriront l’événement dans chaque pays, mais les premières dépêches seront bien évidemment en notre faveur. En général, je soupçonne que les événements donneront une image plutôt mauvaise des Américains, puis, un peu plus tard, de notre cher Président.

Il s’interrompit et y réfléchit juste un peu plus.

— La vérité, et les événements le confirmeront à mesure qu’ils arriveront, est que, plus la situation sera désastreuse, meilleure sera notre position.

CHAPITRE NEUF

23 h 05, Heure de l’Alaska (4 septembre)

Camp sur la Banquise de la Marine Américaine ReadyGo

À neuf kilomètres au nord de la Réserve Faunique Nationale de l’Arctique

À trois kilomètres à l’ouest de la plate-forme pétrolière Martin Frobisher

Mer de Beaufort

Océan Arctique

— Pas question, mec. Je ne peux pas faire ça.

La nuit était noire. À l’extérieur du petit dôme modulaire, le vent hurlait. Une pluie gelée tombait dehors. La visibilité se détériorait. Dans un moment, elle frôlerait le zéro.

Luke était fatigué. Il avait pris un cachet de Dexedrine quand l’avion avait atterri et un autre quelques moments auparavant, mais aucun d’eux n’avait encore fait effet.

Toute cette mission ressemblait à une erreur. Ils avaient traversé le continent à une allure folle, à une vitesse supersonique, la mission était sur le point de démarrer et, maintenant, un de ses hommes refusait d’y aller.

— Ça ne me convient pas du tout.

C’était Murphy qui parlait. Qui d’autre ?

Murphy ne voulait pas partir à l’aventure.

Le camp temporaire sur la banquise, qui correspondait en gros à une dizaine de dômes modulaires imperméables posés sur une plaque de glace flottante, avait jailli comme tant de champignons après une pluie printanière, apparemment au cours des deux heures précédentes. C’était un camp dans une série de camps semblables qui entouraient la plate-forme pétrolière à une distance confortable. S’ils avaient installé plusieurs camps ici, en périphérie, c’était au cas où les terroristes auraient été en train de les observer. Cette activité avait pour but de les empêcher de savoir d’où la contre-attaque allait venir.

À l’intérieur de chaque dôme, un trou rectangulaire avait été découpé dans la glace. Il avait environ la taille et la forme d’un cercueil. Ici, la glace mesurait entre soixante et quatre-vingt-dix centimètres d’épaisseur. Un pont constitué d’une substance synthétique semblable à du bois avait été fixé autour de chaque trou. Des lumières de plongée avaient été installées sous l’eau et donnaient au trou une couleur bleue étrange. Une nouvelle couche de glace se formait déjà à la surface de l’eau.

Luke et Ed portaient leurs combinaisons étanches en néoprène et ils étaient assis sur des chaises près du trou. Brooks Donaldson faisait la même chose. Chaque homme était préparé par deux assistants, des hommes de la marine américaine en polaire qui s’occupaient à les faire entrer dans leur équipement. Luke était assis, immobile, pendant qu’un homme montait son gilet stabilisateur autour de son torse.

— Comment vous paraît-il ? demanda l’homme.

— Gros, pour être honnête.

— Effectivement, il est gros.

Luke n’avait pas encore les mains dans ses gants. Il n’arrêtait pas de toucher la fermeture Éclair étanche qui lui traversait la poitrine. Elle était serrée et dure à tirer. Il fallait qu’elle le soit. Là-dessous, l’eau était froide. La fermeture Éclair fermait bien la combinaison. Cependant, cela signifiait qu’elle serait dure à ouvrir quand ils atteindraient la destination.

— Comment voulez-vous que j’ouvre ce truc ? dit-il.

— Grâce à l’adrénaline, dit un des assistants. Quand ça commence à chauffer, les hommes s’arrachent quasiment ces combinaisons à mains nues.

Ed rit. Il regarda Luke. Son regard indiquait qu’il ne trouvait pas ça très drôle.

— Eh ben, dit-il.

Murphy ne riait pas du tout. Il était venu ici avec eux depuis Deadhorse, mais il n’avait même pas commencé à revêtir la combinaison.

— C’est un piège mortel, Stone, dit-il. C’est comme la dernière fois.

— Tu n’as rien à me prouver, dit Luke. Ni à moi ni à qui que ce soit d’autre. Personne n’est forcé d’y aller. Ce n’est pas du tout comme la dernière fois.

La dernière fois.

C’était la fois où ils avaient été tous les deux dans la Force Delta, dans l’est de l’Afghanistan. Luke était le chef de section et il n’avait pas refusé d’obéir à un lieutenant colonel obsédé par la gloire qui avait mené tout le monde, à l’exception de Luke et de Murphy, à sa mort.

C’était vrai. Il aurait pu annuler la mission. C’étaient ses hommes et ils ne devaient aucune fidélité au lieutenant colonel. Si Luke avait dit non, la mission se serait arrêtée, mais il aurait risqué la cour martiale pour insubordination. Il aurait risqué toute sa carrière militaire, une carrière qui, assez bizarrement, avait quand même pris fin cette nuit-là.

Murphy regarda Ed.

— Pourquoi y vas-tu ?

Ed haussa les épaules.

— J’aime l’excitation.

Murphy secoua la tête.

— Regarde ce trou, mec. C’est comme si quelqu’un avait creusé ta tombe. Si on met un cercueil là-dedans, tu es prêt pour l’enterrement.

Murphy n’était pas un lâche. Luke le savait. Pendant leur période dans la Force Delta, Luke avait participé à au moins une dizaine de batailles avec lui. Il avait été avec lui à Montréal, pendant la fusillade au cours de laquelle ils avaient sauvé la vie à Lawrence Keller et fait condamner les assassins du Président David Barrett. Il s’était même bagarré à coups de poings avec Murphy sur la flamme éternelle de John F. Kennedy. Murphy était un dur.